Stanserhorn, traversée de Wirzweli à Stans

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Le Stanserhorn fait partie des grands classiques de la région lucernoise et pourtant, je n'y étais jamais encore monté. Ce premier dimanche de juillet m'offre l'occasion parfaite de combler cette lacune : une fois de plus, la météo du week-end n'a pas voulu m'accorder les deux jours de beau temps qu'il me faudrait pour poursuivre mon Chemin panorama alpin et, après un samedi pluvieux, je suis à la recherche d'une destination pas trop lointaine pour dimanche. Il s'agit surtout de commencer à retrouver un peu de forme physique, à moins d'un mois avant des vacances d'été que je passerai dans les Pyrénées. Le printemps a été tellement pourri cette année que je suis loin d'avoir mon niveau d'entraînement habituel pour la saison.

Il ne faut pas très longtemps pour arriver à Wirzweli, point de départ de cette randonnée et de nombreuses autres balades sympathiques, en été comme en hiver. Cette petite station de vacances familiale, située sur un plateau ensoleillé à une altitude de 1200 metres, s'atteint par téléphérique depuis Dallenwil (gratuit avec l'abonnement général). La nuit a été nuageuse et un peu pluvieuse mais, lorsque je commence à marcher peu avant onze heures, le soleil déjà chaud a chassé la plupart des nuages. Le sommet du Stanserhorn lui-même reste invisible pour l'instant mais ne tardera pas à se libérer des petits cumulus qui s'y accrochent. Vers le sud, l'Arvigrat est encore bien enveloppé de nuages : c'était le but de ma dernière randonnée dans le secteur, en novembre de l'année dernière.

Pendant la première demi-heure je suis le même itinéraire que lors de cette magnifique journée d'automne, avant de bifurquer vers le nord et de monter par une série de petites routes d'alpage jusqu'à Ächerli, 1396 m, point le plus bas de la large selle qui relie l'Arvigrat au Stanserhorn.  Je suis la crête vers le nord en montée douce jusqu'à la petite chapelle de Holzwang, presque entièrement cachée par la forêt au-dessus d'un précipice qui plonge vers Kerns, à l'ouest. De l'autre côté de la vallée, le Pilatus a décidé de collectionner tous les nuages encore actifs de la Suisse centrale, son sommet restant invisible sous une chape gris foncée. Vers l'est, au-delà d'alpages parsemés de fleurs alpines de toutes les couleurs, les sommets enneigés au-dessus de la vallée d'Engelberg constituent un arrière-plan très impressionnant.

Le sentier passe par un bosquet puis continue, plus ou moins horizontalement, en balcon au-dessus de pentes herbeuses raides qui descendent vers les quelques chalets de l'alpage de Wiesenberg. Une courte montée me mène au point marqué du nom Huserli sur la carte. Ici, un petit chalet isolé est perché sur une nervure herbeuse qui descend vers l'est depuis le Chli Horn. Même si je ne marche que depuis une heure et demie, l'endroit est idéal pour la pause déjeuner, avec une vue somptueuse vers le Titlis et les Walenstöcke au sud-est. Je suis loin d'être le seul à avoir choisi cet endroit pour déguster sandwiches et fruits : le Stanserhorn n'est pas une montagne pour les solitaires ! 

Au-dessus de Huserli, la montée se fait plus sérieuse. Les 300 mètres que je dois encore gravir jusqu'au sommet sont raides ; tout d'abord en remontant le ravin de Chrinnen vers l'ouest, puis en lacets de plus en plus raides dans le flanc sud du Stanserhorn proprement dit. Vers le haut, le sentier passe dans des bandes rocheuses et est sécurisé par des câbles ; il n'est pas sans rappeler celui du Grosser Mythen. Juste sous le sommet, où je croise un guide qui accompagne une randonneuse aveugle, un long escalier métallique constitue un moyen efficace mais peu esthétique pour franchir le dernier ressaut.

J'atteins le large sommet du Stanserhorn (1897 m) peu avant 14 heures, après deux heures et demie de montée. Je suis content de moi-même : malgré ma petite forme physique, j'ai fait plus vite que le temps indiqué en bas à Wirzweli. Il y a foule au belvédère sommital, essentiellement des touristes montés en téléphérique pour profiter de la belle vue sur le lac des Quatre Cantons.  Je ne sais pas s'il existe un point de vue qui permet de voir ce lac dans son intégralité : en tout cas, le Stanserhorn offre la totalité de la partie nord, avec les bras qui s'étendent vers Hergiswil, Beckenried, Lucerne et Küssnacht.

Le guide Rother Vierwaldstättersee n'a rien de bon à dire sur la descente vers Stans et conseille le téléphérique. Cela va un peu à l'encontre de mon objectif fitness, alors j'opte pour la longue, longue descente à pied : trois heures et demie de marche et 1500 mètres de dénivelée.  La décision s'avère bonne car, pour la plupart, l'itinéraire est très agréable et panoramique. Je passe par la terrasse bondée du restaurant sommital, observe l'arrivée du téléphérique topless, puis quitte les foules pour entamer la descente. Au début, le sentier suit l'arête est du Stanserhorn et est sécurisé de manière quelque peu exagérée par des mains courantes des deux côtés. Je dépasse un couple d'Allemands qui font une séance photo plutôt sérieuse : lui dirige les manœuvres, elle prend des poses très théâtrales, pied sur un rocher et bras étendu dramatiquement pour indiquer un sommet lointain. Nous nous dépasserons plusieurs fois au cours de la descente, au rythme des pauses photo et boisson des uns et des autres.

A Rinderalp, 1635 m, je prends le plus long des deux itinéraires indiqués pour Stans. L'option plus courte ne m'inspire guère, car le sentier descend en lacets serrés directement sous les câbles du téléphérique. Mon itinéraire file vers l'est, plus ou moins à l'horizontale, par une alternance de forêts et d'alpages, jusqu'au chalet isolé de Blatti, perché au-dessus de la vallée à une altitude de 1566 mètres. L'ensemble de la descente se fait en pente plutôt douce, car le sentier fait de longs lacets à travers le flanc nord escarpé de la montagne. Cela rallonge la descente en termes de distance mais, en même temps, la rend moins pénible pour les genoux et les muscles des jambes.

En dessous de Blatti, le sentier devient plus étroit et les pentes qu'il traverse sont plus raides. Il faut un minimum d'attention ici : bien que le sentier soit assez large, il est très gras et glissant par endroits et il ne faudrait quand même pas passer par dessus bord... La descente se fait en forêt pour la plupart, mais les échappées vers le lac des Quatre Cantons au nord sont fréquentes. Je passe devant le chalet isolé d'Ahornhütte (1440 m) où de la musique rock sort par une fenêtre ouverte, détonnant un peu avec le paysage de montagne. Un peu plus bas le chalet de  Chalcherli, dans une grande clairière, marque la fin des sentiers de montagne et la transition vers les petites routes de desserte agricole et les sentiers de lisière de forêt par lesquels je terminerai ma descente. Juste au-dessus de Stans, un parfum intense de foin fraîchement coupé déclenche une bouffée de nostalgie étrange et inattendue : pendant une courte seconde, je me trouve transporté en Normandie, où je passais de longues soirées d'été au golf de Saint-Saëns, au milieu des années 90. Cette odeur d'herbe fraîche est exactement celle de ces soirées-là. Vers le nord-ouest, les nuages se sont enfin dégagés du sommet du Pilatus et l'après-midi se transforme lentement en magnifique début de soirée.

J'arrive à Stans à cinq heures. La place centrale du petit bourg est très jolie, avec une grande église et quelques restaurants installés dans des maisons vieilles et solides. Devant l'église, une grande sculpture met en scène une histoire de violence inattendue, avec un personnage qui frappe un autre à terre. Je ne sais pas quelle événement biblique la sculpture est censée représenter mais ça n'a pas l'air très sympathique… alors je file vers la gare et saute dans le premier train pour Lucerne !