D’une Emme à l’autre, en passant par la Schrattenflue
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English version here
Depuis que nous avons aperçu sa silhouette gris clair de loin, lors d'une balade le long de la Kleine Emme il y a cinq ans et demi, nous voulions monter à la Schrattenflue. L'occasion ne s'est jamais vraiment présentée jusqu'à présent, mais ce week-end de fin septembre les conditions étaient enfin réunies. Ayant le choix entre un train juste après 8 heures et un autre juste avant 10 heures, nous nous obligeons à nous lever tôt, car la journée sera longue : au moins six heures de marche selon mes calculs.
Il fait déjà chaud lorsque nous descendons du car postal à Kemmeriboden (976 m), au bord de l’Emme. Notre randonnée nous fera suivre une partie de la crête de la Schrattenflue, en passant par deux de ses sommets, avant de redescendre dans la vallée de la Waldemme. Cela commence par une montée raide sur une piste caillouteuse ; d'abord en forêt, puis plus doucement à flanc de montagne, parallèle aux nombreux sommets du Brienzergrat qui ferment la vallée sur son autre versant. Nous nous arrêtons pour boire de l'eau au chalet de Schneebärgli (1218 m), puis nous quittons la piste d’alpage pour un sentier herbeux qui monte à travers des prairies où l'on ramasse le dernier foin de la saison.
Le sentier est raide et sans répit, passant à côté du chalet d’Unter Imbärgli (1378 m), puis droit dans la pente vers les impressionnantes falaises du Böli. Un peu plus haut, le sentier s’oriente au nord-ouest et devient provisoirement moins raide, jusqu’à Chlus (1762 m), où plusieurs itinéraires se rejoignent et où nous faisons une seconde pause. Deux variantes sont possibles pour atteindre le Schibengütsch depuis ici : nous laissons de côté le chemin de gauche, balisé bleu-blanc, préférant l’option plus facile à droite. Ce sentier remonte le fond d'un vallon herbeux, puis zigzague vers la crête de la Schrattenflue, de plus en plus raide au fur et à mesure qu’il monte. Plus nous montons, plus le rocher calcaire gris clair affleure : le rapport rocher/herbe basculera de plus en plus en faveur de la roche au fil des heures.
Nous atteignons le point le plus bas de la crête entre le Schibengütsch à gauche et l’étrange Türstenhäuptli à droite. Avec sa grosse boule de roche qui semble avoir été collée un peu au hasard sur la pente raide de la montagne, le Türstenhauptli ressemble à un sphinx, ou à un chat prêt à bondir sur une souris.
Les quelque 50 derniers mètres jusqu’au sommet du Schibengütsch (2037 m) sont vraiment raides. Bien que le chemin soit facile à suivre, il y a du vide sur la droite et quelques endroits où l’usage des mains peut s’avérer utile pour surmonter des pas rocheux. Il n'y a cependant pas de réelle difficulté : j’évaluerais ce passage quelque part entre le T2 et le T3. En un quart d’heure depuis le point où nous avons rejoint la crête (les 10 minutes indiquées sur le panneau sont un peu optimistes), nous atteignons le sommet, d'où nous pouvons voir les géants de l'Oberland bernois, quelque peu perdus dans la brume au sud-ouest. Une vue panoramique s’étend aussi le long de la crête de la Schrattenflue que nous allons suivre plus tard.
Le sommet du Schibengütsch étant en train de subir une attaque soutenue de la part d’une armée de fourmis volantes, alors nous redescendons plus bas pour casser la croûte, avant de repartir vers le nord sur un sentier qui reste juste en dessous du fil de la crête, versant est. Le sentier n’est pas spécialement difficile, bien qu'il soit étroit et que la pente qu’il traverse soit raide. Quelques passages rocheux demandent un minimum de prudence et d'équilibre. Nous remontons juste en dessous de la "tête" du Türtenhäuptli, où se trouve une grande grotte. La brume s'est un peu dissipée et les Alpes bernoises se dessinent maintenant de manière plus nette au loin. Devant nous, la crête continue vers le Hengst herbeux, point culminant de la Schrattenflue, puis encore au-delà vers la pyramide rocheuse du Hächle, bien trop raide pour les simples randonneurs que nous sommes. L’itinéraire devient plus facile, suivant la crête devenue plus large et herbeuse sur son côté est (le versant ouest, lui, plonge quasiment à la verticale vers l’alpage d’Imbrig). Derrière nous, le Türstenhäuptli a perdu son air félin : sous cet angle, il se montre plutôt phallique. Ça redevient bien raide pour les derniers mètres jusqu'au Hengst (2092 m), d'autant plus que nous perdons le sentier et finissons par monter droit dans la pente mi-herbeuse, mi-rocheuse jusqu'au sommet, où nous arrivons peu avant 16 heures.
D'ici, nous pouvons voir toute l'étendue du lapiaz qui compose les pentes orientées est de la Schrattenflue : un désert de roche grise fendue par des crevasses et creusée par des gouffres ici et là. Le panneau sommital indique 2 heures jusqu'à l'arrêt de bus à Hirsegg : quelque chose me dit que c’est sous-évalué, ce qui s’avère être vrai car nous mettrons 45 minutes de plus. Nous descendons sous un ciel de plus en plus sombre, sur un sentier qui se tord dans tous les sens pour se faufiler entre les rochers. Ce chemin est vraiment malcommode, plus difficile qu’il en a l’air. On ne fait jamais plus de quelques pas en ligne droite, et le sol n'est jamais plan sous nos pieds. Même aux endroits où nous marchons sur de l'herbe, il y a des trous et des bosses invisibles juste sous la surface ; chaque pas a le potentiel d’une cheville tordue ou d’un ongle qui restera noir pendant des mois. Nous descendons dans le fond d'un vallon (Heideloch, 1931 m), puis remontons un peu vers la crête qui le délimite à l’est. J'ai l'impression que nous laissons enfin le rocher derrière nous, car le sentier devient plus herbeux, mais il suffit que je fasse part de cette impression à ma coéquipière pour que le lapiaz reprenne de plus belle.
Nous avançons lentement, mais forcer le pas ne serait pas prudent vu la nature du terrain. Malgré le bon balisage, je me dis que ne voudrais pas me trouver ici dans le brouillard. L’orientation deviendrait vite problématique et s'écarter du chemin serait peu recommandable avec autant de trous dans lesquels on pourrait tomber. Je sens que la fatigue commence à s’installer, mes cuisses se plaignent… et l’inévitable se produit : mon pied droit glisse sur des cailloux roulants, ma jambe cède et je me retrouve allongé sur le dos, heureusement sans me faire mal. Tout espoir d’avoir le bus de 17h59 s’est envolé : tout ce qui compte est d’arriver intacts en bas. Heureusement qu’il fait sec : les passages rocheux, parfois bien raides, doivent vite devenir glissants sous la pluie. Et comme pour mettre mon hypothèse à l'épreuve, nous sentons justement les premières gouttes alors que nous longeons le pied d’une énorme dalle inclinée : on dirait de la lave calcaire rejetée par un volcan.
La pluie s'intensifie au moment où nous atteignons enfin du terrain plus plat et plus facile, juste au-dessus de la Bodehütte (1436 m). Une équipe de la RTS s’est installée autour du chalet, mais nous n’arrivons pas à deviner exactement qu'elle filme : peut-être un drame montagnard d’une autre époque, car parmi les personnes qui s’abritent de la pluie sous l’avant-toit de la maison, il y a une femme habillée d’un dirndl. Il nous a fallu presque deux heures pour arriver jusqu'ici depuis le sommet du Hengst, et un panneau indique encore 50 minutes pour rejoindre la route de la vallée et le bus. Nous n’avons pourtant pas traîné : les deux heures indiquées au sommet ont dû être calculées uniquement sur la base de la distance et de la dénivelée, sans tenir compte de la configuration compliquée du terrain.
La dernière partie de la randonnée emprunte des routes d’alpage et des sentiers forestiers faciles, bien qu'il faille encore faire attention car la pluie a tout rendu glissant. Le ciel est redevenu bleu au sud et il y a un bel arc-en-ciel au nord ; pourtant, la pluie continue de nous arroser copieusement. Nous arrivons enfin au pont sur la Waldemme et l'arrêt de bus de Hirsegg (1071 m), où il n’y a ni abri, ni même de banc. Au départ de la randonnée, je pensais que nous aurions le bus de 16:59… en fait, ce ne sera que celui de 18:59. La journée a été longue et épuisante, mais fort intéressante, avec des paysages très variés et insolites par endroits. La randonnée est probablement facile dans le sens opposé, car dans ce cas on traverserait la zone de lapiaz à la montée.
Depuis que nous avons aperçu sa silhouette gris clair de loin, lors d'une balade le long de la Kleine Emme il y a cinq ans et demi, nous voulions monter à la Schrattenflue. L'occasion ne s'est jamais vraiment présentée jusqu'à présent, mais ce week-end de fin septembre les conditions étaient enfin réunies. Ayant le choix entre un train juste après 8 heures et un autre juste avant 10 heures, nous nous obligeons à nous lever tôt, car la journée sera longue : au moins six heures de marche selon mes calculs.
Il fait déjà chaud lorsque nous descendons du car postal à Kemmeriboden (976 m), au bord de l’Emme. Notre randonnée nous fera suivre une partie de la crête de la Schrattenflue, en passant par deux de ses sommets, avant de redescendre dans la vallée de la Waldemme. Cela commence par une montée raide sur une piste caillouteuse ; d'abord en forêt, puis plus doucement à flanc de montagne, parallèle aux nombreux sommets du Brienzergrat qui ferment la vallée sur son autre versant. Nous nous arrêtons pour boire de l'eau au chalet de Schneebärgli (1218 m), puis nous quittons la piste d’alpage pour un sentier herbeux qui monte à travers des prairies où l'on ramasse le dernier foin de la saison.
Le sentier est raide et sans répit, passant à côté du chalet d’Unter Imbärgli (1378 m), puis droit dans la pente vers les impressionnantes falaises du Böli. Un peu plus haut, le sentier s’oriente au nord-ouest et devient provisoirement moins raide, jusqu’à Chlus (1762 m), où plusieurs itinéraires se rejoignent et où nous faisons une seconde pause. Deux variantes sont possibles pour atteindre le Schibengütsch depuis ici : nous laissons de côté le chemin de gauche, balisé bleu-blanc, préférant l’option plus facile à droite. Ce sentier remonte le fond d'un vallon herbeux, puis zigzague vers la crête de la Schrattenflue, de plus en plus raide au fur et à mesure qu’il monte. Plus nous montons, plus le rocher calcaire gris clair affleure : le rapport rocher/herbe basculera de plus en plus en faveur de la roche au fil des heures.
Nous atteignons le point le plus bas de la crête entre le Schibengütsch à gauche et l’étrange Türstenhäuptli à droite. Avec sa grosse boule de roche qui semble avoir été collée un peu au hasard sur la pente raide de la montagne, le Türstenhauptli ressemble à un sphinx, ou à un chat prêt à bondir sur une souris.
Les quelque 50 derniers mètres jusqu’au sommet du Schibengütsch (2037 m) sont vraiment raides. Bien que le chemin soit facile à suivre, il y a du vide sur la droite et quelques endroits où l’usage des mains peut s’avérer utile pour surmonter des pas rocheux. Il n'y a cependant pas de réelle difficulté : j’évaluerais ce passage quelque part entre le T2 et le T3. En un quart d’heure depuis le point où nous avons rejoint la crête (les 10 minutes indiquées sur le panneau sont un peu optimistes), nous atteignons le sommet, d'où nous pouvons voir les géants de l'Oberland bernois, quelque peu perdus dans la brume au sud-ouest. Une vue panoramique s’étend aussi le long de la crête de la Schrattenflue que nous allons suivre plus tard.
Le sommet du Schibengütsch étant en train de subir une attaque soutenue de la part d’une armée de fourmis volantes, alors nous redescendons plus bas pour casser la croûte, avant de repartir vers le nord sur un sentier qui reste juste en dessous du fil de la crête, versant est. Le sentier n’est pas spécialement difficile, bien qu'il soit étroit et que la pente qu’il traverse soit raide. Quelques passages rocheux demandent un minimum de prudence et d'équilibre. Nous remontons juste en dessous de la "tête" du Türtenhäuptli, où se trouve une grande grotte. La brume s'est un peu dissipée et les Alpes bernoises se dessinent maintenant de manière plus nette au loin. Devant nous, la crête continue vers le Hengst herbeux, point culminant de la Schrattenflue, puis encore au-delà vers la pyramide rocheuse du Hächle, bien trop raide pour les simples randonneurs que nous sommes. L’itinéraire devient plus facile, suivant la crête devenue plus large et herbeuse sur son côté est (le versant ouest, lui, plonge quasiment à la verticale vers l’alpage d’Imbrig). Derrière nous, le Türstenhäuptli a perdu son air félin : sous cet angle, il se montre plutôt phallique. Ça redevient bien raide pour les derniers mètres jusqu'au Hengst (2092 m), d'autant plus que nous perdons le sentier et finissons par monter droit dans la pente mi-herbeuse, mi-rocheuse jusqu'au sommet, où nous arrivons peu avant 16 heures.
D'ici, nous pouvons voir toute l'étendue du lapiaz qui compose les pentes orientées est de la Schrattenflue : un désert de roche grise fendue par des crevasses et creusée par des gouffres ici et là. Le panneau sommital indique 2 heures jusqu'à l'arrêt de bus à Hirsegg : quelque chose me dit que c’est sous-évalué, ce qui s’avère être vrai car nous mettrons 45 minutes de plus. Nous descendons sous un ciel de plus en plus sombre, sur un sentier qui se tord dans tous les sens pour se faufiler entre les rochers. Ce chemin est vraiment malcommode, plus difficile qu’il en a l’air. On ne fait jamais plus de quelques pas en ligne droite, et le sol n'est jamais plan sous nos pieds. Même aux endroits où nous marchons sur de l'herbe, il y a des trous et des bosses invisibles juste sous la surface ; chaque pas a le potentiel d’une cheville tordue ou d’un ongle qui restera noir pendant des mois. Nous descendons dans le fond d'un vallon (Heideloch, 1931 m), puis remontons un peu vers la crête qui le délimite à l’est. J'ai l'impression que nous laissons enfin le rocher derrière nous, car le sentier devient plus herbeux, mais il suffit que je fasse part de cette impression à ma coéquipière pour que le lapiaz reprenne de plus belle.
Nous avançons lentement, mais forcer le pas ne serait pas prudent vu la nature du terrain. Malgré le bon balisage, je me dis que ne voudrais pas me trouver ici dans le brouillard. L’orientation deviendrait vite problématique et s'écarter du chemin serait peu recommandable avec autant de trous dans lesquels on pourrait tomber. Je sens que la fatigue commence à s’installer, mes cuisses se plaignent… et l’inévitable se produit : mon pied droit glisse sur des cailloux roulants, ma jambe cède et je me retrouve allongé sur le dos, heureusement sans me faire mal. Tout espoir d’avoir le bus de 17h59 s’est envolé : tout ce qui compte est d’arriver intacts en bas. Heureusement qu’il fait sec : les passages rocheux, parfois bien raides, doivent vite devenir glissants sous la pluie. Et comme pour mettre mon hypothèse à l'épreuve, nous sentons justement les premières gouttes alors que nous longeons le pied d’une énorme dalle inclinée : on dirait de la lave calcaire rejetée par un volcan.
La pluie s'intensifie au moment où nous atteignons enfin du terrain plus plat et plus facile, juste au-dessus de la Bodehütte (1436 m). Une équipe de la RTS s’est installée autour du chalet, mais nous n’arrivons pas à deviner exactement qu'elle filme : peut-être un drame montagnard d’une autre époque, car parmi les personnes qui s’abritent de la pluie sous l’avant-toit de la maison, il y a une femme habillée d’un dirndl. Il nous a fallu presque deux heures pour arriver jusqu'ici depuis le sommet du Hengst, et un panneau indique encore 50 minutes pour rejoindre la route de la vallée et le bus. Nous n’avons pourtant pas traîné : les deux heures indiquées au sommet ont dû être calculées uniquement sur la base de la distance et de la dénivelée, sans tenir compte de la configuration compliquée du terrain.
La dernière partie de la randonnée emprunte des routes d’alpage et des sentiers forestiers faciles, bien qu'il faille encore faire attention car la pluie a tout rendu glissant. Le ciel est redevenu bleu au sud et il y a un bel arc-en-ciel au nord ; pourtant, la pluie continue de nous arroser copieusement. Nous arrivons enfin au pont sur la Waldemme et l'arrêt de bus de Hirsegg (1071 m), où il n’y a ni abri, ni même de banc. Au départ de la randonnée, je pensais que nous aurions le bus de 16:59… en fait, ce ne sera que celui de 18:59. La journée a été longue et épuisante, mais fort intéressante, avec des paysages très variés et insolites par endroits. La randonnée est probablement facile dans le sens opposé, car dans ce cas on traverserait la zone de lapiaz à la montée.
Tourengänger:
stephen

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