Lötschenpass (avec abandon pour cause de mauvaise météo)

English version here: [isitmuchfurther.blogspot.com/2011/07/train-trouble-and-rain-...]

Il y a des jours où rien ne se passe comme prévu et où on se dit qu'on aurait peut-être mieux fait de rester à la maison à faire des lessives ou à regarder la télévision…
 
Notre projet de traversée du Lötschenpass en deux jours commence mal avant même le début de la randonnée. Au téléphone la veille avec l'amie qui m'accompagne, nous prévoyons de prendre le train de 9h 04 de Berne à Kandersteg. Je vérifie l'horaire sur le site web des CFF… ah non, je dis, le train est à 39, pas à 04.  Petit malentendu : je pense au train de 9h 39, ma coéquipière à celui de 8h 39. Elle est toute surprise de ne pas me retrouver sur le quai de la gare de Berne... normal,  je suis encore chez moi à Neuchâtel, en train de manger mon petit déjeuner !
 
Mais ce n'est que le premier contretemps de la journée. Le train qui m'emmène à Berne s'arrête en gare de Kerzers comme d'habitude mais là, on nous annonce que nous ne pourrons pas aller plus loin. Un train est tombé en panne devant nous et, comme c'est une voie unique, il est impossible de passer. Merci de prendre le bus de remplacement qui vous attend devant la gare.  Devant l'entrée de la gare il y a effectivement un car postal marqué "Bahnersatz BLS". Le problème, c'est qu'on n'arrive pas à mettre tous les passagers d'un train Neuchâtel-Berne à l'heure de pointe dans un car postal, loin de là.  Le bus part, une bonne centaine de personnes restent sur place jusqu'à ce le suivant arrive une vingtaine de minutes plus tard.  Je pense qu'il va nous emmener à Berne mais non, il va seulement jusqu'à la gare de Gümmenen, six ou sept kilomètres plus loin, où nous pouvons reprendre le train… qui ne part que 20 minutes plus tard.
 
A la suite de ces mésaventures, il est presque midi lorsque nous arrivons enfin à Kandersteg. Normalement c'est bien trop tard pour commencer une telle randonnée, nous le savons. Mais il fait beau, les quelques petits nuages qui s'accrochent aux sommets diminuent de minute en minute, et nous nous disons que le seul vrai problème sera d'arriver à la cabane pour le souper à 18h 30. Nous prenons le bus jusqu'au départ du téléphérique de Sunnbüel pour gagner une demi-heure, puis entamons la longue montée au Lötschenpass par le Gasteretal.
 
Le sentier monte tout d'abord le long de cascades tumultueuses ; il a beaucoup plu cette nuit et le Kander est en crue, charriant une quantité impressionnante d'eau de la couleur de ciment. Après cette première montée dans un défilé étroit, il est surprenant d'arriver dans le Gasteretal, vallée large au fond plat mais complètement entouré de falaises. Des cascades descendent le long des parois de tous les côtés.
 
Il faut pas loin de deux heures pour parcourir le fond de la vallée jusqu'à Selden, sur une large piste presque toujours à plat, à l'exception d'une courte montée aux deux tiers du parcours. Vers 14 heures nous attaquons la montée pour de vrai ; tout d'abord en forêt le long d'une nouvelle cascade puis, au-dessus de la buvette de Gfellalp, en lacets raides dans les pâturages. Nous montons bien ; le sentier est très bien profilé et nous gagnons de l'altitude rapidement sans trop nous fatiguer. Au vu des panneaux indicateurs à Gfellalp, nous avons rattrapé une bonne partie de notre retard. Nous serons à l'heure pour le souper et je commence même à penser qu'une bière avant de manger sera possible.
 
Un peu au-dessus de Schönbühl, vers 2100 mètres, nous faisons une pause pour reprendre notre souffle et manger un peu. Nous savons qu'il ne faut pas traîner, ce qui nous empêche d'apprécier la quiche et la salade faites maison à leur juste valeur, c'est dommage. Le ciel est devenu nuageux au-dessus du Kanderfirn, alors que vers le sud, là où nous allons, on voit encore pas mal de bleu. Les nuages d'altitude ont l'air de bouger assez vite, du sud-ouest vers le nord-est.  Un petit filet nuageux très photogénique s'installe en travers de la vallée à mi-hauteur, offrant de jolies contrastes avec la montagne autour.
 
Nous reprenons notre montée. Ayant déjà fait ce parcours, je sais qu'il nous reste encore 300 mètres de montée assez raide, puis une traversée de glacier horizontale et sans difficulté, un parcours le long d'une moraine et, pour terminer, une barre rocheuse qu'il faut passer à l'aide de chaînes avant d'arriver au vaste replat du col et à la cabane.  Au fur et à mesure que nous montons, le petit filet nuageux prend de l'ampleur et, après une vingtaine de minutes, il a complètement rempli la vallée et remonte vers nous. Pendant ce temps, le ciel au-dessus est redevenu bleu.  Petit à petit l'herbe fait place à la caillasse ; nous passons un ravin sur un sentier étroit et un peu délicat, puis continuons à monter vers la base de la paroi qu'il faudra suivre jusqu'au glacier. Les nuages nous ont rattrapés et nous marchons désormais dans le brouillard. J'espère que cela va se dégager suffisamment pour que nous puissions voir les poteaux de balisage marquant le passage le plus sûr à travers le glacier.
 
Nous atteignons la base des falaises. Le vent se lève et, très rapidement, le brouillard se dissipe. Mais pendant la demi-heure que nous étions dans les nuages, les conditions ont changé. Le ciel bleu a complètement disparu ; maintenant, vers le col, ce sont de gros nuages très sombres qui avancent vers nous. Les bourrasques de vent s'intensifient, nous sentons quelques gouttes… nous avons juste le temps d'enfiler nos vêtements de pluie et de couvrir les sacs, puis c'est un déluge de pluie mélangée de quelques petits grêlons. Pas encore de tonnerre mais dans ma tête, il est clair qu'un orage nous arrive dessus. Je sais que sur le reste du parcours il n'y aura aucune possibilité de s'abriter et je prends une décision : il faut redescendre le plus vite possible.  Un groupe de six ou sept personnes que nous avons vu à peu près une demi-heure devant nous doit être en plein dedans, sur la crête exposée de la moraine de l'autre côté du glacier.
 
Nous dévalons le sentier devenu glissant. La pluie nous fouette soit le visage, soit le dos selon la direction du sentier. Le passage du ravin est devenu difficile car le sentier terreux ne tient plus du tout  sous les pieds.  La pluie continue de tomber fort jusqu'à ce que nous atteignions de nouveau le point où nous avons fait notre pause puis, rapidement, s'atténue. Le soleil réapparaît au-dessus de nous alors que vers le col le ciel reste bien noir. A ma grande surprise, il n'y a pas du tout eu d'orage, seulement de la pluie et du vent.
 
Nous nous arrêtons à Gfellalp pour boire quelque chose, téléphonons à la cabane pour prévenir que nous ne viendrons pas et commençons le long chemin du retour. Il est six heures moins la quart et je sais qu'il nous faudra trois heures pour rejoindre la gare de Kandersteg. Pourvu qu'on ne loupe pas un train à cinq minutes près ! Le long replat du fond du Gasteretal est pénible, mais le pire est quand même la demi-heure qu'il faut encore marcher entre le début du village de Kandersteg et la gare !   Une grosse demi-heure à attendre le train (heureusement le buffet de la gare est encore ouvert), changements à Spiez et à Berne…  lorsque j'arrive enfin chez moi il est minuit moins le quart.
 
Finalement, ce qui nous aura "tués", c'est le train en panne.  Sans cela, nous aurions commencé à marcher une heure plus tôt et serions quasiment arrivés à la cabane au moment où la météo s'est gâtée.  Vu notre départ tardive, nous aurions sans doute dû nous replier sur une randonnée plus courte…