De Saint-Moritz à Saas-Fee sur le Chemin des cols alpins : Quatrième partie

J7, de Nühus à Vella
8 heures 55 minutes, +1410 m, -1760 m, T2

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Longue mais plutôt facile, cette étape est la dernière avant un jour de repos que nous avons planifié à Vella. Nous nous mettons en route après un très bon petit déjeuner : le pain et le Butterzopf faits maison laisseront un excellent souvenir. La pluie s’est évacuée, laissant derrière elle un ciel chargé de nuages qui se dissiperont au cours de la matinée.

La montée au Güner Lückli depuis Bruschgaleschg est régulière et jamais raide, d’abord sur une piste forestière puis, au-dessus du hameau de Zalöner Hütta, sur un bon sentier qui serpente dans des pentes herbeuses. En dessous de nous, le versant est ponctué de petits chalets d’alpage alors que plus loin, au-delà de la vallée, le Piz Beverin et ses satellites ont encore la tête dans les nuages. 

Nous atteignons le Güner Lückli herbeux (2470 m) après deux heures et demie de marche environ. De l’autre côté du col, une longue vallée s’ouvre sous des bandes de nuages qui s’accrochent encore aux pentes. Un panneau nous avertit que des chiens de protection sont à l’œuvre, mais ils doivent être loin et nous ne les verrons pas. Par contre, il y a de nombreuses vaches dans la première partie de la descente, dont une qui n’a manifestement aucune intention de se pousser, nous obligeant à crapahuter dans la pente raide au-dessus du sentier pour la contourner. Un peu au-dessus de l’Alp Gretg (1858 m), nous faisons une pause pique-nique suivie d’une agréable sieste dans l’herbe à côté du chemin.

Le sentier se transforme en piste en dessous du chalet d’alpage, avant d’entrer en forêt vers 1660 mètres. Pendant 45 minutes, nous marchons sur un surprenant chemin tapissé d’herbe, en descente douce, c’est vraiment agréable sous les pieds. Un peu avant Duvin (1174 m), un joli point de vue nous permet de découvrir le Val Lumnezia, dans lequel nous passerons les prochains jours. Un peu partout, on est en train de faire les foins à l’aide de petits engins motorisés et munis de gros picots qui leur permettent de s’agripper aux pentes raides. Duvin est un joli village avec un mélange réussi de vieilles maisons et de constructions plus modernes qui se sont inspirées d’éléments de l’architecture traditionnelle, tout en étant autre chose que de simples copies ou du "faux vieux".

En dessous du village, après quelques centaines de mètres sur la route, le balisage indique un sentier qui descend à droite dans le pré. Un peu plus loin, il faut vraiment faire attention : l’itinéraire bifurque subitement à droite, mais la marque de balisage et le sentier lui-même sont tous les deux invisibles quand on arrive depuis Duvin. Pire : un bon sentier continue tout droit et, étant donné que la bifurcation est invisible, nous nous faisons avoir et continuons de suivre ce sentier. Dix minutes plus tard, nous nous trouvons en difficulté dans un terrain très raide et exposé, sur un sentier de plus en plus indistinct qui dégringole entre des barres rocheuses vers un petit pré pentu, où il disparaît. Il faut remonter, en se hissant à l’aide des racines et des branches de buissons. Nous croisons un autre couple qui a fait la même erreur que nous et les prévenons qu’il faut faire demi-tour : je me demande combien de personnes par jour se trompent à cet endroit. Dans le sens de la montée, nous repérons la bifurcation que nous avons loupée : le sentier et la marque de balisage sont tous les deux complètement masqués par la végétation. J’ai eu ma dose d’aventures pour cet après-midi et nous décidons de remonter jusqu’à la route, que nous suivons ensuite jusqu’au fond de la vallée. 

Une particularité de cette étape est qu’elle se termine par une bonne montée. Du pont à Peiden Bogn (821 m) jusqu’à Vella il y a presque 450 mètres de dénivelée positive. La chaleur est étouffante dans la vallée et nous contemplons brièvement l’option bus, avant de décider de continuer à pied : après tout, demain nous pourrons nous reposer. Cette montée me paraît interminable, surtout dans sa première partie, jusqu’au village de Peiden, où il faut marcher sur la route. A Peiden (940 m), nous bifurquons à gauche sur une route plus petite qui, après avoir dépassé un cimetière, se transforme en piste caillouteuse. Petit à petit la vue s’ouvre, nous permettant de découvrir la vallée dans toute sa beauté. Malgré la température élevée le ciel se couvre rapidement, entraînant de jolis contrastes aux endroits où le soleil passe entre les nuages et éclaire des points précis sur le versant opposé. Alors que nous pensions arriver aux premières maisons de Vella, nous nous rendons compte que le village devant nous est Cumbel et qu’il nous faut encore une bonne demi-heure de marche. Le sentier entre en forêt, s’enfonce dans une petite gorge, puis remonte jusqu’à une vieille église. Cette fois-ci nous devons y être… mais l’église se trouve à l’écart du village, qui se trouve encore quelques centaines de mètres plus loin. Et inévitablement, la pension où nous avons réservé se trouve complètement à l’autre bout du village et encore 40 mètres plus haut !

Notre chambre se trouve au rez-de-chaussée d’une maison annexe située au-dessus du bâtiment principal. Elle dispose d’une terrasse avec fauteuils et d’une kitchenette, ce sera parfait pour le jour de repos qui vient. Avant ça, nous mangeons un excellent souper au restaurant de l’hôtel (une tartare de saumon suivie de délicieux capuns, complètement différents de ceux du Val Müstair), le tout arrosé d’un peu de vin pour fêter l’aboutissement de cette première semaine de marche.

 
Jour de repos à Vella

Nous faisons le tour du village, mangeons des glaces au café Maria, lisons sur la terrasse de notre chambre...  bref, nous ne faisons rien et c’est très bien comme ça.

 
J8, de Vella à Vrin
7 heures, +1430 m, -1270 m, T2

English version

Cette journée du 1^er août, consacrée à la découverte du magnifique Val Lumnezia, a quelque chose d’unique. Non seulement c’est la fête nationale suisse, c’est surtout la seule de nos 19 étapes qui prend la forme d’un parcours de crête, et la seule qui nous permet de fouler un sommet. 

Le chemin No. 6 passe juste à côté de notre hôtel, c’est un peu l’équivalent randonnée des stations de sports d’hiver où on peut chausser les skis directement à la porte du logement. L’étape se déroule d’ailleurs en grande partie sur ou à côté des pistes de ski, mais les installations de sports d’hiver sont remarquablement discrètes et semblent avoir été implantées en respectant le paysage existant au lieu de le remodeler à outrance. Nous commençons par une montée raide en lisière de forêt, suivie d’une traversée ascendante jusqu’au restaurant de Triel, station intermédiaire du télésiège Vella-Hitzeggen, dont seule la partie supérieure est ouverte. La montée continue par un lac artificiel (1699 m) qui permet sans doute d’alimenter les canons à neige, puis par des pâturages, jusqu’à ce que nous atteignions la crête à 2001 mètres. 

Tournant à gauche, nous suivons maintenant la crête vers le sud-ouest en direction du Piz Sezner. A notre gauche, des pentes herbeuses parsemées d’innombrables chalets et cabanons descendent vers le Val Lumnezia et ses villages. A droite, au-delà des pistes de ski d’Obersaxen et de la vallée du Vorderrhein, quelques petits glaciers se cramponnent encore aux plus hautes montagnes. Près du sommet du Stei (2171 m), un drapeau suisse flotte en honneur de la fête nationale, rouge et blanc sur fond de ciel bleu et d’herbe verte.

Le Piz Sezner se dresse maintenant devant nous, rocheux et raide. Le sentier se faufile entre les barres rocheuses en lacets serrés avant de déboucher sur le large plateau sommital (2309 m), où nous faisons notre pause déjeuner. Un autre couple décide de s’asseoir à dix mètres de nous, alors qu’il y a des kilomètres carrés d’herbe tout autour où on pourrait s’installer sans déranger personne. En repartant, l’un d’eux marche sur une fourmilière, déclenchant une attaque en règle de la part de centaines de fourmis volantes. Comme nous sommes juste à côté, nous en faisons aussi les frais.

Si la montée au Piz Sezner était raide, la descente du côté sud-ouest est tout le contraire : ici il n’y a plus de rocher, seulement des pentes herbeuses faiblement inclinées qui descendent vers le Val Gronda. Nous suivons une piste jusqu’à Camadra (1733 m), puis un sentier qui serpente entre les fermes et chalets, contourne un vallon marécageux et finit par entrer en forêt, dont l’ombre est la bienvenue. Au-dessus de Nussaus (1445 m), nous rejoignons l’ancien tracé du chemin national No. 6 qui, jusqu’à cette année, remontait le Val Lumnezia à mi-coteau depuis Ilanz. Notre destination, Vrin, paraît toute proche à vol d’oiseau… mais les oiseaux ne prennent pas les chemins de randonnée et il nous faudra encore une heure d’effort, le plus souvent en montée, pour y arriver, car le sentier fait un grand crochet dans un vallon latéral avant de rejoindre enfin la route un kilomètre avant l’entrée du village.

Vrin est un joli petit village avec un beau clocher et de nombreuses belles maisons alignées le long de sa rue principale. Il n’y a malheureusement plus d’hôtel : nous revenons donc passer une troisième nuit à Vella, après avoir pris une bière au café du village en attendant le car postal. La pension où nous avons passé les deux dernières nuits n’avait pas de place aujourd’hui, c’est donc dans un autre hôtel que nous dormons. Le menu spécial du 1^er août est facturé au prix normal de la demi-pension, ce qui est plus qu’honnête. 
 
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