Chemin des cols alpins : Étape 43, de Taney à St-Gingolph
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English version
Nous voilà donc au début de la dernière journée de notre randonnée sur le chemin national No.6. C’est la 17ème étape de nos vacances de cette année, la 43ème en tout si on compte également les deux derniers étés. Bien que techniquement facile, c’est une longue étape qui nous attend, avec deux cols à passer suivis d'une descente jusqu'aux rives du Léman. Nous commençons la journée par un excellent petit-déjeuner au refuge du Grammont, avec des produits de la région et quelques bonnes surprises, comme les confitures maison à la poire et à la rhubarbe.
Comme les derniers jours, la pluie nocturne s'est éloignée et le ciel est bleu lorsque nous quittons le refuge un peu après 8 heures du matin. Il a quand même dû pleuvoir presque toute la nuit, car les hautes herbes dans le fond de la vallée sont encore trempées, mouillant le bas de nos pantalons au passage. Nous traversons le ruisseau qui alimente le lac de Taney, puis suivons un sentier herbeux qui longe sa rive sud ombragée en direction de l'ouest. Au-dessus du versant nord de la vallée, le sommet herbeux du Grammont et les deux pics rocheux des Jumelles sont baignés de soleil. Le sentier monte doucement sur un kilomètre environ, puis devient plus raide à mesure que la vallée se resserre, zigzaguant pour franchir un verrou rocheux avant de déboucher une centaine de mètres au-dessus sur du terrain plus plat.
Le sentier s’élargit maintenant, se transformant en une piste d’alpage qui continue de grimper tout en douceur, tandis que la vallée s'élargit à nouveau pour révéler un paysage de pâturages avec en toile de fond des falaises gris clair. Le son des cloches de vaches accompagne notre montée vers l’alpage de Loz (1828 m), un petit groupe de chalets sous les précipices des Cornettes de Bise. Derrière nous, la vallée que nous venons de remonter plonge vers l’est et la vallée du Rhône, devant un arrière-plan de crêtes bleu-gris dans la brume, de plus en plus pâles au fur et à mesure qu’elles s'éloignent. Devant nous, le Pas de Lovenex, le premier des deux cols de l’étape, est une dépression herbeuse coincée entre des versants raides de part et d’autre. Le sentier se perd un peu entre Loz et le col, mais la direction générale à suivre est évidente : sans véritable changement d'altitude, il suffit de suivre la vallée qui se resserre progressivement pour atteindre le col (1850 m). Le second col que nous devrons franchir est déjà visible non loin devant, juste à droite de deux petits sommets pointus.
Le sentier de l'autre côté du pas de Lovenex est étroit, faisant des lacets à travers des pentes herbeuses plutôt raides. Par endroits, le chemin a été érodé jusqu’à devenir une tranchée assez profonde : j’imagine que par temps de pluie, il doit se transformer rapidement en torrent, avec un fort potentiel de pieds mouillés à mesure que toute l'eau de la montagne converge vers le chemin de descente le plus facile. Un peu en dessous du col, la vue s'ouvre au nord et soudain, le Léman apparaît, très bleu, encadré par des versants rocheux, avec les villages et vignobles de la région du Lavaux sur son autre rive. Juste en dessous de nous, dans une cuvette herbeuse, se trouve le petit lac de Lovenex, plutôt brun et décevant, une pataugeoire pour vaches plus qu’autre chose.
Le sentier devient difficile à suivre, avec seulement de rares marques rouges et blanches à peine visibles et de nombreuses variantes sauvages, sans doute créées par des générations de randonneurs qui ont essayé d’éviter les parties les plus érodées du chemin officiel. Quelque part, nous manquons une bifurcation – ou alors nous avons bifurqué là où nous aurions dû aller tout droit - et nous nous retrouvons sur une trace de sentier à peine marquée, plus haut que nous ne devrions être. C’est encore une de ces occasions où, si j’avais fait l’effort de sortir la carte de mon sac, j’aurais immédiatement vu qu’il fallait descendre nettement plus bas, passant à côté des chalets d’alpage que nous voyons en contrebas, juste au-dessus du petit lac. Au lieu de cela, nous continuons horizontalement à travers les pierriers du versant, jusqu’à ce que nous nous trouvions devant un ravin assez profond : heureusement, il n’est pas trop difficile de trouver un endroit pour y descendre, puis pour ressortir de l’autre côté, c’est nettement moins compliqué que le ravin que nous avons dû passer il y a quelques jours entre Emosson et Salanfe.
De l’autre côté du ravin, le sentier devient plus marqué et continue à travers le flanc de la montagne, descendant petit à petit pour atteindre le col de la Croix herbeux (1756 m). C’est le dernier des quelque 40 cols franchis par le chemin No. 6, qui n’a pas été baptisé Chemin des cols alpins pour rien (ce qui entre parenthèses porte à confusion, car dans les pays anglophones l’appellation Alpine Pass Route désigne la partie suisse de la Via Alpina, autrement dit le chemin No. 1). Devant nous maintenant, bien en contrebas, se trouve la vallée de la Morge, le torrent qui marque la frontière entre la Suisse et la France. Sur son versant opposé, au-dessus de la limite supérieure de la forêt qui remplit le fond de la vallée, des pentes herbeuses s'élèvent jusqu'aux sommets rocheux du Château et de la Dent d’Oche. La vallée plonge vers la droite entre des pentes boisées raides : quelque part là-bas se trouve St-Gingolph et l’ultime destination de notre périple. Nous faisons une pause au col, discutant avec quelques-uns des autres randonneurs qui s’y trouvent, dont la plupart font une pause bien méritée après la longue montée depuis Novel, du côté français de la frontière, où ils ont laissé leur voiture. Un groupe nous propose un verre de vin blanc, une offre que nous déclinons : la dernière chose que nous voulons est de faire la dernière descente à moitié ivres sous le soleil chaud !
Il y a environ 380 mètres de dénivelé pour descendre du col de la Croix jusqu’au fond de la vallée de la Morge. Le sentier n'est pas difficile, mais il est tout le temps raide et plutôt fastidieux, avec de nombreuses pierres cachées par des touffes d'herbe : ce ne serait pas une bonne idée de se tordre la cheville si près de la fin ! À 1379 mètres, nous atteignons enfin un terrain plus plat, et bientôt le sentier se transforme en piste caillouteuse, puis devient une petite route goudronnée qui suit la rive droite de la Morge vers la lisière de la forêt. Il est presque une heure de l'après-midi et nous avons faim, mais trouver un bon endroit pour pique-niquer s’avère difficile. Les pâturages qui bordent la route n’ont pas été fauchés et l’herbe est longue ; les seuls endroits à l'ombre sont envahis par des orties. Plus bas, sous le chalet de l’Au de Morge (1180 m), la forêt devient dense, près de la route des deux côtés, sans bancs ni clairières où nous pourrions nous asseoir. De temps en temps, des ponts traversent le torrent vers la France, qui se trouve à moins de 20 mètres sur notre gauche.
Juste avant le hameau de Clarive (982 m), nous trouvons enfin un endroit pour le dernier pique-nique de nos vacances : à la lisière de la forêt la commune a équipé une zone herbeuse plate d’un foyer pour barbecue et d’une fontaine. Nous mangeons tous les restes de nourriture que nous transportons encore : cela fait un repas quelque peu de bric et de broc, mais cela nous permet de tout finir, exception faite d’une barre Snickers qui faisait partie du pique-nique fourni par la cabane de Prafleuri et qui est restée cachée dans le fond de mon sac depuis deux semaines et demie, se transformant en une masse molle aplatie et méconnaissable.
Depuis Clarive, on pourrait simplement descendre le long de la vallée par la route jusqu'à St-Gingolph, ce qui prendrait environ une heure et quart. Mais les concepteurs du chemin No. 6 ont choisi un itinéraire plus long, offrant même le bonus inattendu (et pas forcément bienvenu) d'une dernière montée de 200 mètres : par ce chemin, il faut deux heures et demie entre Clarive et St-Gingolph. Quittant la route, nous montons lentement le long d’une piste forestière qui, au bout d’une demi-heure, permet d’avoir une belle vue plongeante sur le village de St-Gingolph, les toits rouges de ses maisons contrastant avec l’eau très bleue du Léman derrière. Une montée courte mais très raide nous amène aux quelques maisons de Frîta (ou La Fraitaz, ou La Frête, nous avons vu les trois variantes sur différents panneaux) : à 1078 mètres, Frîta marque la fin de la dernière montée du chemin No. 6. Depuis ici, il faut descendre et encore descendre à travers la forêt, sur un sentier terreux et sinueux qui me fait penser aux nombreux chemins similaires dans le massif du Jura.
Le sentier, raide et très envahi par la végétation dans sa partie inférieure, se métamorphose en piste caillouteuse, descendant plus doucement jusqu’à ce que nous sortions enfin de la forêt, juste au-dessus des premières maisons de St-Gingolph. Nous descendons lentement à travers le village, dont la rue principale est curieusement coupée en deux par un poste de douane : une moitié du village se trouve en Suisse, l'autre en France. À quatre heures et demie de l'après-midi, nous atteignons enfin l’embarcadère au bord du lac (374 m), où nous demandons à un passant de prendre la photo obligatoire avec le Léman en arrière-plan. Il nous demande si nous avons fait le GR5 – dont le départ se trouve ici – et ne comprend manifestement pas quand nous lui parlons du chemin suisse No. 6. L’idée d’enchaîner le GR5 au lieu de retourner au travail est quand même très tentante…
Le chemin No. 6 est le plus long et le plus difficile des sept itinéraires de randonnée nationaux suisses. Il nous a fallu trois étés pour le terminer, et maintenant, assis à la terrasse de l’hôtel du Rivage au bord du lac, mangeant des filets de féra et buvant du vin blanc du Lavaux, je ressens à la fois un sentiment d’accomplissement pour être arrivé au bout, mais aussi une certaine tristesse que ce soit fini : déjà, la question de quoi faire après une telle randonnée se pose. D’ici les vacances de l’été prochain, j’aurai 66 ans : serai-je même physiquement capable de refaire quelque chose de ce genre ? Le temps le dira : pour l'instant, nous nous contentons de profiter de l’air de ce soir d’été et de regarder le lac. Il commence à pleuvoir, comme tous les soirs depuis une semaine, mais nous sommes protégés par le grand parasol au-dessus de notre table. Lorsque l’averse est passée, de fins rayons de soleil transpercent les nuages et font scintiller la surface du lac de leurs éclats alors qu’un magnifique arc-en-ciel se forme au-dessus de Montreux sur la rive opposée. C'est une belle façon de terminer les vacances.
Etape précédente
Retour à la première étape
Post-scriptum
Au cours de trois étés, nous avons marché pendant 43 jours (plus deux jours de repos) et parcouru 695 kilomètres, avec un total de près de 45 000 mètres de dénivelé positif et négatif. Les étapes les plus longues étaient celles entre Nühus et Vella en 2022 et entre Champex et Trient cet été : au cours de chacune de ces deux journées, nous avons marché pendant 9 heures sans compter les pauses.
Nous avons réservé nos hébergements environ 3 mois avant le début de nos vacances chaque année. Nous savions que cela comportait un risque en raison des incertitudes liées à la météo (et également au Covid la première année), mais cela s’est bien passé pour nous et nous n’avons jamais eu besoin de faire de changements de dernière minute dans nos réservations. Bien que l’hébergement soit limité dans certaines des vallées où les étapes se terminaient, nous n’étions jamais à plus d’un court trajet en bus de notre lieu de séjour.
Au cours de nos 43 jours de marche et 2 jours de repos, nous avons dormi dans :
Pour les pique-nique du midi, nous avons préféré faire les courses tous les deux ou trois jours plutôt que de se fier aux lunch packets des hébergements : plus varié et moins cher. Tous les villages avaient une épicerie (le plus souvent de la chaîne Volg) sauf Ausserferrera, Bourg St-Pierre et Torgon, et elles ouvraient généralement assez tôt pour pouvoir faire les courses avant de se mettre en route. Pour faire le plein d’eau, nous avons trouvé beaucoup de fontaines dans toute la partie grisonne, beaucoup moins au Tessin et en Valais central.
En plus des vêtements que je portais sur moi, j’avais un sac à dos 38 litres contenant :
Nous voilà donc au début de la dernière journée de notre randonnée sur le chemin national No.6. C’est la 17ème étape de nos vacances de cette année, la 43ème en tout si on compte également les deux derniers étés. Bien que techniquement facile, c’est une longue étape qui nous attend, avec deux cols à passer suivis d'une descente jusqu'aux rives du Léman. Nous commençons la journée par un excellent petit-déjeuner au refuge du Grammont, avec des produits de la région et quelques bonnes surprises, comme les confitures maison à la poire et à la rhubarbe.
Comme les derniers jours, la pluie nocturne s'est éloignée et le ciel est bleu lorsque nous quittons le refuge un peu après 8 heures du matin. Il a quand même dû pleuvoir presque toute la nuit, car les hautes herbes dans le fond de la vallée sont encore trempées, mouillant le bas de nos pantalons au passage. Nous traversons le ruisseau qui alimente le lac de Taney, puis suivons un sentier herbeux qui longe sa rive sud ombragée en direction de l'ouest. Au-dessus du versant nord de la vallée, le sommet herbeux du Grammont et les deux pics rocheux des Jumelles sont baignés de soleil. Le sentier monte doucement sur un kilomètre environ, puis devient plus raide à mesure que la vallée se resserre, zigzaguant pour franchir un verrou rocheux avant de déboucher une centaine de mètres au-dessus sur du terrain plus plat.
Le sentier s’élargit maintenant, se transformant en une piste d’alpage qui continue de grimper tout en douceur, tandis que la vallée s'élargit à nouveau pour révéler un paysage de pâturages avec en toile de fond des falaises gris clair. Le son des cloches de vaches accompagne notre montée vers l’alpage de Loz (1828 m), un petit groupe de chalets sous les précipices des Cornettes de Bise. Derrière nous, la vallée que nous venons de remonter plonge vers l’est et la vallée du Rhône, devant un arrière-plan de crêtes bleu-gris dans la brume, de plus en plus pâles au fur et à mesure qu’elles s'éloignent. Devant nous, le Pas de Lovenex, le premier des deux cols de l’étape, est une dépression herbeuse coincée entre des versants raides de part et d’autre. Le sentier se perd un peu entre Loz et le col, mais la direction générale à suivre est évidente : sans véritable changement d'altitude, il suffit de suivre la vallée qui se resserre progressivement pour atteindre le col (1850 m). Le second col que nous devrons franchir est déjà visible non loin devant, juste à droite de deux petits sommets pointus.
Le sentier de l'autre côté du pas de Lovenex est étroit, faisant des lacets à travers des pentes herbeuses plutôt raides. Par endroits, le chemin a été érodé jusqu’à devenir une tranchée assez profonde : j’imagine que par temps de pluie, il doit se transformer rapidement en torrent, avec un fort potentiel de pieds mouillés à mesure que toute l'eau de la montagne converge vers le chemin de descente le plus facile. Un peu en dessous du col, la vue s'ouvre au nord et soudain, le Léman apparaît, très bleu, encadré par des versants rocheux, avec les villages et vignobles de la région du Lavaux sur son autre rive. Juste en dessous de nous, dans une cuvette herbeuse, se trouve le petit lac de Lovenex, plutôt brun et décevant, une pataugeoire pour vaches plus qu’autre chose.
Le sentier devient difficile à suivre, avec seulement de rares marques rouges et blanches à peine visibles et de nombreuses variantes sauvages, sans doute créées par des générations de randonneurs qui ont essayé d’éviter les parties les plus érodées du chemin officiel. Quelque part, nous manquons une bifurcation – ou alors nous avons bifurqué là où nous aurions dû aller tout droit - et nous nous retrouvons sur une trace de sentier à peine marquée, plus haut que nous ne devrions être. C’est encore une de ces occasions où, si j’avais fait l’effort de sortir la carte de mon sac, j’aurais immédiatement vu qu’il fallait descendre nettement plus bas, passant à côté des chalets d’alpage que nous voyons en contrebas, juste au-dessus du petit lac. Au lieu de cela, nous continuons horizontalement à travers les pierriers du versant, jusqu’à ce que nous nous trouvions devant un ravin assez profond : heureusement, il n’est pas trop difficile de trouver un endroit pour y descendre, puis pour ressortir de l’autre côté, c’est nettement moins compliqué que le ravin que nous avons dû passer il y a quelques jours entre Emosson et Salanfe.
De l’autre côté du ravin, le sentier devient plus marqué et continue à travers le flanc de la montagne, descendant petit à petit pour atteindre le col de la Croix herbeux (1756 m). C’est le dernier des quelque 40 cols franchis par le chemin No. 6, qui n’a pas été baptisé Chemin des cols alpins pour rien (ce qui entre parenthèses porte à confusion, car dans les pays anglophones l’appellation Alpine Pass Route désigne la partie suisse de la Via Alpina, autrement dit le chemin No. 1). Devant nous maintenant, bien en contrebas, se trouve la vallée de la Morge, le torrent qui marque la frontière entre la Suisse et la France. Sur son versant opposé, au-dessus de la limite supérieure de la forêt qui remplit le fond de la vallée, des pentes herbeuses s'élèvent jusqu'aux sommets rocheux du Château et de la Dent d’Oche. La vallée plonge vers la droite entre des pentes boisées raides : quelque part là-bas se trouve St-Gingolph et l’ultime destination de notre périple. Nous faisons une pause au col, discutant avec quelques-uns des autres randonneurs qui s’y trouvent, dont la plupart font une pause bien méritée après la longue montée depuis Novel, du côté français de la frontière, où ils ont laissé leur voiture. Un groupe nous propose un verre de vin blanc, une offre que nous déclinons : la dernière chose que nous voulons est de faire la dernière descente à moitié ivres sous le soleil chaud !
Il y a environ 380 mètres de dénivelé pour descendre du col de la Croix jusqu’au fond de la vallée de la Morge. Le sentier n'est pas difficile, mais il est tout le temps raide et plutôt fastidieux, avec de nombreuses pierres cachées par des touffes d'herbe : ce ne serait pas une bonne idée de se tordre la cheville si près de la fin ! À 1379 mètres, nous atteignons enfin un terrain plus plat, et bientôt le sentier se transforme en piste caillouteuse, puis devient une petite route goudronnée qui suit la rive droite de la Morge vers la lisière de la forêt. Il est presque une heure de l'après-midi et nous avons faim, mais trouver un bon endroit pour pique-niquer s’avère difficile. Les pâturages qui bordent la route n’ont pas été fauchés et l’herbe est longue ; les seuls endroits à l'ombre sont envahis par des orties. Plus bas, sous le chalet de l’Au de Morge (1180 m), la forêt devient dense, près de la route des deux côtés, sans bancs ni clairières où nous pourrions nous asseoir. De temps en temps, des ponts traversent le torrent vers la France, qui se trouve à moins de 20 mètres sur notre gauche.
Juste avant le hameau de Clarive (982 m), nous trouvons enfin un endroit pour le dernier pique-nique de nos vacances : à la lisière de la forêt la commune a équipé une zone herbeuse plate d’un foyer pour barbecue et d’une fontaine. Nous mangeons tous les restes de nourriture que nous transportons encore : cela fait un repas quelque peu de bric et de broc, mais cela nous permet de tout finir, exception faite d’une barre Snickers qui faisait partie du pique-nique fourni par la cabane de Prafleuri et qui est restée cachée dans le fond de mon sac depuis deux semaines et demie, se transformant en une masse molle aplatie et méconnaissable.
Depuis Clarive, on pourrait simplement descendre le long de la vallée par la route jusqu'à St-Gingolph, ce qui prendrait environ une heure et quart. Mais les concepteurs du chemin No. 6 ont choisi un itinéraire plus long, offrant même le bonus inattendu (et pas forcément bienvenu) d'une dernière montée de 200 mètres : par ce chemin, il faut deux heures et demie entre Clarive et St-Gingolph. Quittant la route, nous montons lentement le long d’une piste forestière qui, au bout d’une demi-heure, permet d’avoir une belle vue plongeante sur le village de St-Gingolph, les toits rouges de ses maisons contrastant avec l’eau très bleue du Léman derrière. Une montée courte mais très raide nous amène aux quelques maisons de Frîta (ou La Fraitaz, ou La Frête, nous avons vu les trois variantes sur différents panneaux) : à 1078 mètres, Frîta marque la fin de la dernière montée du chemin No. 6. Depuis ici, il faut descendre et encore descendre à travers la forêt, sur un sentier terreux et sinueux qui me fait penser aux nombreux chemins similaires dans le massif du Jura.
Le sentier, raide et très envahi par la végétation dans sa partie inférieure, se métamorphose en piste caillouteuse, descendant plus doucement jusqu’à ce que nous sortions enfin de la forêt, juste au-dessus des premières maisons de St-Gingolph. Nous descendons lentement à travers le village, dont la rue principale est curieusement coupée en deux par un poste de douane : une moitié du village se trouve en Suisse, l'autre en France. À quatre heures et demie de l'après-midi, nous atteignons enfin l’embarcadère au bord du lac (374 m), où nous demandons à un passant de prendre la photo obligatoire avec le Léman en arrière-plan. Il nous demande si nous avons fait le GR5 – dont le départ se trouve ici – et ne comprend manifestement pas quand nous lui parlons du chemin suisse No. 6. L’idée d’enchaîner le GR5 au lieu de retourner au travail est quand même très tentante…
Le chemin No. 6 est le plus long et le plus difficile des sept itinéraires de randonnée nationaux suisses. Il nous a fallu trois étés pour le terminer, et maintenant, assis à la terrasse de l’hôtel du Rivage au bord du lac, mangeant des filets de féra et buvant du vin blanc du Lavaux, je ressens à la fois un sentiment d’accomplissement pour être arrivé au bout, mais aussi une certaine tristesse que ce soit fini : déjà, la question de quoi faire après une telle randonnée se pose. D’ici les vacances de l’été prochain, j’aurai 66 ans : serai-je même physiquement capable de refaire quelque chose de ce genre ? Le temps le dira : pour l'instant, nous nous contentons de profiter de l’air de ce soir d’été et de regarder le lac. Il commence à pleuvoir, comme tous les soirs depuis une semaine, mais nous sommes protégés par le grand parasol au-dessus de notre table. Lorsque l’averse est passée, de fins rayons de soleil transpercent les nuages et font scintiller la surface du lac de leurs éclats alors qu’un magnifique arc-en-ciel se forme au-dessus de Montreux sur la rive opposée. C'est une belle façon de terminer les vacances.
Etape précédente
Retour à la première étape
Post-scriptum
Au cours de trois étés, nous avons marché pendant 43 jours (plus deux jours de repos) et parcouru 695 kilomètres, avec un total de près de 45 000 mètres de dénivelé positif et négatif. Les étapes les plus longues étaient celles entre Nühus et Vella en 2022 et entre Champex et Trient cet été : au cours de chacune de ces deux journées, nous avons marché pendant 9 heures sans compter les pauses.
Nous avons réservé nos hébergements environ 3 mois avant le début de nos vacances chaque année. Nous savions que cela comportait un risque en raison des incertitudes liées à la météo (et également au Covid la première année), mais cela s’est bien passé pour nous et nous n’avons jamais eu besoin de faire de changements de dernière minute dans nos réservations. Bien que l’hébergement soit limité dans certaines des vallées où les étapes se terminaient, nous n’étions jamais à plus d’un court trajet en bus de notre lieu de séjour.
Au cours de nos 43 jours de marche et 2 jours de repos, nous avons dormi dans :
- 14 cabanes/refuges
- 1 Bed & Breakfast (à Savognin)
- 2 auberges de jeunesse ou similaires (à Grächen et à Trient)
- 2 hospices (Simplon et Grand St-Bernard)
- 29 hôtels, y compris les nuits avant et après la randonnée chaque année
Pour les pique-nique du midi, nous avons préféré faire les courses tous les deux ou trois jours plutôt que de se fier aux lunch packets des hébergements : plus varié et moins cher. Tous les villages avaient une épicerie (le plus souvent de la chaîne Volg) sauf Ausserferrera, Bourg St-Pierre et Torgon, et elles ouvraient généralement assez tôt pour pouvoir faire les courses avant de se mettre en route. Pour faire le plein d’eau, nous avons trouvé beaucoup de fontaines dans toute la partie grisonne, beaucoup moins au Tessin et en Valais central.
En plus des vêtements que je portais sur moi, j’avais un sac à dos 38 litres contenant :
- 1 T-shirt et 1 chemise de rando à manches longues
- 2 slips à séchage rapide
- 1 paire de chaussettes
- 1 polaire légère (quasiment pas utilisée)
- 1 doudoune légère sans manches (utilisée une ou deux fois le soir)
- 1 veste imperméable
- 1 paire de gants (pas utilisés)
- 1 sac de couchage en soie pour les nuits en cabane
- 1 sac contenant chargeurs et câbles pour téléphone, montre et appareil photo
- 1 appareil photo (le plus souvent attaché à ma ceinture)
- 1 trousse de toilette (brosse à dents, dentifrice, savon, rasoir, serviette)
- 1 trousse de pharmacie (paracétamol, Strepsils, crème ibuprofène, pansements)
- 1 couteau suisse
- 1 cuillère pliable
- 1 paire de lunettes de soleil
- 1 livre de poche (seulement la première année : je ne l’ai pratiquement pas lu et ne l’ai pas repris les deux autres années)
- 1 carnet de croquis avec crayons (pas utilisés du tout la première année et pas repris par la suite)
- 9 cartes au 1 :50,000ème sur les trois étés (j’ai imprimé les morceaux manquants et ai fait des assemblages pour éviter d’en porter encore 4 autres)
- 1 sac en tissu de style « veggie bag » de supermarché pour les pique-nique
- 2 gourdes de 750 ml chacune
- 1 portefeuille
- 1 iPhone (qui s’est parfois bloqué, à force de frotter contre ma jambe en marchant et de composer de faux numéros PIN à mon insu !)
Tourengänger:
stephen

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