Pizol : traversée S-N de Gigerwald à Bad Ragaz

Après avoir brassé un peu de neige pour la 1ère fois de la saison la veille sur le Munt Baselgia, cap sur les Préalpes de Saint Gall pour fuir le mauvais temps supposé remonter du sud...comme souvent dans ces cas là, Météosuisse s'obstine a différencier largement l'est et l'ouest (le sud étant supposé se noyer sous la pluie), comme presque toujours au bout du compte le bassin genevois comptera à peu près autant (ou aussi peu...) d'heures que soleil que la Suisse Orientale ou même l'Engadine...

Enfin bref, j'étais (en gros...) dans le coin, et plus à 2-3h de train près, c'était donc l'occasion d'une petite visite à l'un des sommets les plus célèbres de la région, le Pizol, portant encore fièrement son petit glacier malgré sa modeste altitude de 2844m. Les mauvaises langues diront que ce n'est pas étonnant vu la climatologie locale. Enfin bref. Ce Pizol devait selon mes savants calculs constituer une sorte d'optimum par foehn pour avoir un maximum de ciel bleu (sic). Tout en me permettant de shunter la foule estivale grâce à une météo moyenne et des conditions semi-hivernales. Donc réveil à 6h00 dans mon dortoir de Basse Engadine, et 3 trains + 1 car postal plus loin j'attaque la montée (dans une solitude absolue, évidemment) au milieu de l'impressionnante vallée de Calfeisen. Dominée par endroits par des a-pics de 1000 à 1500m de haut, elle ne voit déjà plus beaucoup de soleil à la mi-octobre, et le dernier village de St Martin semble avoir déjà "évacué" ses habitants estivaux (unique restaurant fermé, route coupée...). Il fallait vraiment avoir la foi des Walser pour coloniser un coin pareil...enfin passons. Avouons qu'en tant que touriste, l'endroit est terriblement impressionnant et mérite le déplacement. Le chevauchement tectonique de Sardona tout proche est d'ailleurs inscrit au patrimoine de l'UNESCO.

L'accès au Pizol par le sud (via la vallée latérale de Tersol) se fait d'abord au moyen d'un sentier taillé en balcon au dessus d'une gorge évocatrice, le vallon s'ouvre vers 2000m aux abords des uniques chalets et le soleil y rentre donc toute l'année, au contraire de la vallée principale orientée E-W.  L'accès à la brèche 2696m semble du coup quasiment sec. Le hic est justement dans le "quasiment" : les 100 derniers mètres, les seuls vraiment redressés dans des pentes de schistes désagréables, ont stratégiquement revêtu une fine couche de neige verglacée promettant un retour à Mach 2 en cas de glissade inopinée. Car évidemment, toujours partisan du light +++, j'ai juste des treks ultra-légères au pied (en gros des trailrunners améliorées) et un petit piolet alu.

Je regarde le bas du toboggan, je pèse mes chances en le shuntant par les rochers délités et tuileux de la rive, j'hésite à faire 1/2 tour...et puis zut, je fracasse tout ce que je peux avec ma mini pioche et mes mini souliers et je finis par déboucher au replat de la brèche. En me promettant quoiqu'il arrive de ne pas repasser par là ! Le comité d'accueil est au RV, le foehn n'a bien sûr pas ramené une once de ciel bleu mais il est par contre assez efficace pour souffler la neige fraîche dans la figure du seul idiot traînant là haut ce jour là. La pente à 35° entre la brèche 2696m et la brèche supérieure du Pizol est bien remplie de neige mais le terrain est plus franc et je parviens sans trop de souci au pied de l'édifice sommital avec juste de la poudre plein les chaussures (et plein le capuchon). La descente sur le classique versant N est bien enneigée sur les 300 mètres supérieurs mais possède déjà une trace et ne dépasse pas les 30°. Le bref AR (facultatif...) au sommet se présente lui de façon bien plus pimentée. Mais je suis passé en état d'esprit commando, pas question de renoncer.

Il s'agit simplement d'un système de vires un chouia exposées mais munies d'un câble et donc de parcours débonnaire en conditions estivales. Là les vires sont remplies de neige fraîche et le câble est parfois enfoui. Pour être honnête je n'y aurais pas fait la trace équipé comme je le suis, mais 2 personnes ont apparemment déjà ouvert le chemin, il n'y a qu'à suivre. Arrivé sans encombre au sommet 10mn plus tard, brouillard, vent, neige dans la figure, vive la montagne. Petit moment d'inattention au retour, un pied traverse un trou de neige, je me rattrape sur le câble avant un grand saut. La décharge d'adrénaline me tiendra éveillé et concentré pour le reste de la descente ! La suite est sans souci, tout droit sur le petit glacier dépourvu de crevasses, la neige tassée porte bien et je rejoins rapidement les abords du magnifique Lac de Wildsee (2438m).

Tout le reste est sur sentiers, dès les 2200m (ruines de la Pizolhütte) on retrouve un télésiège permettant d'abréger la course et de s'épargner 1700m de descente. Mais pas question évidemment de manger de ce pain là. C'est donc 3h30 plus tard (et quelques mms de cartilages en moins), sur des chemins rendus bucoliques par l'ambiance automnale, que je débarque dans la sympathique petite ville thermale de Bad Ragaz (500m, donc 2400m sous le sommet...), bien connue pour ses eaux chaudes aux innombrables vertus. Le coin est assez rupin, les hôtels fleurent bon la clientèle curiste haut de gamme, mais la gare possède un sympathique bar - épicerie...et 2 trains par heure pour rejoindre mon bercail bernois !

Participants : solo. Croisé personne de la journée jusqu'à retrouver le sentier du Wildsee.

Météo : ciel de foehn version grise, couvert à 3000m avec un peu de soleil voilé, vent violent de S > 2500m, 18° à Bad Ragaz mais glacial au sommet, sec jusqu'au soir.

Conditions : neige > 2500m versant N, 2600 versant S, 30 bons cm em haut, ambiance bien hivernale Grosses chaussures plus que recommandées...