De Saas-Fee à Arolla sur le Chemin des cols alpins: J6, de la cabane des Becs de Bosson aux Haudères

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Après une nuit pendant laquelle le vent et la pluie n’ont cessé de fouetter la cabane, nous nous réveillons au moment où le soleil se lève, éclairant les montagnes d’une lumière aux tons rouges et bruns. Des nuages résiduels s’accrochent au sommet de la Dent Blanche, lui donnant l'aspect d'un volcan en éruption. Météosuisse annonce une journée chaude et ensoleillée avant l'arrivée d'une nouvelle perturbation qui pourrait bien apporter plus que quelques gouttes de pluie nocturne d’ici un jour ou deux... à surveiller. Nous nous levons à six heures et demie, prenons le petit déjeuner à sept heures et sommes prêts à partir un peu avant huit heures : ce n'est pas vraiment un temps record, il faut l’avouer, mais l’étape n'est pas très longue et nous ne sommes pas pressés. Malgré le soleil, il fait froid à presque 3,000 mètres : le vent souffle encore fort et nous avons besoin de nos polaires et même de nos gants pendant la première heure de marche.

Depuis la cabane des Becs de Bosson (2982 m), le chemin national n°6 redescend au Pas de Lona par l’itinéraire de la veille, avant de poursuivre vers l'alpage de l'A Vieille sur le versant ouest du col. Il existe pourtant un autre itinéraire vers l'A Vieille, et nous décidons de prendre celui-ci plutôt que de refaire ce que nous avons déjà fait hier. Cette alternative est très recommandable : pourquoi l'itinéraire officiel le boude est un mystère.

Quittant la cabane en direction de l’ouest, nous suivons un sentier caillouteux jusqu'au col de la Tsevalire (2947 m), d'où il y a une vue magnifique sur le vallon de Réchy et, au-delà, vers les montagnes se trouvant de l'autre côté de la vallée du Rhône. Le sentier traverse le flanc sud de la Pointe de Tsevalire plus ou moins horizontalement, descend le long d'une large crête rocheuse jusqu'à Grand Bandon (2834 m), puis continue à descendre sous la crête sur son versant ouest jusqu'à une bifurcation de chemins à 2722 mètres, où nous prenons celui de gauche. Le rocher cède sa place à l’herbe au fur et à mesure que nous descendons, en direction du sud, à travers les pâturages de la Montagne d'Eison, jusqu'à ce que nous atteignions le hameau d’alpage de l'A Vieille (2369 m). 

Ici, il est facile de se tromper de chemin : le panneau jaune indique clairement qu'il faut continuer tout droit, ce que nous faisons. Mais il n'y a aucune trace de sentier dans le pâturage en face, et la direction que nous avons prise nous amène presque tout suite à une impasse, au bord d'une pente raide qui surplombe une piste gravillonnée.  Nous revenons jusqu’au panneau, où un coup d’œil rapide sur la carte me fait comprendre que nous aurions dû tourner à droite pour descendre sur la piste, au lieu d’aller tout droit. Je me demande si quelqu'un (ou peut-être même le vent) n’aurait pas fait pivoter le panneau pour indiquer la mauvaise direction. De retour sur le bon chemin, nous observons un homme qui rassemble un troupeau de vaches noires d'Hérens à l'aide de deux chiens qu'il dirige avec toute une panoplie de cris et de sifflements. Quelques épingles à cheveux plus bas, nous sommes étonnés de voir un car postal remonter lentement cette piste d’alpage qui n’est même pas goudronnée : ce n’est qu'un gros minibus, certes, mais il est remarquable que le car postal dessert de tels coins reculés de la montagne, du moins en été.

Nous suivons la piste jusqu'à un virage où elle franchit un torrent, puis nous la quittons pour continuer tout droit sur un sentier étroit à flanc de montagne qui pénètre bientôt dans la forêt. Pendant une heure, nous descendons à l’ombre des arbres, assez raide par endroits, serpentant parfois à la base de barres rocheuses. De temps en temps, dans les sous-bois, des rayons de soleil éclairent les touffes d'herbe d’une belle lumière. Nous quittons la forêt au-dessus du hameau de Volovron (1697 m) : ici, pour la première fois, la vue s'ouvre sur tout le Val d'Hérens, s’étendant jusqu'aux montagnes qui barrent son extrémité sud. La Dent Blanche s'élève au-dessus du versant est de la vallée, avec des glaciers enneigés à sa droite. Les Dents de Veisivi dominent le centre du panorama, plongeant vers Les Haudères où nous dormirons ce soir, tandis que plus loin sur la droite se trouve le Mont Collon, au-dessus d'Arolla où nous irons demain. Le village d'Evolène semble tout proche, juste en dessous de nous, mais il nous faut encore une heure pour y arriver, par une piste peu intéressante.

Nous sommes tous les deux déçus par Evolène (1372 m), pourtant connu pour ses nombreuses vieilles maisons en bois. Isabelle y est venue en vacances pendant son enfance dans les années 1970, à l'époque où il y avait encore des fermes en activité au centre du village, et où ça sentait les vaches et le foin dans les ruelles étroites. Les parfums de la campagne ont disparu, et bien que les vieilles fermes aient été soigneusement restaurées et que les ruelles aient reçu un revêtement moderne de pavés roses, tout est un peu trop parfait, ça fait musée. Autour de l’église, la place centrale du village est un grand chantier, et le reste de la rue principale nous paraît peu soigné : les magasins sont délabrés et les grands hôtels anciens sont devenus des pizzerias. Nous pique-niquons sur un banc à l'ombre devant la poste, puis quittons Evolène sans trop nous y attarder.

Lorsque j’ai réservé tous les hébergements pour nos vacances, je n’ai pas trouvé de chambre d'hôtel à Evolène (peut-être parce que servir des pizzas est devenu plus rentable que louer des chambres). Nous avons donc réservé aux Haudères, environ quatre kilomètres plus au sud et à l’écart de l'itinéraire du chemin national n° 6. Entre les deux villages, nous suivons une piste le long de la rivière, sans grand intérêt. Le soleil est devenu très chaud et nous sommes contents d'avoir rempli nos gourdes avant de quitter Evolène. On peut également faire ce trajet en bus, cela ne prend que cinq minutes au lieu d’une petite heure à pied. 

Moins touristique et moins parfait qu'Evolène, le village des Haudères (1451 m) nous semble plus authentique. Nous y arrivons à deux heures de l'après-midi et la réception de notre hôtel n’ouvre qu’à trois heures. Nous allons donc boire une bière délicieusement froide et rafraîchissante sur la terrasse d'un des autres hôtels, puis flânons sur la place du village où c’est le jour de marché, Nous profitons pour acheter des fruits et du fromage pour le pique-nique du lendemain. Notre hôtel est un grand bâtiment ancien où, après le check-in, nous devons monter trois étages et enfiler une série de couloirs sans fin avant de trouver notre chambre, qui est lumineuse et moderne, avec un grand balcon ensoleillé. L'hôtel semble être presque vide, ce qui nous fait penser que les propriétaires n'ont peut-être rénové que quelques chambres, probablement celles avec vue et balcon, tout au bout de la maison. Pendant que nous faisons notre lessive et prenons un bain, un trio de cors des Alpes fournit un joli fond musical depuis la place du marché en contrebas.

Le restaurant de l'hôtel est fermé le soir et la réceptionniste nous conseille une pizzeria à la sortie du village. Le vent s'est levé à nouveau et il fait un peu trop froid pour manger en terrasse, alors nous nous réfugions à l'intérieur pour déguster une très bonne pizza. La nuit commence à tomber lorsque nous rentrons à l'hôtel, et le ciel s'est couvert : le mauvais temps va arriver. 

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