Sous le signe des "Alpini"... et de la canicule


Publiziert von bertrand19 , 28. August 2013 um 09:47.

Region: Welt » Italien » Piemont
Tour Datum: 2 August 2013
Wandern Schwierigkeit: T3 - anspruchsvolles Bergwandern
Wegpunkte:
Geo-Tags: I 
Zeitbedarf: 4 Tage
Zufahrt zum Ausgangspunkt:Autobus depuis Domodossola


Défis et changements dans leur vie personnelle ont incité deux randonneurs à se mettre en chemin quatre jours durant au travers des vallées dites de l'Ossola (Piémont italien). Effort physique sans désir de performance, dépaysement, rencontres et amitié, tels étaient quelques-uns des ingrédients souhaités de cette petite aventure... 

Une chaleur déjà bien marquée nous accueille sur le parvis de la gare de Domodossola, lorsque nous débarquons du bus de substitution pour cause de travaux sur la ligne ferroviaire du Simplon. Puis le bus de Macugnaga, dans le Val Anzasca, nous dépose à notre point de départ, Pontegrande, par une route étroite et sinueuse dans un paysage grandiose.

1er jour:  Pontegrande - Soi di dentro
Après une demi-heure de montée, première halte à Bannio et son entrelacs de ruelles: un bruit d'assiettes, une petite fille qui s'enfuit en nous voyant tandis que sa maman l'appelle: pas de doutes nous sommes en Italie avec son atmosphère chaleureuse si particulière. Des drapeaux ornent la place principale:  Bannio célèbre ses "alpini" et toute l'empreinte qu'ils ont laissé dans la région. Nous décidons de ne faire en ce premier jour qu'une étape modeste de deux heures qui nous mène au hameau de Dentro di Soi au pied des deux cols de Baranca et de la Dorchetta qui donnent l'un et l'autre accès à la vallée de Rimella. Impossible d'atteindre le logis souhaité par téléphone. "Il y aura sûrement de la place chez Rosanna", nous assure-t-on. 
Cette affirmation a quelque chose de rassurant. Nous n'allons pas vers l'inconnu, nous allons chez Rosanna. La montagne n'est pas peuplée d'anonymes, mais d'individus qui vivent ensemble et qui vouent leur attention l'un à l'autre. Le chemin traverse des hameaux pleins de "rustici" restaurés ou laissés à l'abandon. Dentro di Soi est l'un de ces hameaux bien situé face à la montagne avec ses magnifiques toits en pierre, merveilles d'un savoir-faire ancestral.
Rosanna s'avance vers nous en s'appuyant sur sa béquille. En quelques heures, elle nous dira tout d'elle, ses bonheurs et malheurs et sa phlébite qui la fait souffrir. Elle nous ouvre notre chambre au confort des plus rustiques. Le monde du high tech, du design et du dernier cri  est à des années-lumière et le dépaysement au bout de nos chaussures.
Le soir, le café de Rosanna ne désemplit pas. Habitués, randonneurs de passage, les conversations se nouent, les bons plans s'échangent, la vie se débat... le tout agrémenté de la cuisine de la maîtresse des lieux (pates avec sugo maison aux herbes du jardin, polenta et viandes rôties suivi d'un gâteau aux pommes farci aux oranges qui emplit le palais de ses saveurs).
Le jour - pas si lointain - où ses forces la lâcheront, qui prendra le relève de Rosanna? Qui perpétuera cette étape, ce lieu de vie indispensable pour tout un coin de montagne? Cette pensée nous traverse avant que nous fermions les yeux sur la nuit étoilée.
 
2e jour - Soi di dentro - Rimella via le col de la Dorchetta
Petit-déjeuner à l'italienne avec cappucino mousseux et croissant rempli de confiture, c'est le départ vers le col de la Dorchetta. Le chemin - raide - serpente d'abord dans une forêt de feuillus caractéristique du sud des Alpes puis zigzague parmi les myrtilliers.
Avec un soleil qui darde ses rayons de plus en plus pénétrants, nous passons devant l'Alpe où nous décidons de ne pas trop nous attarder: nous appréhendons les 300 mètres de dénivellation dénués de toute végétation qui nous séparent du col. Autant comme l'on dit, "l'avoir derrière nous". Intuitivement, nous savions que ce serait difficile. Et ça l'a été... Mon compagnon prend de l'avance, et je le suis dans son effort. Pour lui comme pour moi, il n'y a plus rien d'autre à faire que puiser dans nos ressources physiques et mentales pour atteindre le but: un petit replat herbeux qui s'ouvre sur la vallée de Rimella, le Mont Rose et la Valle Anzasca. Nous nous y installons pour une bonne heure, histoire de récupérer. Un bref souffle d'air vient caresser de sa timide fraîcheur nos corps en sueur mais tout paraît implacablement noyé dans l'"afa" comme disent les italiens, cette chaleur humide et lourde qui monte de la Plaine du Pô.
Nous attaquons la descente: un long chemin en pente raide qui suit un fond de torrent, dans une nature qui semble héritée tout droit des temps de la Création! Alors que les premières maisons de San  Antonio apparaissent, une vasque d'eau cristalline dans le torrent en contrebas attire mon regard. "Et si nous piquions une tête", suggérais-je à mon compagnon qui, après une petite hésitation, tombe la chemise avec un sourire complice. L'eau du torrent décrispe nos muscles et c'est rafraîchis que nous entamons la dernière marche vers Rimella, ou plutôt à la fraction de Villa. Car, plutôt que de village, on devrait parler de hameaux disséminés de part et d'autre de la vallée qui répondent chacun à un double-nom de lieu en "tütschi" et en italien.
La vallée de Rimella se découvre alors avec ses églises, son architecture, ses plis et replis, alpages et lits de torrents. Depuis la terrasse de l'hôtel Fontana, le paysage de cette vallée, fermée par une étroite gorge qui ne fut ouverte à la circulation qu'au XIXe siècle pour permettre à l'évêque de faire ses visites pastorales, se déploie dans toute sa beauté mystérieuse. Au village, la tenancière du bar-kiosque tente de nous parler dans son dialecte dont de nombreux mots aux racines germaniques nous sont familiers. Mais elle a plus de mal à comprendre notre suisse-allemand. Et les "Alpini" sont toujours là: le soir, après un repas où se sont succédés une kyrielle d'antipasti, un "primo" et un "secondo" copieux, nous nous rendons à leur fête où se produit leur chorale qui entonne des airs connus de tous et repris par l'assistance. Moment d'émotion: mon compagnon reconnaît  l'un des airs préférés de son père.
 
3e jour: Rimella - Forno via la Ströner Furkku
Un orage aussi bref qu'inopiné nous retient quelques minutes sous un balcon laissant rapidement la place à un ciel d'un bleu azuréen. Il y a du monde sur le sentier, car c'est la fête du refuge, et nous dépassons un à un, groupes de jeunes et moins qui s’y rendent. Galvanisés par la lumière étincelante qui baigne toute la vallée et ses prairies comme lavées par la pluie, nous gravissons tels de vieux habitués du coin le chemin pierreux qui grimpe à flanc de montagne et qui offre des points de vue panoramiques sur la vallée de Rimella et ses hameaux. Puis, c'est la pause sur l'alpe face au Mont-Rose lequel garde une part de son mystère en refusant obstinément de dévoiler ses plus beaux atours: son sommet de glace.
Au travers d'alpages animés de leurs troupeaux, c'est la descente vers Campello Monti, autre village walser bien étagé sur son flanc de montagne. Puis c'est une dernière et longue immersion dans un bassin aux eaux vert sombre que nous quittons à regret avant d'arriver à notre hôtel - l'"Albergo del Leone - auberge du Lion" - à Forno. 
Nous y rencontrons de nombreux autres randonneurs dont cette famille de Stuttgart qui s'apprête à se lancer sur les chemins que nous venons de parcourir et que nous envions un peu de partir à la découverte d'un paysage qui nous habite depuis trois jours.
 
4e jour Forno - Omegna
Dernier jour: plus de six heures de marche nous attendent. Un chemin apparemment en descente. Mais, en montagne, les apparences sont souvent trompeuses.
Pause à Massiola : la conversation s'engage avec un passant qui vient spontanément à notre rencontre. Originaire du lieu et qui nous retrace en quelques phrases toute l'évolution de "sa" vallée: "auparavant, toute la montagne 'vivait' avec ses alpes pleines de troupeaux. Puis la voiture a fait son apparition et tout le monde est parti travailler dans les fabriques d'Omegna. Onze heures de boulot pour un petit salaire. Nous étions les chinois de l'époque." Et aujourd'hui, que font les gens? "Sur les quelque 10 fabriques qu'il y avait alors, il n'en reste plus qu'une". Retour aux réalités contemporaines de cette Europe malade que nous avions pendant quelques heures mises entre parenthèses.
Le chemin traverse les villages accrochés à flanc de montagne tous plus pittoresques et esthétiques les uns que les autres, avec leurs jardins cachés derrière de beaux portails en ferronnerie, leurs patios, leurs terrasses, leurs ruelles en escalier.  A Luzzogno, nous nous arrêtons devant l'épicerie du village où des femmes en costume traditionnel s'enquièrent d'où nous venons et où nous allons. "Vous aimez venir en Italie n'est-ce pas? On disait de nous autrefois le 'bel paese'", lâche l'une d'elle avec un mélange de nostalgie et de fierté dans la voix.
Chesio, un véritable palais avec ses loggias domine le village. Mon esprit se met à vagabonder: combien de Roméo et Juliette se sont-ils laissés aller à l'exaltation de leurs sentiments amoureux entre ces dalles et colonnes au clair de lune?
Derrnière montée raide vers Loreglia sur un chemin qu'il faut chercher dans un fond de vallée. En matière d’orientation, mon compagnon se révèle depuis le début de cette randonnée d'une fiabilité exemplaire et j'avoue me reposer sur lui. Nous atteignons la place de l'église fraîchement rénovée. Nos corps ne sont plus que des fontaines de sueur. C'est l'heure de la sieste et le village est plongé dans la torpeur des heures chaudes. L'un à côté de l'autre, nous savourons cette quiétude, avant d'aborder la toute dernière descente vers Germagno et Omegna.

Epilogue caniculaire et ferroviaire
Les montagnes environnantes s'abaissent. Des vagues de chaleur nous assaillent et nous prennent régulièrement. La couleur du ciel, avec ce mélange subtil d’un bleu ardent pâli par la brume de chaleur, m'évoque des souvenirs analogues de Sicile ou du Maroc. Les pauses boisson se multiplient.
Omegna: nous nous affalons sur une terrasse de café au bord du lac en attendant le train du retour. C'est le grand relâchement et le moment où les images et impressions amassées durant ces quatre jours s'ancrent à jamais bien au fond de nous-mêmes.
Dans l'autorail qui nous ramène à Domodossola, le contrôleur doit composer avec un voyageur, visiblement pris de boisson. Avec ses allers-et-retours incessants entre la cabine de conduite et notre compartiment, ses appels téléphoniques nerveux et désespérés à celle qu'il aime ("voglio vivere con te", lâche-t-il dans un hurlement), ses tentatives maladroites et agaçantes d'entrer en contact avec les autres voyageurs, il trouble la quiétude dominicale de ce qui pourrait être un beau voyage ferroviaire dans la vallée de la Toce.
Tous subissent ses agressions. Tous, sauf nous. Pourquoi nous ignore-t-il? A la mesure des larges horizons qui nous ont portés durant ces quatre jours mais aussi du spectacle de la diversité de la nature et de la vie humaine, avons-nous inconsciemment pris quelques distances avec le quotidien et ses misères ? Intérieurement, je nous souhaite de savoir faire perdurer en le souffle de Rimella.

Tourengänger: bertrand19


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