Chemin des crêtes du Jura : troisième étape, de Brugg à Staffelegg

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L’inconvénient de faire de la randonnée sur le Plateau suisse en automne, c’est que soit il fait mauvais, soit il y a du brouillard. J’exagère peut-être, mais pas beaucoup. A Lucerne il fait grand beau, à la gare les trains déversent des hordes de sportifs venus courir le Swiss City Marathon. Mais peu avant Olten, le train plonge dans le brouillard : un changement de train et vingt minutes plus tard, à Brugg c’est pareil. La vieille ville est encore plus déserte que la veille, sous une chape grise et humide qui n’encourage personne à mettre le nez dehors. 

Ce brouillard va persister pendant les deux premières heures de l’étape, qui se déroulent à proximité de zones habitées et de routes bruyantes que je ne vois pas, c’est donc un moindre mal. Je passe au-dessus de l’Aare et monte par une rue pavée, puis par un chemin forestier qui devient horizontale avant de déboucher dans une zone résidentielle. Au-dessus de moi, un cercle pâle indique la position du soleil : j’espère, comme c’est parfois le cas, que je vais sortir subitement du brouillard, mais je ne monte guère en altitude et le ciel bleu, que je sens tout proche, ne se dévoile toujours pas. Je traverse un deuxième quartier résidentiel, puis continue entre des près jusqu’à Vierlinden (514 m), où je dois traverser la route dont le bruit m’assaille depuis une heure : traversée sans passage protégé, assez risquée vu la visibilité réduite.

De l’autre côté de la route, des vaches couchées dans un pré ressemblent curieusement à des sculptures : immobiles et à moitié invisibles, le détail de leur morphologie se trouve réduite aux formes les plus basiques par le brouillard. Au loin, j’entends des coups de fusil : des chasseurs seraient-ils présents dans le coin ? J’espère que non : le chemin que je suis entre en forêt et j’espère que je ne vais pas rencontrer un sanglier qui fuit devant les fusils. Mais les coups de feu s’éloignent et la forêt retrouve son calme, d’autant plus que le chemin de randonnée s’écarte enfin de la route, pour la première fois depuis le début de l’étape. Quelques rayons de soleil tentent une percée entre les troncs des arbres, amenant une luminosité aussi belle que mystérieuse.

Je quitte la forêt et le brouillard simultanément, à quelques centaines de mètres avant le village de Linn. Le tilleul plusieurs fois centenaire qui fait la réputation du village me déçoit un peu : certes, la circonférence de son tronc est impressionnante, mais son emplacement en bordure d’une route passagère lui porte préjudice. Le parking destiné aux nombreux visiteurs venus voir le tilleul aurait lui aussi pu être construit un peu plus loin : difficile de photographier l’arbre sans que la prise de vue soit encombrée de voitures.

Je monte au-dessus de Linn le long d’une petite route goudronnée, sous un ciel devenu bleu, avec les dernières nappes de brume qui se promènent joliment le long des flancs de colline en s’accrochant aux arbres. Un banc au soleil serait le bienvenu, car il est 13 heures et je voudrais manger. Un peu plus haut, juste à l’endroit où la route se transforme en sentier et entre en forêt, mon vœu est partiellement exaucé : deux bancs se trouvent juste à la lisière des bois et, s’ils ne se trouvent pas au soleil, ils bénéficient d’une belle vue sur les maisons de Linn et les collines boisées qui entourent le village.

Après avoir mangé mes sandwiches et quelques carrés de chocolat, je reprends mon chemin, montant par un très joli sentier forestier, raide par endroits, qui m’amène à un belvédère (700 m environ) où se trouvent plusieurs bancs et autant de randonneurs et de cyclistes. La vue vers le sud, au-delà de la vallée de l’Aare, est malheureusement très brumeuse aujourd’hui.

Après un kilomètre relativement plat, le sentier descend doucement pour quitter la forêt à Buechmatt. Cette grande clairière est probablement le plus bel endroit de cette étape. Devant moi, un chemin sinueux traverse un vallon, entre des près et des arbres dont les feuilles ont revêtu une jolie tenue automnale. A l’arrière-plan, le relief s’élève vers ce qui commence vraiment à ressembler au Jura, avec des collines arrondies couvertes de forêt. Après deux étapes et demie où le bruit de la ville n’a jamais vraiment disparu, ici le calme règne enfin. L’itinéraire suit le vallon, tourne à gauche puis, à un carrefour de plusieurs chemins, à droite pour remonter à Chillholzweid (673 m), où des vaches se prélassent au soleil devant ce décor de rêve. 

De nouveau en forêt, le chemin monte maintenant en pente assez douce jusqu’au Mattebüel, point culminant de l’étape à une altitude de 729 mètres. Après une descente courte mais raide, le bruit des motos sur la route de la Staffelegg signale la fin de l’étape toute proche. La piste forestière rejoint une route, puis le parking du col (659 m). Je suis surpris de n’y voir ni arrêt de bus, ni de café… puis je me rends compte qu’il ne s’agit pas encore de la Staffelegg, qui se trouve 40 mètres plus bas et 10 minutes de marche plus loin. C’est une fin d’étape plutôt désagréable le long d’une route très passagère, ce qui est dommage car tout ce que j’ai vu depuis Linn a été magnifique. J’ai 45 minutes à attendre avant le car postal qui m’emmènera à Aarau, juste le temps de boire une petite bière… mais le restaurant du col est désespérément fermé. Une grande affiche me souhaite la bienvenue pour sa réouverture en été 2023, mais ça fait un peu long comme attente pour une bière, je prends donc le bus…

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