Début de saison hivernale au-dessus de Wirzweli

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Psychologiquement je trouve qu'il est encore trop tôt pour sortir les raquettes (c'est mon début de saison le plus précoce depuis que je suis arrivé en Suisse il y a une quinzaine d'années), mais avec les conditions annoncées au-dessus du brouillard il fallait y aller. Le tout étant d'arriver au-dessus de cette fichue couche de stratus. Avec une limite supérieure annoncée entre 1500 et 1800 mètres, je ne suis pas certain d'y parvenir.

A Zug il fait grand beau, ce qui est loin d'être normal à cette saison. Cela se gâche entre Cham et Rotkreuz (là, c'est normal), mais malheureusement la grisaille continue jusqu'à Lucerne et au-delà. A Dallenwil, en regardant vers les sommets, je me dis que non seulement je ne serai pas au-dessus des stratus, je risque fort de me retrouver en plein dedans. Pourtant, la chape nuageuse ne semble pas être trop épaisse et se déchire de temps en temps, laissant apparaître le soleil.

Les pistes de ski de Wirzweli ne sont pas encore ouvertes et le téléphérique est quasi désert. En haut, à 1220 mètres, il y a déjà une bonne couche de neige. Cinq ou six itinéraires raquettes balisés partent de la station supérieure ; toutes ne sont pas encore ouvertes. J'ai opté pour l'Arvitrail, le plus long du lot. Je marche pendant un ou deux kilomètres sur une piste de randonnée hivernale damée, puis oblique vers la gauche pour remonter un long pâturage entre deux bras de forêt. Le brouillard se déchire partiellement, laissant apparaître le Stanserhorn devant, puis la vue disparaît à nouveau : toute cette randonnée se déroulera juste à la limite entre nuages et soleil.

Je n'ai pas fait de rando depuis un mois et je me rends vite compte que cette ouverture de saison facile sera en fait assez physique. Il a neigé hier et il n'y a eu que peu de passage sur cet itinéraire. La trace est visible sous la neige fraîche, mais la neige n'est pas du tout tassée et je m'enfonce dans cette poudreuse fine et roulante. Il fait très froid, mais je suis bientôt en sueur grâce à l'effort.

Au-dessus de Langboden, le brouillard se lève une nouvelle fois pour révéler un paysage de toute beauté, encore immaculé, encore presque sans trace de skis ni de raquettes. La trace monte le long de la lisière d'une forêt au-dessus des chalets de Loch, hameau bien nommé, froidement blotti dans un creux sans soleil même à midi. La limite supérieure du brouillard est juste en dessous, avec le Stanserhorn et le Buochserhorn qui dépassent. La trace traverse en légère montée sous une crête, puis revient en arrière pour gagner celle-ci. Ici, au soleil, le rebord en béton d'un abreuvoir me permet de m'asseoir au sec pour boire ma soupe (pas faite maison pour une fois) et de manger mes sandwiches. Là-bas se trouve le Brisen, toute blanche, avec le Haldigrat dont la raideur est accentuée par l'éclat se sa couverture neigeuse contre le bleu profond du ciel. Juste en dessous de moi, le brouillard remonte du coté Obwalden de l'Ächerlipass et tente une incursion en Nidwalden, mais semble être bloqué –du moins provisoirement – par les quelques arbres sur la crête au-dessus de Holzwang.

Je traverse sous le sommet de la Chienerenegg, puis descends tout droit dans une poudreuse parfaite avant de remonter vers l'Ächerlipass. La brouillard gagne du terrain et, en arrivant à la selle et au chalet qui s'y trouve, je me trouve à marcher par une visibilité au sol de moins de cent mètres, alors que je vois pourtant le soleil et du ciel bleu au-dessus. Je continue jusqu'à une grande croix sur une bosse, un quart d'heure au-delà d'Ächerli ; ici, le balisage Arvitrail continue mais il n'y a plus du tout de trace et la visibilité ne s'améliore pas, les stratus semblent avoir gagné la partie. Je descends vers l'est, suivant maintenant le balisage du Sonnentrail… hmm…

La descente est agréablement raide, juste ce qu'il faut, même si vers le bas il manque encore un peu de neige, on sent que les rochers des pâturages ne sont pas si loin que ça. Le brouillard se lève une dernière fois, mais le soleil est en train de disparaître derrière l'Arvigrat et le froid s'installe. Je reviens bientôt au point où  j'ai quitté le chemin de randonnée hivernale, et vingt minutes plus tard je suis de retour à la station supérieur du téléphérique. La randonnée a été courte mais, pour une première sortie, assez exigeante du point de vue physique. Un bon début de saison avec quelques très beaux paysages.