Du nord au sud : Vingt-et-unième étape, d’Osco à Giornico

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En ce dimanche matin ensoleillé de la mi-octobre, je reviens à ma traversée nord-sud de la Suisse. Je prends le train jusqu’à Faido, puis un minibus postal jusqu’au village d’Osco, où j’ai quitté l’itinéraire du Trans Swiss Trail lors de la dernière étape, vers la fin du mois d’août. Je suis le seul passager du minibus et, très vite, je comprends que la petite taille du véhicule est une nécessité. Les versants de la Valle Leventina sont très escarpés, la route est sinueuse est très étroite. Les multiples virages en épingle à cheveux sont si serrés que le bus n’arrive pas à les prendre en une seule fois, le chauffeur doit manœuvrer... je suis bien content qu’on ne croise personne venant en sens inverse. Cela me fait penser à une autre montée en bus il y a quelques années, au-dessus d’Elm, où le chauffeur a fait les 200 derniers mètres en marche arrière, faute de place pour faire demi-tour au terminus de la route.

Depuis le centre d'Osco (1157 m), je redescends la route sur une courte distance, puis prends un sentier qui plonge immédiatement dans la forêt dense qui recouvre tout le versant de la montagne. Ce sentier étroit en balcon monte et descend, tourne à gauche et à droite, s’engouffre dans des ravins sombres. Les arbres commencent tout juste à prendre leurs teintes d'automne : le vert domine encore, mais par endroits, un arbre a pris de l’avance, sa couleur jaune ou orange jaillissant du fond vert sombre. De l'autre côté de la vallée, un peu de neige a saupoudré les sommets les plus élevés. Le bruit de fond de l'autoroute est présent comme partout dans la région du Gothard, sans toutefois être aussi envahissant que lors de l’étape précédente.

Cette partie centrale de la Strada alta Leventina est beaucoup plus attrayante et intéressante que la partie nord, entre Airolo et Osco. Les paysages sont plus sauvages, les villages plus rustiques et le chemin lui-même beaucoup plus agréable : aujourd'hui, je marche sur une alternance de sentiers étroits et de pistes d’alpage ; il y a très peu de revêtements durs. Au cours des nombreux tronçons boisés, le sentier passe sous des châtaigniers qui ont tapissé le sol de leurs bogues épineuses : par endroits, je subis aussi le bombardement aérien des châtaignes qui tombent des arbres.

Entre les passages en forêt, la Strada alta traverse toute une série de jolis villages dont les vieilles maisons sont accrochées au flanc escarpé de la montagne. L'architecture locale rappelle davantage la région du Gothard que le Tessin, même si quelques petites touches plus « italiennes » apparaissent au fil de ma progression vers le sud, tels les campaniles hauts et effilés des églises. A Tengia, des moutons se promènent tranquillement dans la rue du village, traversant pour passer d’un pré à l’autre. Plus loin, à Anzonico (984 m), un rassemblement d’aficionados de Trabant se déroule devant l’église du village. Le plus joli de ces villages est probablement Calonico (961 m), dont l’église blanchie à la chaux se trouve un peu à l’écart, se dressant au-dessus d’une falaise qui plonge vers la vallée.

À Cavagnago (1020 m), je dois faire un choix : attendre le prochain bus qui ne part que dans deux heures ; continuer sur la Strada alta jusqu'à Biasca, à trois heures de marche encore ; ou descendre à Giornico, d'où un bus me permettra d’atteindre la gare de Bellinzona. Il est déjà quatre heures moins le quart et Biasca me paraît un peu trop loin, je n’y arriverais qu’après la tombée de la nuit. J'opte donc pour l’itinéraire plus court qui descend à Giornico et qui nécessite tout de même heure et quart de marche. Depuis le balcon ensoleillé de Cavagnago il y a une belle vue vers le côté ombragé de la vallée Léventine, où la silhouette d’une chaîne de sommets déchiquetés est mise en valeur par le soleil déjà bas dans le ciel.

Je descends, d'abord doucement dans les pâturages, en admirant le beau panorama. Puis le sentier entre en forêt et devient raide et rocheux… mais pourquoi ai-je mis des chaussures légères et non pas mes "vraies" chaussures de montagne ? Après une demi-heure de descente raide, les chevilles et les genoux toujours intacts, j’arrive en bas, au niveau des vignobles. Un chemin pavé bordé d'hortensias et recouvert d’un tunnel de vignes vierges m'amène à Giornico (391 m), sur la route principale de la vallée. Le village est à l'ombre et l'air est devenu frais, ce qui ne m'empêche pas de déguster une bière à la terrasse de l'Osteria du village pendant que j'attends le bus.

L’étape précédente de ma traversée nord-sud a été une énorme déception. Celle-ci, par contre, m’a ravi.

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