Ski de rando et ski en famille : aller-retour Habkern - Eriz - Habkern par la Schibe

Concilier ski familial et passion de la rando exige souvent une bonne dose de créativité...sauf à se résigner au modèle traditionnel "monsieur avec ses potes, madame avec les momes"...L'idée était donc de faire skier les enfants sur le petit domaine d'Eriz en utilisant le chemin des écoliers à l'aller comme au retour, grâce entre autres à l'efficience des TC suisses. La carte ski suggère un itinéraire reliant Habkern (au dessus d'Interlaken) à Eriz via le sommet des Sieben Hengste : la maman partira donc avec le 1er Berne-Interlaken de 6h puis le 1er car postal pour chausser les skis à Habkern avant 7h30 et retrouver (quelques heures plus tard...) le reste de la famille, arrivée tranquillement en voiture, au milieu des pistes. Et le soir on inverse la manip et c'est moi qui fait le retour en profitant de la trace. Le dernier car postal ne quitte Habkern qu'à 19h30, j'étais de toutes façons intimement convaincu d'attraper le précédent à 18h30. La suite se déroulera un peu différemment...

Les 1er doutes surgissent lors de la pause casse-croute de midi : bientôt 5 heures qu'elle est partie, même pas de message...Cécile commence à me poser des questions...les amis qui skient avec nous me font remarquer que la montagne tout seul ce n'est pas bien raisonnable. Ouf de soulagement sur les coups de 12h30, tout le monde est réuni. La traversée, que je lui avait vendue comme classique et tracée, s'était en fait révélée moins commode que le beau trait rouge sur la carte n° 254 S : pas un chat au départ, il a fallu finalement tracer plus de la moitié du parcours dans la profonde, le terrain de lapiaz est souvent chaotique, l'orientation peu évidente, les plats interminables, le GPS parfois apprécié. Et encore elle a préféré shunter les 150 derniers mètres du sommet pour ne pas alourdir l'addition...

Arnaud réussit sagement sa 1ère piste rouge en chasse-neige, puis je prend le départ vers 14h45 : 3h45 de jour, ça doit bien suffire pour rejoindre Habkern, la trace est faite, je suis un pro de l'orientation et j'ai une caisse d'enfer, comme chacun sait (sic et re-sic). Et bien sûr sans shunter le sommet, non mais ! Je dois donc finalement retracer en diagonale tout le lapiaz sommital, les zigzags permanents entre trous et dolines prennent pas mal de temps, les photos des 4000m de l'Oberland dans la lumière rasante aussi, et je n'atteint le point culminant qu'à 17h30. 1 heure avant la nuit (et 1h aussi avant le car postal de 18h30 que je suis encore convaincu d'attraper...).

Je réalise rapidement que ce ne sera pas aussi simple : la godille en poudreuse vierge est certes belle, la Jungfrau qui rougeoie aussi...mais 200m sous le sommet, 1er gros coup de frein :  les chalets d'Oberberg - point de passage obligé - sont stratégiquement situés au fond d'une cuvette, les 20 mètres de remontée en escalier dans une poudreuse sans fond prennent un temps et une énergie disproportionnée, et ce n'est que le début. Surtout que le "pro de l'orientation", un peu anxieux de la tournure des évènements, commence a y mettre du sien : plutôt que de tracer à plat vers Bäreney, ce qui exigerait de se geler les mains pour ressortir la carte, je préfère utiliser une providentielle trace de raquettes descendue du Gemmenalphorn. Mauvais pioche : cette maudite trace ne cesse de monter et descendre, je m'époumonne à brasser la neige en escalier, puis à pied...avant de me résigner à repeauter...L'heure tourne et le car postal de 18h30 n'est bientôt plus qu'une illusion. La pénombre me rattrape finalement à Bäreney mais la suite est heureusement sans souci, bien tracée, en bonne neige...et en descente ! Je me fais même un point d'honneur à ne pas sortir la frontale et à finir au clair de lune, avec néanmoins une belle galipette à la clé en enfournant une bosse de neige invisible. La piste du bas est quand même la bienvenue !

Le terminus du car postal d'Habkern est une ode aux TC suisses, surtout quand on y débarque de nuit crevé et transi : petit abri de bois douillet, toilettes chauffées et immaculées, restaurant juste à coté, plan horaire venant confirmer l'existence du bus de 19h30. J'y serai d'ailleurs aussi seul qu'Agnès était seule dans le 1er du matin. Le petit coup de fil à la maison pour prévenir de mon arrivée plus tardive que prévu me donne droit à un petit commentaire ironique : "tiens donc, tu fais moins le malin maintenant ! Tu as bien vu que ce n'était pas aussi simple..."

Nivologie : Bon enneigement dès 900m sur toute la région. Dans l'ensemble assez grosse couche de neige meuble reposant souvent sur des strates anciennes peu consolidées...par contre peu venté donc assez peu de cohésion en surface (en dehors des coins les plus ensoleillés qui sont un peu croutés). Pas facile de se faire une idée de la stabilité...mais les pentes n'excèdent pas 25° (sauf au voisinage des trous du lapiaz !) donc pas de souci. Très bon ski...du moins là ou ça descend vraiment...

Météo : Grand beau froid (-7° à 2000m), vent faible se levant un peu en fin d'après-midi.

Itinéraire détaillé : Accès : Innereriz, accessible en 45mn de voiture de Berne via Thun / Steffisburg ou en TC (car postal fréquent de la gare de Thun, terminus à Eriz Säge, 1h20 de Berne). Départ du pied du téléski. Gagner les chalets de Fall (1221m), soit en remontant la piste bleue passant au chalet de Sol (1218m) puis une piste forestière, soit par la route fraisée mais enneigée via Trüschhübel. Remonter la piste forestière menant au col de Grünenberg, la quitter au Pt 1415m, traverser un bout de forêt clairsemée pour s'engager dans une sorte de vallon suspendu (direction W). On passe successivement au Pt 1661m, au nord des Pt 1777m et 1802m avant de tirer en diagonale faiblement ascendante à travers le grand lapiaz des Sieben Hengste jusqu'au sommet Nord de la Schibe à 1955m (pente maxi de 20° mais orientation peu évidente, terrain chaotique, zigzags entre de gros trous, bon enneigement nécessaire).

Descente : viser au départ le pluviomètre du Pt 1862m, puis les chalets d'Oberberg (1752m) situés hélas au fond d'une cuvette. Remonter au Pt 1771m, puis traverser en diagonale faiblement descendante jusqu'au Col de Bäreney (1678m) : orientation là encore peu évidente, par grosse neige fraiche et sans traces, il peut être rentable de remettre les peaux entre Oberberg et Bäreney. De Bäreney, descendre sur Habkern par de jolies pentes douces mais bien skieuses à travers une suite de clairières (on passe aux Pt 1510m et 1390m), on retrouve une piste de ski aux chalets de Läger (1298m) pour arriver au pied du téléski, à 5 minutes à pied du terminus du car postal (Habkern - Zäundli). Connection horaire jusqu'à 19h30 pour la gare d'Interlaken d'où des trains à cadence horaire permettent de rentrer sur Berne.

Bilan : Jolie traversée sauvage à travers la partie occidentale du Massif du Hohgant. Ne pas y aller que pour le ski : malgré de beaux passages sous le col de Bäreney, il y a énormément de plats et de terrain chaotique tout au long de l'itinéraire. Par contre le cadre est absolument bucolique sur ces grands domes karstiques parsemés de pins à crochets face aux grands sommets de l'Oberland, la tranquillité garantie ou presque, et le risque très faible...sauf de tomber dans un des trous du lapiaz ! Corollaire : enneigement abondant et bonne visibilité sont de rigueur, orientation peu évidente en l'absence de traces. Compter 4 ou 5h malgré le faible dénivelé.