Tour du lac des Quatre Cantons : cinquième étape, de Vitznau à Küssnacht

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Rencontres avec la faune alpine au-dessus de la Riviera lucernoise

Je n'ai pas de grandes attentes de cette cinquième étape de mon tour, qui m'emmènera vers l'extrémité nord du lac et qui, selon le guide Rother, comporte beaucoup de tronçons goudronnés. Après deux étapes avec pas mal de dénivelée, ce sera aussi normalement une journée plus facile et moins physique. En fin de compte, ce sera une randonnée pleine de surprises dans un paysage de toute beauté.

Il fait déjà chaud et lourd lorsque je prends le train pour Brunnen, puis le bus jusqu'à Vitznau pour rejoindre l'itinéraire là où je l'ai laissé il y a une semaine. La seule montée significative de la journée vient au tout début. Je quitte Vitznau par une petite route qui monte, tout d'abord entre des maisons luxueuses puis, plus haut, au milieu des champs et des vergers. La vue vers le sud-est devient de plus en plus belle, avec le Bürgenstock au premier plan, le Stanserhorn derrière et, plus au sud, toute une chaîne de montagnes encore bien garnies de neige. 

J'atteins le hameau de Wile, où quelques jolies maisons occupent un balcon ensoleillé au-dessus du lac. Devant la dernière maison, à ma grande surprise, un paon est en train de se promener au beau milieu de la route. Il m'ignore totalement quand je m'approche, visiblement habitué aux gens. Si on m'avait demandé de faire une liste des animaux qu'on est susceptible de rencontrer dans les Alpes suisses, je ne pense pas que le paon y aurait figuré !

Au-delà de Wile, la route fait place à un sentier qui monte, raide, au-dessus d'une barre rocheuse inclinée vers le lac. Je ne me sens pas très en forme ce matin – depuis deux jours je vais au travail à vélo ; et cette utilisation de muscles qui ont pu se reposer tranquillement depuis vingt ans, alliée à la chaleur, a drainé toute mon énergie. Lorsque j'arrive en haut de cette montée, à 775 mètres, je suis complètement "cuit".  Ayant grimpé jusqu'ici, le sentier replonge maintenant vers le bas, entrant dans une forêt sombre sous une falaise. Il descend au-dessus d'un ravin raide, une solide main courante en bois offrant une bonne protection. Puis, à ma grande surprise, je me trouve en haut d'un escalier métallique assez longue – quelque 25 marches – qui franchit un ressaut rocheux au-dessus du ravin. Toujours fatigué et pas très rassuré, je descends lentement en faisant très attention. Une traversée horizontale un peu exposée fait suite à l'escalier – le sentier est étroit et il n'y a plus de main courante ici – puis voici un second escalier. Plus raide que le premier, avec des marches plus fines, il pourrait presque être qualifié d'échelle. Cette fois-ci je descends en marche arrière, le visage tourné vers le rocher. Après ce deuxième escalier le terrain devient un peu plus facile, mais il faut quand même crapahuter un peu dans les rochers et descendre quelques grandes marches où, grâce au jeu du soleil et des ombres, il n'est pas toujours facile de savoir où on peut mettre les pieds en toute sécurité.  Dans mon état actuel de fatigue, tout ce passage somme toute assez facile devient une galère ; je manque d'assurance et n'arrête pas de trébucher.

Le terrain devient enfin moins raide et plus facile. Je traverse une zone où de nombreux gros rochers couverts de végétation témoignent d'un énorme éboulement dans un passé lointain. Un peu plus loin, je pique-nique sur un banc en bois où, selon les noms gravés dans le bois, Melina, Fabian Helene et Lea N. ont déjà eux aussi fait une pause bien méritée. Un sandwich au jambon, un autre au fromage et une pomme, et me voilà requinqué pour la suite de la randonnée.

Vient maintenant une longue section goudronnée, sur une petite route qui traverse au-dessus de Weggis, ses hôtels au bord du lac et ses villas sur les pentes ensoleillées le surplombant. Un téléphérique passe au-dessus, portant des touristes vers le sommet du Rigi. Depuis une maison au bord de la route vient le son d'un accordéon jouant des airs traditionnels.  Je croise deux randonneurs qui viennent en sens inverse ; le monsieur porte un tout petit bébé sur son dos, mais le bébé n'a pas l'air d'apprécier la balade et hurle tout ce qu'il peut. Cinq minutes plus tard, les randonneurs ont disparu mais j'entends toujours le cri aigu du bébé.

La route redevient un sentier pendant une courte distance, contournant la butte de Rigiblick vers le nord. Le paysage change radicalement et très soudainement ici : d'un seul coup, il n'y a plus de lac ni de montagnes, mais une vue faite de champs et de bosquets vers le nord. En quatre jours de marche depuis le Rütli, c'est la première fois que la vue ne comporte aucun sommet. J'arrive à une barrière, derrière laquelle quatre petits poneys sont en train de brouter sur le sentier. Un panneau m'informe que les poneys sont sympas, qu'il faut leur parler mais que si on a peur, il suffit d'appeler leur propriétaire, qui viendra alors au secours. Et, accroché à côté du panneau, il y a un petit cor en métal qu'on peut utiliser pour cela. Je passe, je dis bonjour aux poneys qui m'ignorent royalement et je sors à l'autre bout, continuant le long d'un ruisseau où des chèvres se sont mises à l'ombre. Dans le prochain champ, un autre surprise m'attend : ici, ce sont une dizaine de lamas qui cherchent la fraîcheur sous les arbres ; encore un animal qui n'aurait sûrement pas figuré sur ma liste !

De nouveau sur la route, je traverse le village peu engageant de Zopf, puis continue vers l'ouest, contournant le presqu'île qui marque le début du Küssnachter See, le bras le plus septentrional du lac des Quatre Cantons. Le paysage ici est superbe, une vrai carte postale qui me fait oublier le goudron sous mes pieds. Depuis la lisière de la forêt de Herrenwald, le massif du Rigi est visible dans sa totalité, depuis le Rigi-Kulm au-dessus de Küssnacht au nord jusqu'à la Hochflue pointue au sud, au-dessus de Brunnen. A partir d'ici, le sentier met le cap au nord, tournant définitivement le dos à la montagne pour remonter la rive est du Küssnachter See. C'est la seule partie des 120 kilomètres du tour du lac où l'on n'est pas dans un paysage alpin, et le changement est assez déroutant. Cette partie du lac possède un caractère complètement différent ; bordée de collines douces, ça me fait surtout penser au lac de Bienne ou de Morat.  Les compagnies d'assurance sont bien présentes ici : sur ce tronçon, je me trouve à la fois sur un Zürich Vitaparcours et sur un Helsana Trail. Seule Axa-Winterthur brille par son absence…

Le sentier descend au bord du lac à Rörli, puis entame la seconde montée de la journée, une centaine de mètres jusqu'à Haldi, où je rejoins la route cantonale allant de Vitznau à Küssnacht.  La dernière heure de la randonnée suit plus ou moins toujours cette route, ce qui est dommage. Au début, une petite route permet de rester un peu à l'écart mais, à partir de Greppen, il faut subir deux kilométrés de marche le long de la grande route. Ce n'est qu'à l'entrée de Küssnacht que l'itinéraire s'écarte à nouveau de la route, entrant dans la petite ville par des rues résidentielles puis, tout à la fin, par le bord du lac.

Küssnacht a l'air d'être une ville plutôt agréable, joliment située au point le plus au nord du lac, depuis lequel il y a une belle vue vers le Pilatus, un peu perdu dans les brumes. Une terrasse de café à l'ombre et quelques décis de Süssmost constituent la fin parfaite d'une étape bien plus intéressante que j'aurais cru.
 
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