Randonnée pascale sur l'Etzel
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English version here
Je suis à court de forme physique, c’est un fait incontestable. A vrai dire, je me suis rarement senti aussi peu en forme qu'en ce moment. C'est seulement ma deuxième randonnée depuis le début de l'année et je sors tout juste de deux semaines de quarantaine, suite à un voyage en Angleterre. Depuis une dizaine de jours, ma dose d’exercice physique s’est limitée aux déplacements entre la chambre, le salon, la cuisine, la salle de bains et le bureau. Grâce à la configuration de mon appartement, j’ai pu faire des variantes : ainsi, je peux soit prendre l’itinéraire direct pour passer de la cuisine au bureau, soit opter pour le parcours nettement plus long via le salon et le hall d'entrée. Mais du point de vue dénivelée, c’est un peu comme une randonnée en Flandre occidentale, avec la mer en moins. Pas étonnant donc que la montée à l'Etzel, au-dessus du lac de Zurich, m’a paru épuisante ! Les centaines de marches en bois qu’il faut gravir entre le lac et le sommet n’étaient peut-être pas le meilleur choix pour une sortie de quarantaine…
Je commence à la gare de Pfäffikon, ville qui semble être entièrement consacrée à l'industrie du bien-être : en sortant de la gare, je passe coup sur coup devant une clinique, une pharmacie, un cabinet de physiothérapie et un salon de body forming… j’ai beau être de langue maternelle anglaise, je n’ai pas la moindre idée de quoi il s’agit. Je suis rassuré lorsque je tombe enfin sur une boulangerie qui vend, en plus du pain, des lapins de Pâques : au moins, les habitants de Pfäffikon peuvent se goinfrer de pain et de chocolat lorsqu'ils en ont assez de former leur body. Je monte en pente raide au-dessus de la ville, sur un chemin bordé de panneaux didactiques sur les abeilles et l'apiculture. Je ne vois ni abeilles ni ruches, mais j'apprends certaines choses que j'ignorais auparavant, comme le fait que la reine peut vivre jusqu'à cinq ans, alors que la durée de vie de ses petites ouvrières ne dépasse guère un mois. Vive la monarchie...
Cette première partie de la randonnée est quelque peu gâchée par la pollution sonore : tout d'abord par le bruit de l'autoroute qui longe toute la rive est du lac de Zurich ; puis, plus haut, par le flot continu de motos sur la route du col, dont le sentier ne parvient pas à s’éloigner complètement. Dès le départ, la montée est soutenue, avec de nombreuses sections de marches en bois qui alternent avec des tronçons un peu moins raides. J'arrive à un croisement de chemins marqué Schneckenburg (727 m), nom merveilleusement évocateur dont la traduction pourrait être La forteresse des escargots. Je me demande quelle pourrait être l'origine de ce nom bizarre.
Un peu plus haut, après un kilomètre moins raide qui me fait croire à tort que j'ai trouvé mon deuxième souffle, la partie la plus dure de la montée commence. Depuis l'altitude de 850 mètres jusqu'au sommet, 250 mètres plus haut, le sentier prend la forme d’un escalier sans fin (500 marches selon le panneau en bas de l’escalier ; presque 1,000 selon le guide Rother) qui attaque la pente boisée de face, sans s’encombrer de lacets qui pourraient faciliter la montée. Je croise deux hommes qui parlent boulot dans un anglais aux accents américains. "He was pissed", dit le plus âgé des deux. "Not an ideal career strategy", répond l'autre. Un peu plus haut, deux femmes discutent en allemand, sauf pour la phrase risk assessment qui ponctue leur conversation à plusieurs reprises en anglais. Les gens ne peuvent-ils vraiment pas se déconnecter du travail, même le dimanche de Pâques sur un sentier ridiculement raide ?
Je m'arrête à environ 50 mètres sous le sommet, le temps de casser la croûte sur un banc, là où un promontoire rocheux offre une belle vue vers le sud, le long du lac de Zurich jusqu'à la chaîne de l’Alpstein et le Säntis. Les panoramas ont été rares jusqu'à présent, car l'Etzel est densément boisé : heureusement, cela changera lors de la seconde partie de la randonnée. Les 50 derniers mètres jusqu'au sommet sont les plus raide de tous, et malgré l'effort physique, mes mains sont en train de devenir passablement gelés sous l’effet de la bise : j’aurais dû penser à prendre des gants avec moi. C'est un grand soulagement lorsque j'émerge enfin non seulement sur le terrain moins raide du plateau sommital (1096 m), mais aussi à la lumière du soleil qui chauffe. La meilleure vue d'ici est celle vers le sud, vers les sommets enneigés du Hoch-Ybrig au-delà du Sihlsee bleu-gris.
Je descends en pente raide sur l'une de ces pistes forestières gravillonnées malcommodes où la glissade ne semble jamais être bien loin, et je suis soulagé lorsque je laisse enfin ce terrain escarpé derrière moi, au col de l'Etzelpass (949 m) où la jolie chapelle de St. Meinrad trône devant un arrière-plan magnifique : les montagnes sont encore toutes blanches, il reste vraiment beaucoup de neige par rapport aux week-ends de Pâques de ces dernières années. Un panneau m'informe que je suis au croisement de la Obere Obereggstrasse et de la Untere Obereggstrasse. Même si le suisse-allemand Egg n’a strictement rien à voir avec les œufs, l'idée d’œuf supérieur supérieur et d’œuf supérieur inférieur me fait sourire… après tout, c’est le dimanche de Pâques !
Les deux kilomètres qui suivent se déroulent sur une route goudronnée, où la brigade des motards se fait entendre à nouveau. Je croise une famille au sein de laquelle une leçon de français improvisée suit son cours… «Le pré, das isch Wiese, oder ? » Ce qui n’est pas faux. La route descend pour traverser la Sihl au niveau du Teufelsbrücke… mon dernier Pont du Diable était celui au-dessus de Göschenen, il y a presque deux ans. Celui-ci est peut-être moins spectaculaire - la Sihl n’est pas la Reuss du Gotthard après tout - mais il s’agit quand même d’une solide construction en pierre datant du 16ème siècle, très différente des ponts couverts en bois que l’on trouve un peu partout dans la campagne suisse. Un chemin agréable serpente ensuite à travers un paysage parfois boueux de champs et de bosquets, où la dernière neige résiduelle de l'hiver s'attarde aux bords des clairières. Une petite montée raide à travers un pâturage m'amène à la bifurcation de Hinterhorben (928 m), où le panneau de balisage jaune indique une direction pile entre les deux bras de la bifurcation : impossible de savoir s’il faut prendre le bras de gauche ou plutôt celui de droite. Ma carte au 1 :50,000ème n’est pas très utile non plus, je dois faire recours au Swiss Map Online sur mon téléphone portable, qui confirme qu’il faut aller à gauche.
Un large sentier descend tout en douceur vers le surprenant haut-marais de Schwantenau, entre les vallées de la Sihl et de l'Alp. Il n'y a pas de maisons ici, seulement quelques cabanes en bois. Pas d'herbe verte non plus ; le sol est recouvert des roseaux et des herbes desséchés de l'automne dernier, un tapis couleur paille qui s'étend jusqu'à ce que le terrain s’élève vers des zones plus vertes. Le sol est marécageux sous mes pieds : ici et là, des ruisseaux bruns paresseux font des méandres à travers le sol tourbeux. La fonte des neiges a créé des lacs éphémères peu profonds, où des bouleaux attendent que la terre draine, les pieds dans l'eau. Alors que j'arrive au bout du marais et que la piste que je suis recommence à monter doucement, une meule conique semble avoir posé exprès pour la photo, devant un arrière-plan de pâturages, de fermes et de montagnes enneigées.
La dernière demi-heure de la randonnée suit un petit chemin d’alpage qui monte vers les quelques maisons d'Altberg (940 m). Des vaches brun clair broutent l'herbe nouvelle du printemps sur le talus abrupt qui plonge vers la vallée de l'Alptal. En bas, le petit train rouge de la Südostbahn remonte lentement la vallée en direction d'Einsiedeln. Une dernière descente abrupte m'amène au fond de la vallée, avec sa route principale bruyante et très fréquentée, et enfin, totalement épuisé malgré seulement quatre heures et demie de marche, à la gare de Biberbrugg.
Je vais bien dormir ce soir, aucun doute !
Je suis à court de forme physique, c’est un fait incontestable. A vrai dire, je me suis rarement senti aussi peu en forme qu'en ce moment. C'est seulement ma deuxième randonnée depuis le début de l'année et je sors tout juste de deux semaines de quarantaine, suite à un voyage en Angleterre. Depuis une dizaine de jours, ma dose d’exercice physique s’est limitée aux déplacements entre la chambre, le salon, la cuisine, la salle de bains et le bureau. Grâce à la configuration de mon appartement, j’ai pu faire des variantes : ainsi, je peux soit prendre l’itinéraire direct pour passer de la cuisine au bureau, soit opter pour le parcours nettement plus long via le salon et le hall d'entrée. Mais du point de vue dénivelée, c’est un peu comme une randonnée en Flandre occidentale, avec la mer en moins. Pas étonnant donc que la montée à l'Etzel, au-dessus du lac de Zurich, m’a paru épuisante ! Les centaines de marches en bois qu’il faut gravir entre le lac et le sommet n’étaient peut-être pas le meilleur choix pour une sortie de quarantaine…
Je commence à la gare de Pfäffikon, ville qui semble être entièrement consacrée à l'industrie du bien-être : en sortant de la gare, je passe coup sur coup devant une clinique, une pharmacie, un cabinet de physiothérapie et un salon de body forming… j’ai beau être de langue maternelle anglaise, je n’ai pas la moindre idée de quoi il s’agit. Je suis rassuré lorsque je tombe enfin sur une boulangerie qui vend, en plus du pain, des lapins de Pâques : au moins, les habitants de Pfäffikon peuvent se goinfrer de pain et de chocolat lorsqu'ils en ont assez de former leur body. Je monte en pente raide au-dessus de la ville, sur un chemin bordé de panneaux didactiques sur les abeilles et l'apiculture. Je ne vois ni abeilles ni ruches, mais j'apprends certaines choses que j'ignorais auparavant, comme le fait que la reine peut vivre jusqu'à cinq ans, alors que la durée de vie de ses petites ouvrières ne dépasse guère un mois. Vive la monarchie...
Cette première partie de la randonnée est quelque peu gâchée par la pollution sonore : tout d'abord par le bruit de l'autoroute qui longe toute la rive est du lac de Zurich ; puis, plus haut, par le flot continu de motos sur la route du col, dont le sentier ne parvient pas à s’éloigner complètement. Dès le départ, la montée est soutenue, avec de nombreuses sections de marches en bois qui alternent avec des tronçons un peu moins raides. J'arrive à un croisement de chemins marqué Schneckenburg (727 m), nom merveilleusement évocateur dont la traduction pourrait être La forteresse des escargots. Je me demande quelle pourrait être l'origine de ce nom bizarre.
Un peu plus haut, après un kilomètre moins raide qui me fait croire à tort que j'ai trouvé mon deuxième souffle, la partie la plus dure de la montée commence. Depuis l'altitude de 850 mètres jusqu'au sommet, 250 mètres plus haut, le sentier prend la forme d’un escalier sans fin (500 marches selon le panneau en bas de l’escalier ; presque 1,000 selon le guide Rother) qui attaque la pente boisée de face, sans s’encombrer de lacets qui pourraient faciliter la montée. Je croise deux hommes qui parlent boulot dans un anglais aux accents américains. "He was pissed", dit le plus âgé des deux. "Not an ideal career strategy", répond l'autre. Un peu plus haut, deux femmes discutent en allemand, sauf pour la phrase risk assessment qui ponctue leur conversation à plusieurs reprises en anglais. Les gens ne peuvent-ils vraiment pas se déconnecter du travail, même le dimanche de Pâques sur un sentier ridiculement raide ?
Je m'arrête à environ 50 mètres sous le sommet, le temps de casser la croûte sur un banc, là où un promontoire rocheux offre une belle vue vers le sud, le long du lac de Zurich jusqu'à la chaîne de l’Alpstein et le Säntis. Les panoramas ont été rares jusqu'à présent, car l'Etzel est densément boisé : heureusement, cela changera lors de la seconde partie de la randonnée. Les 50 derniers mètres jusqu'au sommet sont les plus raide de tous, et malgré l'effort physique, mes mains sont en train de devenir passablement gelés sous l’effet de la bise : j’aurais dû penser à prendre des gants avec moi. C'est un grand soulagement lorsque j'émerge enfin non seulement sur le terrain moins raide du plateau sommital (1096 m), mais aussi à la lumière du soleil qui chauffe. La meilleure vue d'ici est celle vers le sud, vers les sommets enneigés du Hoch-Ybrig au-delà du Sihlsee bleu-gris.
Je descends en pente raide sur l'une de ces pistes forestières gravillonnées malcommodes où la glissade ne semble jamais être bien loin, et je suis soulagé lorsque je laisse enfin ce terrain escarpé derrière moi, au col de l'Etzelpass (949 m) où la jolie chapelle de St. Meinrad trône devant un arrière-plan magnifique : les montagnes sont encore toutes blanches, il reste vraiment beaucoup de neige par rapport aux week-ends de Pâques de ces dernières années. Un panneau m'informe que je suis au croisement de la Obere Obereggstrasse et de la Untere Obereggstrasse. Même si le suisse-allemand Egg n’a strictement rien à voir avec les œufs, l'idée d’œuf supérieur supérieur et d’œuf supérieur inférieur me fait sourire… après tout, c’est le dimanche de Pâques !
Les deux kilomètres qui suivent se déroulent sur une route goudronnée, où la brigade des motards se fait entendre à nouveau. Je croise une famille au sein de laquelle une leçon de français improvisée suit son cours… «Le pré, das isch Wiese, oder ? » Ce qui n’est pas faux. La route descend pour traverser la Sihl au niveau du Teufelsbrücke… mon dernier Pont du Diable était celui au-dessus de Göschenen, il y a presque deux ans. Celui-ci est peut-être moins spectaculaire - la Sihl n’est pas la Reuss du Gotthard après tout - mais il s’agit quand même d’une solide construction en pierre datant du 16ème siècle, très différente des ponts couverts en bois que l’on trouve un peu partout dans la campagne suisse. Un chemin agréable serpente ensuite à travers un paysage parfois boueux de champs et de bosquets, où la dernière neige résiduelle de l'hiver s'attarde aux bords des clairières. Une petite montée raide à travers un pâturage m'amène à la bifurcation de Hinterhorben (928 m), où le panneau de balisage jaune indique une direction pile entre les deux bras de la bifurcation : impossible de savoir s’il faut prendre le bras de gauche ou plutôt celui de droite. Ma carte au 1 :50,000ème n’est pas très utile non plus, je dois faire recours au Swiss Map Online sur mon téléphone portable, qui confirme qu’il faut aller à gauche.
Un large sentier descend tout en douceur vers le surprenant haut-marais de Schwantenau, entre les vallées de la Sihl et de l'Alp. Il n'y a pas de maisons ici, seulement quelques cabanes en bois. Pas d'herbe verte non plus ; le sol est recouvert des roseaux et des herbes desséchés de l'automne dernier, un tapis couleur paille qui s'étend jusqu'à ce que le terrain s’élève vers des zones plus vertes. Le sol est marécageux sous mes pieds : ici et là, des ruisseaux bruns paresseux font des méandres à travers le sol tourbeux. La fonte des neiges a créé des lacs éphémères peu profonds, où des bouleaux attendent que la terre draine, les pieds dans l'eau. Alors que j'arrive au bout du marais et que la piste que je suis recommence à monter doucement, une meule conique semble avoir posé exprès pour la photo, devant un arrière-plan de pâturages, de fermes et de montagnes enneigées.
La dernière demi-heure de la randonnée suit un petit chemin d’alpage qui monte vers les quelques maisons d'Altberg (940 m). Des vaches brun clair broutent l'herbe nouvelle du printemps sur le talus abrupt qui plonge vers la vallée de l'Alptal. En bas, le petit train rouge de la Südostbahn remonte lentement la vallée en direction d'Einsiedeln. Une dernière descente abrupte m'amène au fond de la vallée, avec sa route principale bruyante et très fréquentée, et enfin, totalement épuisé malgré seulement quatre heures et demie de marche, à la gare de Biberbrugg.
Je vais bien dormir ce soir, aucun doute !
Tourengänger:
stephen

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