Escalade dans la cour de sa majesté le Viso

Si le célèbre Viso (3841m) n'attira pas forcément les grimpeurs en dehors de sa - jolie mais surfréquentée - voie normale, ses principaux satellites dominant le délicieux Rifugio Giacoletti offrent chacun de superbes escalades sur un metagabbro solide et sculpté. Le tout dans un registre accessible (4a - 5c) avec l'atout de l'exposition Est que vient juste parfois contrarier la fameuse nebbia piémontaise...Agnès et moi y avons passé 4 jours mémorables en compagnie de notre guide Mathias a qui il avat fallu un peu tirer l'oreille pour s'éloigner autant de sa patrie chamoniarde.


Mardi 23/7: Punta Udine (3020m), voie Alice 120-80 (5c max). +1020m, -280m

Itinéraire suivi : lundi après-midi : montée au refuge depuis Pian del Re et 2 premières longueurs de Visto per il Peru (5c-5c). Mardi : Alice 120-80 --> Punta Udine --> Col du Couloir du Porc --> retour au refuge Giacoletti. Topo détaillé ici

Découverte pour nous de ce temple des belles grandes voies qu'est la haute vallée du Po et le Rifugio Giacoletti. On n'était plus retournés dans le coin depuis pas mal d'années - et encore à l'époque c'était plutôt en mode balade et ski de rando en famille. Pour ce qui est de toucher du rocher il faut remonter au Viso en octobre 1998 (sigh), déchainés on était même partis à vélo depuis la plaine du Po afin de gravir les 3841m du "Ré di pietra" by fair means depuis le bas...

Les 4 jours sous la houlette (et la corde bien tendue) de Mathias nous ont permis de gravir chacun des 3 sommets dominant le refuge. La Punta Udine est un peu la Dibona du lieu, elle domine directement la refuge de ses 300m verticaux ou ont été tracés nombre d'itinéraires sur un rocher exceptionnellement sculpté. Excepté la Cresta Perotti (4c max), Alice est la plus facile avec quand même du 5c - mais il n'est jamais trop méchant. La descente est facile et rapide ce qui permet d'être au retour au refuge à l'heure du déjeuner (bonnes omelettes et assiettes de fromage et charcuterie...) - avant un après-midi à lézarder sur les belles pelouses sous la pointe de Lozas, 10mn de marche plus haut. En observant la longue et accidentée arête sud de la Punta Roma au programme du lendemain.

Avec ses sommets à 3000m, les vastes névé, la nebbia, la face nord du Viso juste en face, l'ambiance est un compromis idéal (pour nous) de haute montagne et de douceur de par la présence du refuge juste en dessous et la facilité des retours. Dès le 2ème soir on faisait déjà des plans pour le prochain séjour !

Conditions : la veille au soir nous avions gravi les L1 et 2 de "Visto per il Peru qui  se font aisément en mode couenne pour meubler une fin d'après-midi (5c,5c, pas trop méchant, 27 + 28m, descente en un grand rappel de 50m). Il y avait un névé au pied, mais on pouvait descendre aisément à l'intérieur de la roture pour s'équiper. La voie était prise d'assaut les jours suivant, c'est l'une des plus parcourues aux abords du refuge...

Mardi matin restait un micro-névé pour traverser la base du couloir du porc ainsi qu'au pied de la voie, pas gênant en grosses chaussures. Les 8 longueurs magnifiques font souvent 45-50m, les 5 ne sont pas méchants et bien équipés, par contre le reste est en 4 minimum assez grimpant...Aucune longueur rando, aucune longueur grailleuse ou herbeuse, super rocher sculpté tout du long ! Seul dans la voie, 2 cordées dans les Tempi Moderni après nous.

Descente facile (I max, marques jaunes) au col puis retour par le couloir du porc, superbement équipé en rive G et bien moins laborieux qu'escompté.

De façon générale les névés sont encore bien présents, le gardien dit qu'il n'avait jamais eu autant de neige en début d'été depuis 20 ans - certaines voies comme la classique des Torrioni à la Punta Venezia était d'ailleurs toujours inaccessible. Bref se munir au minimum de bonnes chaussures (Andrea recommandait même de petits crampons pour certaines attaques).

Horaire : lundi montée à Giacoletti en 2h15 par le Lago Fiorenza. Mardi départ 7:30, attaque 7h50, sommet de la voie 11h + 10mn pour le sommet. Retour au refuge en 50mn.


Mercredi 24/7 : Punta Roma (3070m), arête sud dite Cresta del Colonello (4c max). +700m, -700m.

Itinéraire suivi : Refuge Giacoletti - Passo Giacoletti - arête sud - Punta Roma - descente par la VN du versant est - retour Giacoletti. Topo détaillé ici

Après la magnifique grande voie la veille sur la Punta Udine, 2ème escalade de notre petit séjour-découverte des satellites du Viso sous la houlette - et la corde bien tendue - de notre fidèle Mathias. Sur le papier la voie reste techniquement en deçà des GV de la Punta Udine, mais il est facile d'y passer beaucoup de temps, le terrain effilé et quelques passages en rocher plus fragile rend la progression à corde tendue pas toujours commode - et l'arête fait pas loin d'un km de long ! Mais l'ambiance à cheval entre Queyras et Piémont juste devant impressionnante face nord du Viso est vraiment grandiose, bref on a tous les 3 beaucoup apprécié.

Conditions : un petit névé dans l'approche aisément contournable par le bas. Nombreuses cordes fixes en place dans l'accès au Passo Giacoletti. Arête jamais difficile mais bien longue avec multitude de gendarmes et beaucoup de manips de corde chronophages à 3...Une partie peu claire après le Maresciallo : le ressaut ayant l'air difficile, on a effectué une courte descente versant W puis une remontée traversante en rocher licheneux, pas sûr que c'était optimal...

C'est ensuite plus roulant après le Passo del Colonello jusqu'à la vire évidente à droite menant au pied des 2 longueurs clé (spit à droite bien visible de loin). Le gendarme suivant se contourne à droite (cairn), il faut remonter aussitôt derrière et finir sur le fil.

Descente bien balisée en terrain à chamois pas trop expo ( T4+ / I), seule la cheminée du bas est plus délicate mais elle est équipée de cordes fixes. Au retour, on a pris une vague sente cairnée à gauche sans redescendre jusqu'à la bifurcation du sentier vers Fiorenza, le névé mou permettait de couper aisément pour retrouver le sentier d'accès au refuge (10mn de gagnées).

Fréquentation : seuls sur l'arête, juste aperçu un Italien faisant la voie normale en aller-retour.

Horaire : départ 7h40, passo Giacoletti 9h40/9h45, sommet 13h/13h20, retour 15h.


Jeudi 25/7 : Punta Venezia (3090m), arête est dite Cresta Perotti (4b max). +350m, -1070m.

Itinéraire suivi : refuge Giacoletti - Cresta Perotti - Punta Venezia - retour au refuge par l'épaule S (VN) et le couloir du Porc - retour à Pian del Re par le couloir inférieur du porc. Topo détaillé ici.

Dernière ascension de notre court séjour-découverte des satellites du Viso après la Punta Udine et la Punta Roma. L'autre Cresta Perotti - celle de la Punta Udine - est sans doute un cran plus spectaculaire mais l'alpiniste qui sommeille encore en moi tenait a gravir chacun des 3 sommets dominant le Rifugio Giacoletti...au final, cet itinéraire oublié a retrouvé une seconde jeunesse grâce au rééquipement d'Andrea qui permet de rester sur le fil rocheux au lieu d'éviter les difficultés par des couloirs herbeux comme le faisaient les anciens. On a vraiment adoré le coin et le programme du prochain séjour est déjà établi : l'autre Perotti de la Punta Udine, les Torrioni à la Venezia, le Visto per il Peru qui était pris d'assaut par les cordées au refuge...C'est toujours sympa de rêver, encore plus pour des néo-retraités. En attendant on a repris le soir même le chemin du nord afin de gravir la - bien plus rugueuse ! - arête de Jetoula aux Aiguilles Marbrées le lendemain.

Conditions : la Cresta Perotti est un itinéraire magnifique dans ce registre de difficulté (4b max) : au soleil dès le matin, en super rocher, toujours grimpant jusqu'à la dernière Tour bifide sans être jamais difficile... incroyable dans ce niveau ! Il y a en moyenne 3 à 5 spits par longueur, surtout là où ça grimpe, mais parfois aussi dans le très facile pour indiquer la voie. Bref une nouvelle fois du super boulot du guide-gardien de Giacoletti, Andrea Sorbino.

La fin est moins claire, on est parti à gauche jusqu'à des spits bleus pour 1 longueur de 4 évidente jusqu'au pied du ressaut sommital en 3a (les spits bleus continuent à droite mais c'est plus dur). La voie officielle était sans doute plus à droite dès la sortie de la dernière tour...Descente débonnaire via le petit bivouac à 2 places. La nebbia oscillait à la limite de la voie d'où une ambiance des plus photogénique. Comme durant tout notre séjour ici nous étions les seuls dans la voie, "ou il faudrait réserver son ticket en ligne si c'était à Chamonix" dixit Mathias !

Horaire : départ refuge 7h, attaque 7h30, sommet Punta Venezia 10h15/10h30, refuge 11h30/12h, Pian del Re 13h20.



Météo des 4 jours : en général beau et doux, en tous cas le matin, mais ne pas compter échapper à la nebbia en cette saison, elle monte en général dès 11h du matin, quoiqu'en disent MeteoBlue et consorts...cela dit elle n'est jamais compacte, plutôt des bancs de brouillard allant et venant lécher les sommets frontaliers du Queyras (qui lui reste sous un soleil insolent !). Le tout donne souvent de superbes ambiances photographiques.

Accès : vaste parking à Pian del Ré, terminus routier de la Haute vallée du Po, 10 € de péage pour la journée, 30 € pour les 4 jours. Compter 4h30 de route depuis Genève.

Refuge : superbe accueil à Giacoletti par la famille du guide & gardien Andrea Sorbino qui a ouvert et (ré)équipé bon nombre d'itinéraires autour du refuge. Ses 4 gamins et leurs amis se relaient pour servir et cuisiner, le dîner pantagruélique (amuse-bouche + pates + soupe + plat principal + dessert) permet de tenir jusqu'au lendemain midi.

Heureusement d'ailleurs car pour ce qui est du petit-déjeuner (pas avant 7h) on reste bien dans la tradition italienne avec juste quelques misérables biscottes + beurre et confiture industrielle. Pour le reste c'est un vieux refuge resté dans son jus avec un seul dortoir pour les 54 places maximum - mais quand-même des toilettes intérieures. La 1/2 pension est d'ailleurs encore à moins de 50€...Tous les topos des voies (le Vallot, l'excellent "Falesie del Monviso", les topos de rando et de ski...) sont dispo en libre service. Une colonie de bouquetins a aussi élu domicile juste devant le refuge !

Le refuge était rempli entre 30 et 70% durant les 3 nuits qu'on y a passé, bref on peut y trouver de la place spontanément en tous cas en semaine. On y entend d'ailleurs beaucoup parler français...

Participants : Agnès, Mathias (GHM) et moi