La “Haute Route” du Gürbetal

English version

Sur le site SuisseMobile, cet itinéraire s’appelle Gürbetaler Höhenweg dans toutes les langues. Le traducteur français n’a pas osé parler de Haute Route, et il a sans doute eu raison. Le mot Höhenweg est un peu surfait ici : on est très loin de Chamonix-Zermatt, il s’agit plutôt d’une promenade facile le long d’une vallée bucolique, qui pourrait être faite par tout le monde, à toute saison.

Il fait très chaud à la gare de Kehrsatz (570 m), où j’arrive en bus en raison de travaux sur la ligne de chemin de fer depuis Berne. Une randonneuse qui était assise en face de moi descend également du bus ici : elle disparaît devant pendant que je me badigeonne de crème solaire, mais je la reverrai à deux reprises.

La sortie de Kehrsatz demande un certain effort physique, c’est la plus grosse montée de la journée. Des routes goudronnées font place à un chemin caillouteux qui grimpe à travers la forêt, avec quelques vues vers la banlieue sud de Berne et la campagne environnante. Ce chemin débouche sur du terrain plus plat au niveau de Matte, d’où je suis une piste agricole à travers champs jusqu’au village d’Englisberg (814 m). Il n’y a pas grand-chose à voir pendant cette première heure de marche, si ce n’est les coquelicots qui fleurissent joliment en bordure des champs.

Je continue par un parcours tantôt boisé, tantôt entre des champs de céréales qui monte et descend gentiment jusqu’à Hofmatt (738 m) où, pour la première fois, les montagnes de la chaîne du Gantrisch montrent le bout de leur nez droit devant, à moitié cachées dans la brume de chaleur qui se forme en cette fin de matinée. A partir d’ici, l’itinéraire passe devant toute une série fermes magnifiques, soigneusement restaurés avec des jardins dans lesquels fleurs et légumes se partagent les plates-bandes.

Je me pose sur un banc pour casser la croûte, devant une belle vue qui s’étend vers le lac de Thoune. Les sommets au-dessus du lac sont malheureusement complètement cachés par la brume de chaleur. Au bout de quelques minutes, je suis rejoint par la randonneuse du bus, qui me demande si elle peut partager mon banc. Nous conversons en allemand pendant 5 minutes, jusqu’à ce que je me rende compte qu’elle dit bonjour à tous les cyclistes qui passent (et il y en a beaucoup) en français. La laissant finir ses sandwiches en paix, je poursuis mon chemin.

L’itinéraire continue par le joli hameau de Fallenbach (818 m), où se trouve une ferme particulièrement imposante, avec sa façade en bois sombre sous un immense toit dont le grand surplomb protège la maison du soleil en été et de la neige en hiver. Peu après, à Obertoffen (739 m), mon itinéraire rejoint celui du sentier national n° 3, dit Chemin panorama alpin. Pendant deux kilomètres je me trouve en terrain connu, ayant fait cet itinéraire au printemps 2021. Les deux chemins se séparent à nouveau à Oberfeld, le point culminant du jour, à 850 mètres d'altitude.

Entrant en forêt, je continue par un sentier en forte descente dont la raideur me surprend, avec 170 mètres de dénivelé négatif en à peine un demi-kilomètre horizontal. En bas de cette descente abrupte, le sentier continue plus ou moins à plat, entre la forêt à droite et des champs à gauche. C'est la journée la plus chaude de ce début d’été et la chaleur me gêne, rendant les courtes montées anormalement fatigantes.

À Weid (720 m), où un chien de ferme m'aboie dessus sans aller plus loin dans sa démarche agressive, j'ai une mauvaise surprise : le sentier est fermé pour cause de travaux forestiers. Une déviation est indiquée, mais elle n’est guère tentante, étant entièrement sur des surfaces goudronnées et impliquant pas mal de descente et de montée supplémentaires. Je décide de tenter ma chance sur l’itinéraire fermé : c'est dimanche, il y a peu de chance que les bûcherons soient au travail et il n’y a aucun bruit de tronçonneuse. Mais après deux cents mètres, j'arrive à un endroit où tous les débris des travaux forestiers ont été entassés sur le sentier lui-même. J'essaie de contourner l'obstacle, mais le terrain de part et d’autre du sentier est trop raide et les débris sont empilés trop haut et sur une trop grande distance pour que je puisse passer par-dessus. Je n'ai pas d'autre choix que de faire demi-tour et de suivre la déviation. C'est frustrant, car la partie où ça ne passe pas fait quelques mètres de long seulement, alors que la déviation rajoute presque 2 kilomètres.

Je suis une petite route qui descend le long d'un ruisseau vers le village de Rümligen (641 m), où la déviation me renvoie immédiatement vers une autre route qui remonte rejoindre l'itinéraire normal, 100 mètres plus haut. Cette option ne me paraît ni très intéressante vue la chaleur, ni même très judicieuse, puisqu'après avoir remonté ces 100 mètres, je devrais redescendre presque aussitôt pour atteindre la gare de Thurnen. Je snobe donc l’itinéraire balisé et continue tout droit, traversant la route principale de la vallée et la voie ferrée, par une route étroite qui file à travers champs vers la rivière Gürbe. Il y a une magnifique vue vers le sud ici, le long du fond large et plat de la vallée, en direction du Stockhorn au-dessus de Thun et de la pyramide du Niesen encore plus loin dans la brume.

Arrivé au bord de la rivière, je tourne à droite et suis la piste qui longe la rive est. Je croise de nombreux cyclistes : presque entièrement plat, le chemin est idéal pour une petite promenade dominicale à vélo. Des enfants barbotent dans la rivière pour se rafraîchir. Au bout de deux kilomètres le long de la rivière, j’arrive à Mühlethurnen (549 m) et sa petite gare, où il n’y a malheureusement pas de café, juste un distributeur automatique de boissons sur le quai. Il me reste de l'eau, mais elle est devenue désagréablement chaude, alors j’investis une petite fortune dans une bouteille d'Apfelschorle en attendant le train. La randonneuse du bus arrive un quart d’heure après moi et nous prenons le train ensemble jusqu'à Thun, où nos chemins se séparent. Elle a suivi la déviation dans son intégralité et, me dit que c'était l'une des parties les plus jolies de la journée, malgré la montée supplémentaire. 

Je reviendrai faire cette balade, peut-être en hiver, lorsque l'air sera plus limpide et les montagnes plus nettement visibles. Et puis, dire qu'on a fait la Haute Route en hiver, ça fait bien sur le CV montagnard  ;-)