De Sargans à Grindelwald sur la Via Alpina – Première étape

Cela faisait longtemps que j’avais repéré, et voulais faire, la grande traversée de Sargans à Montreux par les cols alpins.  Connue depuis longtemps dans les pays anglo-saxons sous le nom "Alpine Pass Route", cette traversée suit plus ou moins l'itinéraire "vert" de la Via Alpina.

Seul ennui : pour faire la traversée, il faut compter presque trois semaines. Pas évident de bloquer autant de jours de congé en une seule fois, raison pour laquelle mon projet était resté au stade du rêve pendant plusieurs années. Puis cet été, mon employeur a inconsciemment résolu le problème en décidant que mon travail ainsi que celui de mes collègues pourrait être fait tout aussi bien et beaucoup moins cher à l'autre bout du monde…   Tout d'un coup et de manière inattendue, je me suis trouvé "en vacances" au début de l'été. L'occasion était parfaite : j'ai réservé les hébergements, préparé mon sac, contacté une amie qui voulait faire les premières étapes avec moi…  et volià comment, le matin du mardi 20 juillet je me suis trouvé dans le train vers Zürich puis Sargans avec un sac à dos bien trop lourd, tout excité comme un enfant le soir de Noël devant les dix-huit étapes à suivre.

Première étape, de Sargans à Weisstannen

De la plaine vers la montagne

Midi et demi à la gare de Sargans. Il fait chaud, très chaud, trop chaud même. Depuis trois semaines la température tourne autour des 30 degrés, mais quelques orages et une baisse des températures sont annoncés pour dans deux ou trois jours.  Je me fais photographier devant le nom de la gare pour marquer le début de l'aventure.

Pendant un kilomètre, notre chemin longe la voie ferrée en plein soleil, sous le château de Sargans sur sa colline. Sous le pont qui nous fait passer sous l'autoroute, des ouvriers font la sieste, bien à l'ombre.  Le village de Mels est un immense chantier : rues barrées, trous partout… on se croirait à Neuchâtel !  Devant une maison juste à côté de l'école il y a de jolies sculptures en pierre.

Nous quittons Mels et attaquons la première montée, heureusement à l'ombre la plupart du temps. Jusqu'à St. Martin il faut marcher pas mal sur la route, puis un sentier part à gauche, montant à la lisière de la forêt et coupant la route plusieurs fois jusqu'à Vermol. Par des trouées dans la forêt nous voyons la plaine du Rhin qui s'éloigne… nous disons au revoir à la vallée et nous tournons vers la montagne encore invisible pour l'instant.

Nous atteignons le point culminant de la montée et nous arrêtons pour reprendre des forces sur l'un des nombreux bancs bleu vif installés le long du sentier. Un peu plus loin, le sentier quitte la forêt et, devant, la vue s'ouvre sur le magnifique Weisstannental. Qu'elle est verte cette vallée étroite, avec ses petits chalets à la toiture très pentue accrochés à flanc de colline !  Pas du tout gâché par le tourisme, le Weisstannental est superbe. Par contre, il est aussi très apprécié des taons, et je ne tarde pas à ramasser trois ou quatre piqûres.

A l'ombre d'un bosquet, un "baromètre" hi-tech est accroché au mur d'un vieux bâtiment. C'est une planche de bois munie d'une ficelle et d'un mode d'emploi : si la ficelle est sèche, il fait beau. Si elle est gelée, il fait froid. Si elle bouge, c'est qu'il y a du vent, alors que si elle bouge beaucoup, c'est la tempête…    

Un peu plus loin encore, trois générations d'une famille pique-niquent à la lisière de la forêt. "Sie gehen hoch ?" demande le grand-père. Ja ja, nous répondons sans trop réfléchir.  Le sentier monte… tiens, c'est curieux, je ne me rappelais pas d'avoir vu cette montée raide sur la carte, ça avait l'air plutôt plat après Vermol. Nous montons d'une centaine de mètres, puis le sentier s'arrête à côté d'un chalet isolé portant l'inscription "Bergli", il ne va pas plus loin. Petite séance de lecture de carte et le verdict tombe : nous nous sommes trompés de chemin, c'est probablement ce que le grand-père essayait de nous faire comprendre. Il y a alors deux alternatives : rebrousser chemin et repasser devant le grand-père la queue entre les jambes, ou alors monter encore 60 mètres dans le pré, contourner un ravin par au-dessus et redescendre attraper le sentier plus loin. Nous choisissons l'option "alpine", ce qui fait bien travailler cuisses et genoux car ces prés sont très pentus !

A Schwendi, minuscule hameau doté quand même d'une école, une épicerie et un hôtel, nous buvons copieusement à une fontaine. Il reste une dernière montée d'une centaine de mètres, puis une descente en douceur jusqu'à Weisstannen et son clocher en forme de bulbe.

C'est "Ruhetag" à l'hôtel Gemse. Quand j'ai réservé, on m'a rassuré que la demi-pension serait quand même possible et, en effet, l'hôtel n'a pas l'air si fermé que ça. Il y a d'autres clients, on nous sert des bières, on nous informe que le souper sera servi à 19 heures.  19h arrive, puis 19h 30…  mais le chef n'est pas là !  Aurait-on oublié de lui dire qu'il y avait des clients malgré le jour de fermeture ? Finalement, la serveuse appelle une amie qui vient l'aider en cuisine ; à elles deux elles s'en sortent très bien. Nous discutons avec un couple d'Anglais, Richard et Rosemary, arrivés à Sargans par le train après le nôtre. Ils font la partie suisse de la Via Alpina par petits bouts, quelques étapes chaque été depuis leur base à Crans-Montana. Cette fois-ci, ils vont jusqu'à Altdorf.

Notre dortoir est en fait une chambre à quatre lits et nous y sommes seuls. Tant mieux, ce sera une bonne nuit de sommeil pour récupérer d'une étape peut-être courte mais qui, par cette chaleur et surtout grâce aux 150 mètres supplémentaires  "hors programme officiel", a constitué une mise en jambes tout à fait sérieuse.

Etape suivante : http://www.hikr.org/tour/post26004.html

Version anglaise : http://isitmuchfurther.blogspot.com/2010/07/from-sargans-to-grindelwald-on-via.html