Tour du lac des Quatre Cantons : première étape, de la prairie du Rütli à Flüelen

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Aux sources de l'histoire suisse 

Cela finira – avant la fin de l'été, j'espère – comme tour complet à pied du "lac de Lucerne", mais cela commence par une petite promenade en bateau.  Et quel beau bateau nous attend ce dimanche à 9 heures devant la gare de Lucerne ! En effet, sans le vouloir, nous sommes tombés sur la première sortie de l'année du DS Schiller, magnifique bateau à vapeur construit en 1906. Avec ses deux roues à aube, ses boiseries et son énorme moteur rutilant de rouge et d'argent que l'on peut presque toucher, le Schiller est superbe.

La météo, pour sa part, est un peu moins superbe ; en tout cas pour une promenade sur un lac. Le foehn est tempétueux depuis deux jours et il y a des vagues, c'est le moins que l'on puisse dire.  Si cela reste relativement calme par endroits, il y a des moments où cela bouge beaucoup, notamment dans la traversée entre Vitznau et Beckenried, où le bateau est perpendiculaire au vent et à la houle. Par contre, l'avantage de ces conditions est que l'air est limpide, et les vues vers le Pilatus, le Rigi et les innombrables autres sommets entourant le lac sont parfaites.

 La prairie du Rütli (pourquoi les francophones ont-ils ajouté un "G" initial à ce nom ?) est un endroit isolé ; même aujourd'hui, elle n'est accessible qu'en bateau ou à pied. Cela reste aussi un endroit calme, malgré son importance historique : pas de grand monument, pas de marchands de souvenirs, juste une prairie en pente au-dessus du lac, avec un drapeau suisse planté sur une butte et un restaurant.  Je ne sais pas quelle est la part de réalité et de légende dans l'histoire des trois Eidgenossen, mais l'endroit me paraît tout à fait approprié : difficile de trouver un endroit plus typiquement suisse pour marquer le début de l'histoire moderne de la Suisse. Pour cette première étape du tour du lac, nous marchons sur la "Voie suisse", itinéraire créé et balisé en 1991 pour marquer le 700ème anniversaire de la Confédération.

De nouveau sur la terre ferme, notre randonnée commence par 300 mètres de montée en forêt, raide mais pas trop, jusqu'à Seelisberg. Petit à petit nous prenons de la hauteur par rapport au lac, dont la couleur vire constamment du gris au bleu marine et au turquoise, selon la combinaison de vent, de soleil et de nuages. Seelisberg a dû être un lieu de villégiature relativement chic il y a cent ans ; certains bâtiments témoignent d'un passé plus glorieux que le présent. Un grand hôtel de style victorien est particulièrement imposant : apparemment transformé en centre de méditation transcendantale, ses bâtiments annexes sont malheureusement dans un état de délabrement avancé même si l'édifice principal a gardé une certaine noblesse.

Un petit détour en forêt nous mène au belvédère de Marienhöhe, loin au-dessus du lac face au Fronalpstock et aux Mythen. Puis, après un assez long tronçon asphalté, nous montons sous la tour rocheuse du Niderbauen-Chulm jusqu'au petit château de Beroldingen, point culminant de la randonnée à 864 mètres. C'est ici que commence la longue descente vers le bord du lac à Bauen ; d'abord en pente douce et sur la route, puis par un beau et raide sentier qui descend à la lisière de la forêt, en d'innombrables lacets et sur d'innombrables marches de pierre. A mi-descente, une prairie verte et pentue nous offre l'endroit parfait pour casser la croûte et faire une sieste au soleil, face à l'entaille du Riemenstaldner Tal. En dessous de nous, le Schiller repasse dans l'autre sens, au début de son voyage retour vers Lucerne.

Le sentier continue de descendre, toujours aussi joliment, pour atteindre les rives du lac au petit village de Bauen. Quel joli endroit… au bout d'une route qui ne va nulle part et donc calme, de toute évidence bien exposé car il y a des palmiers et des lilas en fleurs partout, Bauen a tout pour séduire. Maintenant notre itinéraire se poursuit le long du lac ; parfois à côté de la route, parfois dans des tunnels décorés de sculptures en bois, parfois au bord même de l'eau.  A Isleten, le foehn souffle plus fort que jamais et, au large de la plage de galets squattée par de nombreux véliplanchistes, le lac fait tout ce qu'il peut pour imiter la mer.

La prochaine demi-heure constitue la partie la moins intéressante de la randonnée : même si nous suivons toujours la rive du lac, le sentier est goudronné et, le plus souvent, il faut simplement marcher sur le trottoir, le long de la route. Au-dessus, l'autoroute du Gotthard émerge d'un tunnel et apporte un deuxième fond sonore pour rivaliser avec celui du vent.  Nous arrivons enfin à l'extrémité sud du lac, et à un changement de décor radical. Pour rejoindre la gare de Flüelen, il faut traverser le delta de la Reuss,  jolie réserve naturelle traversée par de nombreux ruisseaux. Dans la lumière du début de soirée, les roseaux, l'herbe et les eaux du lac offrent de superbes contrastes de couleurs, alors que vers le sud les sommets encore bien enneigés ajoutent un contraste supplémentaire. Nous franchissons les eaux brunes de la Reuss sur une passerelle, évitons un arbre qui n'a pas résisté au foehn et, après exactement cinq heures de marche, arrivons à la gare.  Quelques minutes plus tard, c'est depuis le train que nous voyons repasser, en quelques minutes à peine, tout notre parcours de la journée. 

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