Chemin des cols alpins : Étape 38, du Châtelard au lac de Salanfe


Publiziert von stephen , 6. Oktober 2024 um 19:37.

Region: Welt » Schweiz » Wallis » Unterwallis
Tour Datum:10 August 2024
Wandern Schwierigkeit: T3 - anspruchsvolles Bergwandern
Wegpunkte:
Geo-Tags: CH-VS 
Zeitbedarf: 7:15
Aufstieg: 1230 m
Abstieg: 1120 m
Strecke:(Le Châtelard-Frontière) – Barrage d’Émosson – col de Barberine – col d’Emaney – lac de Salanfe
Zufahrt zum Ausgangspunkt:cff logo Lac d'Emosson, accessible en bus depuis Finhaut ou en funiculaire depuis Le Châtelard-Village
Zufahrt zum Ankunftspunkt:A pied uniquement

English version

Faire l’étape du Châtelard à Salanfe en une seule fois serait irréaliste : avec 2,000 mètres de dénivelé positif et une dizaine d’heures de marche, cela me paraît hors de ma portée. Il n'y a pas non plus de manière logique de couper l’étape en deux : il faut donc tricher. En prenant le train jusqu'à Finhaut, puis le bus jusqu'au barrage d'Émosson, nous pouvons éviter 800 mètres de montée entre le fond de la vallée de l’Eau Noire et le barrage et raccourcir l'étape d'environ deux heures et demie. De toute façon, la partie la plus intéressante de l’étape commence au barrage, ce qui justifie pleinement la tricherie !

Nous devons prendre le train à 8h 14 mais le petit déjeuner n'est servi qu'à partir de 8 heures : c’est un peu juste, même si la gare ne se trouve qu’à 50 mètres. Heureusement, la patronne nous a préparé un petit déjeuner dans un sac isotherme hier soir, et nous le mangeons maintenant sur notre balcon avant de descendre prendre un café à 8 heures. Ce petit déjeuner est tellement copieux qu'il en reste suffisamment pour le pique-nique du midi, ce qui résout le problème que nous avons constaté hier soir en voyant qu’il n’y avait plus de magasin au Châtelard.

Comme tous les trains suisses dont le nom inclut le mot "Express", le Mont-Blanc Express est un train très lent. Il avance sans se presser à travers le versant au-dessus de la vallée, mettant une bonne dizaine de minutes pour parcourir les 5 kilomètres entre Le Châtelard-Frontière et Finhaut. De là, il faut encore 20 minutes en bus pour monter au barrage qui se trouve à l'extrémité sud du lac d'Émosson (1,965 m). Après le Mont-Blanc Express, maintenant c’est Mont Blanc himself qui apparaît enfin : nous l'attendions depuis plusieurs jours, mais c'est tout de même une surprise de le voir soudainement surgir devant nous, juste de l'autre côté de la vallée, aussi blanc que son nom l’indique. À sa gauche se trouvent l'Aiguille Verte et les autres sommets célèbres qui s'élèvent au-dessus de Chamonix et d'Argentière, parfaitement visibles sous un ciel sans nuages. Il y a beaucoup de monde sur le parking du barrage, se préparant pour des randonnées ou profitant simplement du panorama. Le chef d'un groupe d’une dizaine de randonneurs me demande de les prendre en photo devant la vue. Ils ont des gros sacs à dos, prêts à partir pour une randonnée de plusieurs jours, et nous les croiserons plusieurs fois au cours de cette étape et la suivante.

L’étape commence de manière inhabituelle, car il faut traverser un long tunnel pour atteindre le chemin qui longe le lac. Bien qu'il y ait un éclairage sous forme d'ampoules suspendues au plafond du tunnel, elles sont assez espacées, et il y a des zones très sombres où il en manque une ou deux. Heureusement, le sol est plan, mais certains pourraient trouver utile de se munir d’une lampe frontale ici. À la sortie du tunnel, nous émergeons en plein soleil au-dessus de l'eau bleue du lac, avec une belle vue vers le sud en direction du barrage et vers le nord en direction de l’autre bout du lac, encadré par des pentes escarpées. Le chemin est goudronné jusqu'à la cabane isolée de Barberine (1957 m), où un sentier plus étroit bifurque à droite et commence immédiatement à grimper vers le premier des deux cols du jour, 500 mètres plus haut.

La première partie de la montée est raide, puis la pente s'adoucit à mesure que nous entrons dans une vallée parcourue par plusieurs petits ruisseaux et où la flore alpine est très abondante même à cette saison. Le groupe que nous avons vu au barrage nous rattrape, et pendant la majeure partie de la montée jusqu’au col, nous nous trouvons souvent mélangés à eux, certains allant plus vite que nous et d'autres plus lentement. Quatre membres du groupe sont malvoyants, chacun d'eux marchant derrière une personne voyante, la main sur son sac à dos pour maintenir le contact,  écoutant les consignes sur le meilleur endroit pour poser les pieds et sur les obstacles à éviter. Le chef du groupe nous explique qu'ils font le tour du Ruan, un itinéraire techniquement beaucoup plus difficile que le nôtre. C'est leur premier jour, dit-il, une petite mise en jambes pour évaluer le groupe avant les étapes bien plus sérieuses à venir. Sachant qu'aujourd'hui est l'une des étapes les plus difficiles de notre propre itinéraire, nous ne pouvons qu'admirer ces personnes qui ont non seulement surmonté leur handicap pour venir marcher en montagne, mais qui entreprennent une randonnée plus difficile que la nôtre et, pour certains, marchent plus vite que nous !

Au-dessus de la courbe des 2,300 mètres, le chemin devient à nouveau plus raide, et l'ascension finale jusqu'au col de Barberine (2,482 m) est ardue, dans des pierriers de caillasse roulante qui glissent sous nos pieds et drainent notre énergie. Mais l’effort vaut la peine pour la vue depuis le col, qui est somptueuse. Vers le sud-ouest, là d’où nous venons, le lac d'Émosson est d'un bleu turquoise profond, encadré par des sommets rocheux qui attirent le regard vers le Mont Blanc au loin. Vers le nord-est, nous voyons la suite de l'itinéraire vers le deuxième col de la journée : des pierriers gris et de la neige blanche descendent devant nous vers un replat, au bout duquel des pentes herbeuses s'élèvent vers le col. Vu d’ici cela paraît facile, mais la vue est trompeuse : entre nous et le replat herbeux se trouvent des ravins profonds, invisibles d'ici, dont le passage sera tout sauf simple.

La descente initiale du col n'est pas particulièrement difficile, il faut juste faire attention à ne pas se tordre la cheville en traversant le pierrier qui paraît interminable. Après 45 minutes de descente, vers 2,225 mètres, le terrain devient plus plat et le pierrier cède la place à l'herbe. Il est presque 13 heures et nous trouvons un endroit parfait pour déjeuner, sur un talus herbeux juste au-dessus du chemin, avec une vue sur la vallée et sur le col depuis lequel nous venons de descendre. Il reste du jambon, du fromage et des fruits du petit déjeuner fourni par l'hôtel, et nous avons des crackers et du chocolat qui restent encore des jours précédents, c’est juste assez. Le pique-nique est suivi d'une belle sieste ensoleillée de 30 minutes, après quoi il est vraiment temps de repartir : il reste encore du chemin jusqu’à l’auberge de Salanfe où nous dormirons ce soir.

Maintenant vient la partie la plus difficile de la journée. Le sentier descend, assez raide, pour arriver en haut de dalles inclinées qui plongent dans un ravin au fond duquel coule un petit torrent. Il n’y a pas de chemin visible pour contourner la zone de dalles et le balisage est très discret, alors nous descendons comme nous pouvons, en nous aidant des mains et des fesses dans les parties les plus raides. Bien que la traversée du torrent ne soit pas difficile en soi, il faut être prudent : il est trop large pour être franchi en un seul pas, ce qui signifie marcher sur les rochers glissants sous la surface de l’eau. À quelques mètres sur notre droite, le torrent se jette dans le vide, il faut vraiment assurer ses pas pour ne pas perdre pied. Derrière nous, le groupe des malvoyants, qui ont pique-niqué pas loin de nous, semble avoir trouvé un moyen plus facile de descendre les dalles : nous avons dû manquer le balisage quelque part.

De l’autre côté du torrent, un sentier étroit contourne la base de falaises sombres pour pénétrer dans un second ravin, resté caché de notre vue jusqu’à maintenant. De l’autre côté du ravin, le sentier est clairement visible, descendant sans problème vers la zone plate que nous avions aperçue depuis le col… mais comment atteindre ce sentier depuis là où nous sommes constitue un problème majeur. Le sentier qui contournait le ravin n’existe plus, tout a été emporté soit par une avalanche, soit par un glissement de terrain, laissant un trou d’une dizaine de mètres de profondeur devant nous. La seule possibilité semble être de descendre dans le lit du ravin, puis de remonter de l’autre côté, mais cette possibilité ressemble plus à une impossibilité : les parois du ravin sont verticales et paraissent complètement instables, son fond est raide et déverse vers un vide très conséquent qui ne pardonnerait pas un faux pas. C’est un vrai casse-tête : je me suis déjà convaincu que je ne descendrai pas dans ce ravin, mais la seule alternative serait de rebrousser chemin jusqu’au point de départ de la journée, ce qui paraît tout aussi impensable.

Ce sont le groupe des malvoyants et leur chef de course qui nous sauvent. Avec un autre membre du groupe, le chef descend dans le ravin et, après quelques explorations, trouve une sortie possible de l’autre côté, juste au bord du précipice. Nous leur demandons si nous pouvons faire cette traversée délicate avec eux et ils acceptent volontiers, merci à eux ! Dans le lit du ravin, le sol est totalement instable, les pierres ne tiennent pas du tout, et il y a un moment d’angoisse quand l’une des femmes du groupe déloge un rocher, qui en déloge un autre : pendant une seconde, je me dis que que tout le talus au-dessus de nous va s’effondrer. L’une des pierres a atterri sur le mollet de la femme, qui hurle de peur et de douleur : dans un premier temps on craint l’accident grave, mais finalement il y a plus de peur que de mal. La sortie de l’autre côté du ravin est quasi verticale, mais après trois ou quatre pas plutôt angoissants, nous nous retrouvons sur terre ferme, l’obstacle derrière nous. C’est le passage le plus difficile depuis le névé sous le col de Prafleuri, le troisième jour, et il n’y aura rien d’aussi compliqué pendant les étapes qui nous restent.

La montée au col d'Émaney se fait par un sentier parfois assez érodé qui serpente dans des pentes le plus souvent herbeuses. Bien que techniquement facile, ce sentier est tout le temps raide, sans aucun replat qui offrirait un moment de répit. Lors de ces étapes où il y a deux cols à passer, je suis toujours physiquement à la peine dans le deuxième, et aujourd’hui ne fait pas exception. Le passage des dalles et du le ravin m’a laissé tendu et fatigué, en plus l’après-midi est devenue très chaude ; j’avance à tout petits pas. Personne d’autre ne semble aller beaucoup plus vite cela dit : nous continuons à être dépassés par certains membres du groupe de malvoyants, tout en en dépassant d’autres, et finalement nous arrivons tous plus ou moins en même temps au col.

Au col d'Émaney (2462 m), c’est un nouveau panorama s’ouvre à nous, faisant place au massif du Mont Blanc qui disparaît maintenant. La vue devant nous est dominée par les hautes falaises rocheuses de la Tour Salière, tandis qu’au-delà du lac de Salanfe, nous voyons pour la première fois les Dents du Midi avec la Haute Cime, leur point culminant et le sommet le plus haut que j’ai jamais atteint en randonnée. C’est ce massif qui dominera la vue au cours de la descente et des deux prochains jours. Le lac, au bord duquel nous dormirons ce soir, paraît tout proche, mais la vue est trompeuse : il reste encore de la distance et beaucoup de descente.

La descente du col vers le lac n’est pas difficile, avec une alternance de paliers raides et des sections plus plates. Le soleil commence à disparaître derrière les sommets élevés à l’ouest, projetant de longues ombres et créant de belles contrastes. Il faut traverser quelques champs de neige résiduelle, mais ils ne posent pas de problème : il y a deux ou trois semaines, il devait encore y avoir pas mal de neige sur ces pentes orientées au nord. Paradoxalement, le lac paraît plus éloigné maintenant qu’il ne l’était depuis le col, où il semblait être presque à la verticale en dessous de nous. Lorsque nous atteignons enfin le terrain plat au-dessus de la rive du lac, épuisés par la chaleur intense, nous nous arrêtons pour boire, mais l’eau dans nos gourdes est si chaude que nous pourrions facilement nous doucher avec. Nous suivons un sentier caillouteux au-dessus du lac, puis descendons pour traverser le barrage à son l’extrémité est. Il ne reste alors qu’une minute de marche jusqu’à l’auberge de Salanfe (1943 m), où nous avons réservé deux places en dortoir pour la nuit.
Isabelle a pris un gros coup de chaleur et semble être rentrée dans une bulle pendant que nous attendons le check-in, ne réagissant pas du tout à ce qui se passe autour d’elle : il va vite falloir se poser et se réhydrater.

L’auberge est animée et tout aussi grande que celle où nous avons dormi il y a deux nuits, mais ici tout semble impeccablement organisé, le personnel est sympathique, c’est propre, et il y a suffisamment de douches : c’est le jour et la nuit. Nous posons nos affaires sur nos lits, puis nous installons à la terrasse surplombant le lac : nous avons juste le temps de boire une bière et de nous doucher avant l’heure du souper, où nous partageons une table avec deux Lausannois qui font le tour des Dents du Midi. Après le souper, nous ressortons regarder le coucher de soleil sur le lac, tandis qu’un parfait croissant de lune se lève au-dessus de la Tour Salière, c’est exactement comme un enfant dessinerait la lune au-dessus d’une montagne. Le dortoir de 16 lits est complet, avec surtout des familles avec enfants, mais c’est remarquablement calme et je dors très bien. Une étape difficile et très longue, parmi les plus soutenues du chemin No. 6, mais aussi très belle.

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Tourengänger: stephen
Communities: Randonneur


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