Les Alpujarras de la Sierra Nevada à vélo

Nous étions partis pour une semaine de ski de randonnée dans la Sierra Nevada andalouse, appatés par les grosses chutes de neige annoncées la semaine précédant notre départ. Manque de chance, un front chaud avec de la pluie à 3500m (!) suivi d'une série de grosses tempêtes avait fini par décaper les hauts sommets, accumulant la neige en forêt à basse altitude et tapissant le relief d'altitude d'une couche de glace évoquant plus les champignons sommitaux du Cerro Torre que l'Andalousie...Le chaud soleil local s'est vite chargé de faire disparaitre la neige en bas, restait donc une carapace de glace pas vraiment skiable sur le Mulhacen et ses voisins.

Nous avons donc au final gardé simplement les 3 derniers jours pour gravir le point culminant (en chaussures de ski et crampons...), il fallait de toutes façons attendre que la tempête de nord se calme. Et loué des vélos à Malaga dès notre arrivée pour découvrir les Alpujarras sur 2 roues en attendant que la haute montagne se montre plus accueillante. Une décision que nous n'avons vraiment pas regretté ! La climatologie du relief cotier est souvent bien moins hostile, nous avons souvent pédalé sous un franc soleil et des températures fraiches mais supportables alors que la chaine principale > 3000m restait prise dans la tourmente. Les Alpujarras et la Sierra de Contraviesa regorgent de petites routes tranquilles dans des paysages magnifiques et bien plus préservés que le bord de mer défiguré par l'urbanisme à outrance ou les serres horticoles. Les villages blancs possèdent de surcroît des petites auberges accueillantes (avec parfois même du chauffage, chose rare en Andalousie !) ou on peut dormir confortablement et se goinfrer pour pas grand chose (souvent 40 EUR pp en 1/2 pension).

Dans le détail :

J1 : Boucle de Competa

A peine sortis du vol Bale - Malaga, nous louons nos vélos à bike2malaga (excellent service !) avant d'attaquer un circuit à la 1/2 journée au départ de Velez - Malaga, via Arenas - Daimalos - Competa - Sayalonga - Algaborro (cf trace GPX). La proximité de la cote entraine pas mal de mitage urbain, fermes isolées etc... mais les petites routes sont tranquilles dans leur ensemble, en tous cas en février...Le vent du nord violent a rendu les 500m de montée à Arenas bien sportives ! Sinon grand soleil et températures douces (17°), avec profusions d'amandiers en fleurs et d'orangers chargés de fruits. 1000m de D+ pour 42km

J2 et J3 : Circuit dans les Alpujarras occidentales.

Départ au bord de la mer, comme il se doit, plus précisément du village de Castell de Ferro. Il faut 20mn face au vent pour quitter les serres, ensuite la montée au village perdu de Rubite (800m) et au col anonyme à 1130m qui domine le village est une pure merveille, pas un chat, un gradient raisonnable, des paysages magnifiques...mention particulière pour l'arrivée au col ou toute la Sierra Nevada luisante de neige et de glace se dévoile d'une seul coup. Descente un peu frigorifique plein nord sur Orgiva (400m), gros bourg poussiéreux et bagnoleux, mais ou l'on trouve la meilleure boulangerie - patisserie - salon de thé de toute la région !

La montée vers Pampaneira était relativement fréquentée en ce dimanche, c'est une balade classique pour les gens de la cote (hélas pas à vélo !) mais les choses se sont calmées en cours d'après-midi. Nous n'avons pu résister à lester notre porte-bagage de succulentes oranges fraichement récoltées, vendues sur le bord de la route à 2 Euros le sac de 3 kgs...nuit à Pampaneira (1070m, le plus beau village des Alpujarras, mais évidemment aussi le plus touristique avec ses innombrables échoppes d'artisanat & co) à l'Hostal Casa Alfonso, accueil, confort, gastronomie*** pour un prix imbattable. On peut aussi y refaire ses stocks du célebrissime jambon local ! Malgré les 2000m de D+, nous avons encore tenu à monter (bon sentier balisé) à Bubion, le village suivant 250m plus haut, magnifique aussi.

Le froid de l'Europe du nord à fini par arriver dans la nuit, toujours grand soleil mais avec des tenpératures légèrement négatives au départ le lundi matin. Avec la hauteur du soleil, l'air se réchauffe vite cela dit. 20 km ondulants - montants mènent à Trevelez (1530m), capitale du Jamon Curado et plus haut village d'Espagne, nous avons ensuite replongé dans le fond de la vallée (550m) par une route déserte et merveilleusement sinueuse via le village d'Almegijar avant de remonter casser la croute à Torvizcon. Le col qui retraverse la Sierra de Contraviesa entre Torvizcon et Polopo est le plus dur de la région, 800m de montée avec de nombreuses rampes à 12%-15% ("trecho estrecho y peligroso" avertit le panneau de départ...), avec le vent violent ce fut une belle bataille pour ne pas (trop) pousser le vélo. La route est là encore déserte, magnifique, et sur un goudron de qualité helvétique comme presque partout en Andalousie.

Ultime descente de 1300m de dénivelée jusqu'au bord de la mer, où on retrouve successivement éoliennes, immeubles, serres horticoles. Les 6km sur la route cotière pour boucler la boucle et rentrer à Castel del Ferro sont par contre bien plus tranquilles que prévus puisque la nouvelle autoroute absorbe tout le trafic.

Total sur les 2j : 137km et +3900m.

J4 et J5 : Circuit dans les Alpujarras Orientales

Après une nuit à Berja dans le seul hotel ouvert, nous avons d'abord tenté une incursion à ski de rando depuis le Puerto de la Ragua (2000m) , réputé pour ses itinéraires d'initiation comme le Chullo (2600m). Grand soleil sur la plaine mais le col était évidemment noyé dans la tourmente, et un comité d'accueil au grand complet nous a rapidement dissuadé d'insister : brouillard, vent froid, sommets bouchés, très peu de neige mais beaucoup de rochers dénudés, de terre et de glace...Nous sommes allés ensuite jeter un coup d'oeil à Jerez de Marquesado (versant nord du col), point de départ de la piste menant au Refugio Postero Alto et aux sommets skiables qui le dominent, Picon de Jerez & co. Un peu plus de soleil mais pas plus d'enthousiasme : faute de 4*4, les plaques de glace de la piste nous auraient obligé à 7km de portage jusqu'au refuge et les sommets au dessus apparaissaient aussi ventés et pelés que leurs cousins de la Ragua.

Bref à midi, passé un petit coup de déprime devant l'hostilié des conditions podfokesques, nous rangeons les skis et les chaussures, rebasculons versant sud du col pour attaquer un nouveau circuit à vélo sur 2 jours au départ du village de Laroles (1040m) : il s'agit cette fois-ci d'explorer la partie orientale des Alpujarras avec nuit à Cadiar. La route pittoresque en balcon sud passe par Yegen, Valor, Medecin Bombarron, Berchules...elle est un peu plus fréquentée mais rien de terrible en cette saison. De Berchules (1320m) à Cadiar, le plus logique aurait été de faire le tour par Juviles et Nieles, nous avons cherché un raccourci aventureux par les pistes figurant sur notre carte GPS...celle du haut aboutit à un grillage ("mina, explosivos, peligroso, prohibido"), celle du bas - qui part du cimetière - est défoncée à souhait (et dire qu'il y a des gens qui aiment...)

Bref on n'a pas gagné grand chose et nous sommes arrivés au crépuscule à l'excellent hotel de la "Para de la Suerte" de Cadiar où pour 40 Euros pp en 1/2 pension nous avons eu droit à une suite immense et un diner pantagruélique avec "vino de la casa" inclus. Manquait juste le chauffage (chose fréquente en Andalousie !) mais avec tous nos habits  + toutes les couvertures on a quand même passé une bonne nuit.

Le lendemain mercredi, toujours sous le ciel bleu mais avec encore qques degrés de moins, retour à Laroles par Ugijar, pas la partie la plus excitante mais toujours avec une relative tranquillité. Ce circuit peut donc se faire sur une (bonne) journée : 75km, +1900m. Le mauvais temps est arrivé le soir, chute de neige à Lanjarron (640m !), une  ville d'eau déserte en hiver, où il nous a fallu 1 heure pour dénicher le seul des 20 hotels ouvert en cette saison, le très classieux Al Cadima (où nous avons explosé notre budget : 35 Eur pp la nuit + Pdèj !). Ambiance mortifère +++ comme souvent dans ces anciennes villes de cure.

Nous mettrons ensuite 3 jours à gravir le Mulhacen (3480m, point culminant de la Péninsule Ibérique) ...en chaussures de ski (on n'avait rien d'autre !) et crampons par le Refugio Poqueira, un sommet tapissé de glace comme je n'en avais jamais vu en 25 ans de montagne - récit et images à venir.