Ski de randonnée sauvage dans le Massif du Pinde


Publiziert von Bertrand , 18. Februar 2022 um 16:53.

Region: Welt » Griechenland
Tour Datum:15 Februar 2000
Wegpunkte:
Geo-Tags: GR 
Zeitbedarf: 8 Tage
Aufstieg: 7000 m
Abstieg: 7000 m
Strecke:Smolikas - Goura - Gamila - Astraka - Kakarditsa

Un vieux récit d'une de nos plus belles aventures à ski en Méditerranée, dans un massif taillé pour la randonnée lattes aux pieds !


PINDE HIVERNAL 2000 
 
 
Samedi 12/02, Ioannina
 
On quitte une nouvelle fois une Suisse ensoleillée et croulant sous la neige pour mettre le cap sur quelques collines méditerranéennes avec la perspective de longues heures de portage dans la garrigue brûlante pour aller traquer quelques plaques de vieille neige…Le pire, c’est qu’on n’est pas les seuls ! JP Laurent, qu’on croise brièvement dans le hall de l’aéroport d’Athènes, est de son coté en partance pour la Crête où selon un bistrôtier francophone de Xania il y aurait “ beaucoup de neige ”…Les employés doivent vraiment se demander si l’on ne vient pas d’inventer une nouvelle forme de skis nautiques. A coté des Lefka Ori quasiment en face de la Libye, notre Pinde septentrional ferait presque figure de Sibérie hellénique, même à quelques encablures de Corfou…

Les 6 participants, leurs sacs et leur attirail remplissent presque totalement le minibus de 9 places. Rien que du beau monde : un ex-patron du mythique PGHM de Chamonix, la fine fleur du CAF Paris, un couple de globe-trotteurs franco-bernois à peine revenus des parois jordaniennes avant de refiler sur le Zanskar à bicyclette…Personne n’est pourtant assez aventurier pour revendiquer le volant et un négociation serrée est nécessaire pour déterminer les 2 malheureux chauffeurs, François et Laurent !

Le temps de se perdre copieusement dans l’infernale circulation d’Athènes, de traîner ½ h autour du Canal de Corinthe et de doubler périlleusement une centaine de camions sur la soi-disant autoroute de Patras – les subventions communautaires n’ont apparemment servi qu’à construire la station de péage – et on s’entasse sur le bac d’Andirio. Où notre gendarme en civil a l’honneur de se faire copieusement rabrouer (ce qui ne doit pas lui arriver souvent !) par le moussaillon de service pour manœuvre agressive.

Dîner huileux dans un bouge de bord de route et arrivée sous la flotte (normal, les montagnes approchent) à Ioannina où notre hôtel et son adresse ne suscitent que des regards interrogateurs des autochtones abordés. On atterrit quand même au lit vers minuit après une manœuvre genre “ chameau dans le chas de l’aiguille ” de la part de François pour rentrer notre fourgonnette dans un parking de ruelle plus adapté aux scooters qu’aux minibus…
 
 
Dimanche 13/02, Palioselli                                                  Déniv : +400m
 
Ciel maussade, pluie fine, montagnes bouchées…spectacle connu sur tous les reliefs de la planète. Ah, quel dommage de ne pas être nés fanas de foot ou de plagisme ! Notre accompagnateur Yorgos vient nous retrouver au P-déjeuner pour nous annoncer que “ c’est dommage, il a fait beau 2 semaines et ça s’est juste dégradé hier ” , “ avec tout ce soleil, la neige a beaucoup reculé ”, “ l’an dernier, il y en avait beaucoup plus ”, etc…Un refrain habituel au démarrage de tout bon raid exotique auquel les vétérans du groupe réagissent avec une placidité toute stoïcienne mêlée d’un scepticisme de bon aloi.

Pour continuer dans les bonnes nouvelles, Yorgos nous explique qu’il est impossible d’obtenir les clés du seul véritable refuge du massif, celui d’Astraka, dont le gardien (“ ce vieil âne ” - hliqiogaidouridans le texte) n’a pas envie d’aller se geler les fesses pour une troupe de gringos ayant l’idée bizarre de s’aventurer dans la région en plein hiver…Mais notre guide est plein de ressources et – histoire de chausser rapidement les skis et de passer une nuit au grand air le soir même – cap est mis sur le Smolikas, 2637m et le plus haut sommet du Pinde, voire même le second de tout le pays après l’Olympe…Une sympathique cabane de bûcherons au dessus du village de Palioselli se gagne par 1h30 d’efforts, à notre immense surprise les ¾ à skis grâce à une judicieuse piste d’alpage ayant gardé comme par miracle les derniers mètres carrés de neige au milieu de la garrigue desséchée…

La petite cabane, nichée à 1600m au milieu d’une douce forêt de pins, est certes loin des standards de confort des refuges suisses mais, selon nos habitués du CAF, “ bien mieux que les taudis pyrénéens ”. Le vieux poêle produit certes beaucoup plus de fumée que de chaleur mais c’est finalement un excellent prétexte pour se réfugier dans la tiédeur des duvets dés la nuit tombée histoire d’accumuler une bonne nuit de sommeil avant d’attaquer d’entrée le point culminant de la chaîne…
 
 
Lundi 14/02, Tsepelovo                                                   Déniv : + 1300/-1700
 
Nos amis les skieurs extrêmes parisiens ont beau considérer ce Smolikas comme une grosse colline, cette montagne est pourtant comme dessinée pour le ski de randonnée avec ses belles pentes, son panorama imprenable (dixit Yorgos) “ sur toute la Grèce ”, ses débonnaires forêts de pins s’ouvrant généreusement au passage des skieurs…En 1 mot une superbe ascension sous un soleil et une température de rêve dont le maigre dénivelé de 1000m est compensé par une distance horizontale respectable. Tout le bonheur du ski sauvage en Méditerranée loin des foules, des ascensions à la mode et des pentes massacrées de traces…Les 1ers au sommet ont même la chance d’apercevoir un ours ( !) un peu plus bas, heureusement en train de prendre la fuite. Eh oui “ en Grèce, pas besoin d’hiberner comme en Sibérie ” nous explique Yorgos.



Lequel découvre rapidement les vices de ce groupe de montagnards enragés : loin de se contenter de refiler “ bêtement ” droit sur le refuge, François nous déniche une magnifique combe en poudreuse (mais si, à 50 kms de Corfou…) exigeant tout juste une malheureuse petite heure de remontée comme maigre salaire à son utilisation. Une si belle journée, autant la prolonger…Après une brève halte à la cabane pour recharger sacs et mulets (sic), la descente sur Palioselli s’achève dans le plus pur style méditerranéen : le jeu consiste alors à utiliser les dernières plaques de neige pour réduire au maximum le portage, quitte à effectuer toutes les sections de raccord nécessaires en ski sur herbe, sur terre ou sur gravier. Une stupide émulation pousse chacun à refuser - souvent en dépit du bon sens - de déchausser tant qu’une vague marque de skis sur un bout de neige sale au coin d’un buisson laisse penser que le copain de devant à eu le culot de passer encore lattes aux pieds… 



Même à 17h passées, il faut encore tirer la mamie du café de sa sieste pour lui rendre les clés, régler une note plutôt salée pour l’utilisation de la cabane, et avaler un thé au miel avant de mettre le cap, par 2h de routes aussi tortueuses que pittoresques, sur notre prochain camp de base : le délicieux village de Tsépélovo, une sorte de Bonneval ou de mini-Zermatt local avec ses jolies maisons en pierre, ses toits de lauze et ses 3 hôtels. Yorgos, apparemment connu comme le loup blanc dans tout le massif, nous déniche le plus sympa et le moins cher avant de négocier avec la vieille patronne un rabais en nous présentant comme représentants touristiques…
 
 
Mardi 15/02, Tsepelovo                                                    Déniv : + 1750/-1750
 
Nuit étoilée, aube superbe, arrivée des 1ers nuages pendant le petit déjeuner…un scénario qu’on reverra souvent ! Devant la désespérante indigence – ou absence – des petites déjeuners dans ce pays, recours au système D : réchaud à gaz sur la table de nuit, müsli lyophilisé (prévu pour les refuges et recyclé pour les hôtels) assis sur le lit, café à l’eau chaude du robinet pour gagner du temps…

Au programme de la journée, le Goura (2466m), la cime majeure de la partie orientale du sous-massif de l’Astraka (ouf !). Yorgos nous a prévenus : une immense pente “ très soutenue ” coupée par un couloir “ étroit et raide ”, aucun portage grâce à une providentielle piste d’alpage qu’on remontera “ en voiture jusqu’à la limite de la neige”, etc…Sur place, la piste est évidemment coupée par une vieille congère dés le premier virage à l’ombre ; poussages et pelletages n’y font rien, il faut se résoudre à abandonner le véhicule et à attaquer depuis le bas la garrigue, skis sur le dos, dans la pure tradition du ski méridional.



Mais l’enneigement du Pinde ne cessera de nous surprendre, les lacets supérieurs de la piste ont encore une fois gardé la neige dés 1400m et les laborieux mulets se retransforment en graciles skieurs bien plus tôt que prévu. Quant à la “ grande pente soutenue ”, elle évoque davantage une piste bleue, mais avec le vent du nord en rafales, le froid et les sombres nuages lâchant occasionnellement une giboulée de neige, l’ambiance est quand même plutôt sévère pour une colline à 2 pas de la Mer Ionienne. Ce qui n’empêche néanmoins pas la chienne du village de nous accompagner (voire de nous précéder) jusqu’au sommet, privant du même coup Agnès et Monique de la première hivernale féminine de ce prestigieux sommet. Au moins aurons-nous réussi la “ première hivernale par des non-grecs” du Goura après avoir accompli le même exploit sur le Smolikas !

Un peu de poudreuse, suivie d’une excellente neige de printemps, un casse-croûte au soleil…il n’en faut pas plus pour nous regonfler le moral  et nous lancer à l’assaut d’un 2ème sommet repéré par Laurent et à l’allure enfin décemment raide. Yorgos secoue la tête de dépit, propose de nous attendre au bistrot du village, puis, résigné, se décide à nous suivre. Encore une première à skis sur cet anonyme “ Tsiumako Korphoula ” (2157m), encore une belle pente quasi poudreuse, encore quelques ampoules de plus sur les pieds de Yorgos martyrisés par des chaussures neuves, enfin une vue lointaine sur l’Olympe…Tous ces exploits sont hélas rabaissés par la présence permanente de la chienne du village nous ayant AUSSI suivi sur le 2ème sommet. Mais cela ne pèse pas lourd devant le scintillement lointain de la Mer Ionienne, on aperçoit même un morceau d’Ithaque se détachant, que de souvenirs…



Histoire de changer des souvlakis-frites, Yorgos nous négocie une plâtrée de “ makaronia ” pour le soir à la taverne du village. Où les habitants du cru ont d’ailleurs du mal à avaler notre histoire de monter sur les sommets à skis, “ avec toute cette neige”…Car la journée du lendemain s’annonce impitoyable : un doublé inédit des 2 sommets les plus mythiques du massif, Gamila (2497m) et Astraka. “ A la limite de la folie ” selon Yorgos, “ 2 ou 3 fois plus long que la veille ”, “ en partant à l’aube on finira la nuit ”, etc…
 
 
Mercredi 16/02, Ioannina                                                           Déniv : 2100
 


La manip du P-déj sur le réchaud dans la chambre est bien rodée et le cap est mis dés 7h00 sur Vradeto, un village perdu et “ un des plus hauts du pays ” dixit Yorgos. La neige apparaît en effet plus vite que d’habitude, la route dégagée se réduit rapidement à deux rigoles d’asphalte au milieu de la glace et un abandon stratégique du véhicule est décidé avant que cela ne tourne mal. Cela tombe bien, on est au point haut de la route à 1500m, ce qui éliminera tout portage et rendra la journée moins inhumaine que prévue. Le Gamila n’est plus que 1000m au dessus de nos têtes, de la rigolade, n’est-ce-pas…



2 heures plus tard, après une incalculable série de montées et de descentes dans un relief bien plus tourmenté qu’il n’y paraît, le tout saupoudré de quelques kms de plat (et il faudra faire tout cela dans l’autre sens…), le Gamila est presque toujours aussi loin à l’horizon. Tel Tantale ou Sysiphe, chaque fois qu’on pense enfin le toucher du doigt, une cuvette invisible jusque là vient s’interposer – quand ce n’est pas carrément une gorge profonde impropre à la pratique du ski…5 heures plus tard ( !), après une kyrielle de faux sommets et une forte consommation de sparadrap sur les pieds pour certains, l’équipe met enfin le pied sur cette cime revêche, sous un soleil grec mais un vent altaïen. Les nuages de la dégradation annoncée se profilent déjà sur les mystérieuses montagnes de l’Albanie à l’horizon…et personne n’espère devoir rechercher son chemin dans ce labyrinthe naturel à la boussole ou au GPS.



Raison de plus pour filer au plus vite sur le 2ème sommet au programme, le célèbre ( !) Astraka (2436m) ayant donné son nom au massif. Arquebouté sur ses convictions de nous laisser tenter seuls cet enchaînement inhumain pour nous  attendre à l’abri plus bas, l’orgueil viril et national de Yorgos ne peut supporter de voir nos 2 filles tenter elles-aussi ce pari diabolique…et il se met lui-aussi à recoller ses peaux d’un air résigné. “ Tu m’enverras des diapos comme preuve, personne ne me croira sinon ”. 





Cet Astraka sous le soleil se révèle finalement beaucoup plus digeste que son voisin, le vent glacial du sommet nous pousse quand même à enchaîner rapidement une superbe descente de dôme en cuvette jusqu’au fond de la gorge supérieure de Vicos. Et c’est reparti ! Repeautage, remontée sur une improbable vire neigeuse exposée ramenant comme par miracle (merci Yorgos) dans une Xème combe donnant enfin accès aux “ traces de montée ”. Il faut naturellement se retaper, mais en sens inverse, toute la montagne russe du matin.



La fatigue aidant, le nombre de petites bosses à traverser semble s’être multiplié comme les pains dans la Bible. Mais d’une part il faut, paraît-il, imaginer Sysiphe heureux ; d’autre part, la lumière somptueuse filtrant à travers des nuages noirs de plus en plus envahissants, l’ivresse endorphinique de 10 heures de crapahut, la fierté d’une première, le bonheur des derniers virages devant le minibus, la perspective d’une panse pleine et d’un hôtel douillet…c’est ce qu’on retiendra de cette journée hors du temps, la quintessence du ski sauvage en Méditerranée.





Soucieux de notre budget, Yorgos nous déniche pour le soir quelques places dans un centre d’hébergement pour rameurs d’élite ( !). Nous nous empressons de redilapider l’argent économisé dans une pizzeria locale guère inoubliable mais qu’est ce qui pourrait l’être au terme d’une pareille épopée ?

 
Jeudi 17/02, Promanda                                                                Déniv : 100…
 
Il y a des jours où le mauvais temps se supporte avec plus d’équanimité que d’autres. Les prévisions grecques – récupérées sur Internet via un copain de Yorgos – ne laissaient guère d’espoir et on se lève effectivement sous une vilaine petite pluie fine noyant les montagnes alentours dans la mélasse. Et ce n’est que le début ! La Méditerranée va une nouvelle fois montrer que ses colères météorologiques, pour être plutôt rares, sont par contre assez sérieuses. Alors que le baromètre entame une chute vertigineuse, la pluie se transforme en déluge rabattu à l’horizontale par les rafales et le tonnerre se fait même entendre, chose peu banale en février !

Entre la colère de Zeus, les jambes alourdies, les pieds endoloris et une certaine somnolence, la décision est vite prise : grasse matinée jusqu’à 8h00, raids de réapprovisionnement en vivres et en argent  (la Grèce pas chère appartient hélas au passé…) puis nettoyage des quelques sites touristiques voisins. Avant de monter dormir, pleins d’optimisme, au monastère désaffecté d’Agios Paraskevi au pied du Tzoumerka (2393m) que Yorgos a réussi à faire ouvrir par le pope via une longue chaîne de relations. Le confort spartiate n’y dépassera pas celui d’un refuge, mais que pèsent de viles contingences pratiques (ni chauffage, ni lumière…)  face à une expérience aussi unique ?

Alors que le goudron des routes disparaît parfois sous l’eau et les gravats, et qu’un peu de neige fondue vient lourdement s’aplatir sur le pare-brise de temps à autre, nous passons scrupuleusement en revue toutes les curiosités touristiques de la région, évidemment plutôt désertées dans ces conditions. On finirait presque par comprendre pourquoi tous les bon bouquins recommandent de venir en été ! Grottes de Perama : il faut aller réveiller la guide de service mais la ballade est assez spectaculaire, on est évidemment à l’abri, et les nombreuses marches permettent de faire quasiment une centaine de mètres de dénivelée…Théâtre antique de Dodoni : il pleut tellement fort que seuls Gilles et Laurent piquent un sprint aquatique pour un coup d’œil express, les autres se contentant de la photo ensoleillée du Lonely Planet au chaud dans la voiture. Musée de Cire de l’histoire grecque : les martyrs grecs ont le regard fier et l’œil d’airain, les bourreaux turcs ont vraiment une sale gueule…sachant que toutes les écoles du coin viennent en visite, la réconciliation des peuples n’est pas pour demain ! Même Yorgos, d’ordinaire si posé, démarre au ¼ de tour quand on le lance sur le sujet…



Excellent déjeuner de calamars au bord du lac à observer les rideaux de pluie, puis c’est le départ pour la montagne – pour laquelle une foi capable de déplacer ladite montagne semble requise…Objectif : la dorsale du Sud du Pinde, le village de Promanda, et le monastère abandonné d’Agios Paraskevi. Les routes de montagne noyées sous la pluie et le brouillard évoquent plus les films d’Angelopoulos que les dépliants touristiques mais depuis le confort de la voiture, cela aurait presque un certain charme. Sauf bien sûr pour la victime condamnée au volant , obligée de zigzaguer entre les pavasses venues joncher l’asphalte depuis les pentes délitées dominant la route…

Une exploration méthodique de tous les cafés du village permet de dénicher le pope qui nous accompagne au monastère. Sous la pluie glacée, l’endroit – certes plein de caractère – apparaît vraiment trop monacal au goût de la plupart : la tentation de l’hôtel voisin achève de nous faire lamentablement renoncer à l’expérience unique de vivre un bref instant le dur quotidien des moines du passé. Dont la force mentale compensait sans doute l’absence de lumière, de chauffage et de confort…ce qui n’est hélas plus notre cas. Nous prétextons d’imaginaires récriminations de la part des filles du groupe pour nous excuser auprès du pope qui se montre fort compréhensif.

L’hôtel de Promanda – dont il faut aussi chercher le fils du patron au café du coin – est vide depuis fort longtemps et la température ne doit pas y dépasser les 12°, mais attablés devant une plâtrée de pâtes au coin du feu alors que la neige commence à blanchir les alentours, plus personne ne regrette vraiment l’expérience monastique…


 
 
Vendredi 18/02, Promanda                                                          Déniv : 0…
 
L’hiver grec existe encore, nous l’avons rencontré : on se réveille ce matin dans un paysage enchanté par 20cm de neige fraîche. Avec déjà une vague appréhension quant au retour à Ioannina armés d’un véhicule chaussé de savons et sur des routes de montagne grecques au déneigement incertain…Une vague amélioration est annoncée pour l’après-midi, la matinée s’écoule studieusement en lecture et courrier au coin de la cheminée à regarder la neige tomber. Une vague trouée vers 13hs pousse les plus enragés à aller promener leurs skis dans la poudreuse tapissant la forêt voisine. Les plus stoïciens (c’est bien l’endroit pour !) s’arrachent de leur lecture  - “ Manosque des Plateaux ”, un Giono plein de soleil et d’oliviers pour ce qui me concerne - pour une petite promenade au village.



L’unique café ouvert en cette heure de sieste est tenu par une adorable mamie qui, au terme de la discussion sur les motifs de notre présence et après nous avoir convaincu que “ c’est mieux l’été ”, nous offre nos 3 cafés grecs. Yorgos, Laurent et moi partons ensuite tuer la fin d’après-midi par un repérage automobile d’une hypothétique ballade pour le lendemain. Miraculeusement, la route escarpée menant au nid d’aigle de Matsouki, un village perdu au dessus d’une gorge d’une étonnante sauvagerie, a vu le passage du chasse-neige. “ Plus vite que dans le Lubéron en décembre dernier ” fait remarquer Agnès ayant poussé son vélo dans la neige du côté d’Avignon il n’y a pas si longtemps…Il est vrai que le phénomène a l’air plutôt habituel par ici – “ jusque là, il y en avait l’an dernier ” m’avait expliqué la tavernière en portant la main à la hauteur de son épaule !



La digestion des makaronia-brizoles du soir est accélérée par quelques rasades de Tsepouri (le tord-boyaux local) et chacun part dormir dans l’espoir d’un grand soleil le lendemain, nourri par une persistante inflation barométrique. Kakarditsa, nous voilà !
 
 
Samedi 19/02, Ioannina                                                            Déniv : 1500
 
Ces prévisions météorologiques grecques se révèlent d’une précision à faire pâlir d’envie les soi-disant spécialistes de Chamonix ou de Zürich, et l’amélioration annoncée est bien à l’heure. Ce ne sont pas quelques suspectes volutes de neige sur les crêtes, synonymes  de vents furieux, qui entameront l’enthousiasme collectif bétonné par 2 jours de repos forcé. Même si la région paraît tout indiquée pour la pratique du détachement stoïcien, cette vertu n’est hélas présente qu’à dose homéopathique chez les drogués de la montagne. La route de Matsouki, déjà indigeste la veille, s’est recouverte par endroits d’une petite couche de verglas mal appréciée par notre savonnette sur roues.

Nous retrouvons à l’entrée du village Kostas I et Kostas II, 2 copains de Yorgos dont l’un m’avait servi de sésame pour obtenir des infos sur cette région à la faible fréquentation hivernale, et c’est un euphémisme…Le KostasTshtogiannhsen question, montagnard suractif dans sa jeunesse, semble avoir lui aussi succombé au syndrome infernal mariage-boulot-bedaine ayant déjà fait tant de victimes avant lui, et n’a plus bougé le petit doigt depuis 5 ans. On le verra du coup au départ, au retour et surtout au restaurant le soir…Sa femme casanière “ qui le retient ” est évidemment le coupable tout désigné aux yeux du groupe. “ Mais c’est une excuse facile ” selon Yorgos “ si ma copine essayait de me visser à la maison, je me serais barré depuis longtemps ” ;  “ et dire qu’il fut mon 1er maître en alpinisme, quel gâchis… ”, etc…Gardons nous bien d’entrer dans un débat aussi complexe !



La remontée skis aux pieds du village de Matsouki, sous le regard stupéfié des habitants, restera l’un des grands moments de folklore de la semaine. Une vieille mamie tente même de nous retenir dans son café “ bien chauffé ”, persuadée que nous allons irrémédiablement à notre perte en tentant ainsi de braver la montagne hivernale “ avec toute cette neige ”.

Il est vrai que l’ambiance de la montée n’évoque guère la Méditerranée. Certes la neige très abondante dés 1300m promet une belle chorégraphie de poudreuse à la descente. Mais un voile de nuages sournois vient rapidement envahir les lieux et un vent aigre se lève ; au moment où la visibilité tombe à 20m alors que la pente se redresse de manière menaçante pour se noyer dans le brouillard, une retraite stratégique est décidée. Contrairement aux convictions de Yorgos, la montagne grecque n’est pas vaccinée contre les avalanches et avec 40cm de fraîche bien ventée, les conditions sont tout à fait réunies pour trouver les ennuis si on les cherche un peu trop…



Les peaux sont à peine dans le sac qu’un miracle, comme seul le climat de Méditerranée sait en offrir, se produit : en 30 secondes et de façon guère explicable, le soleil revient, les nuages se volatilisent et la visibilité passe de 10m à 10 kms sous un insolent ciel bleu. Sans trop chercher à comprendre, chacun recolle ses peaux en silence et – le moral regonflé à bloc – cap est mis sur le Kakarditsa en remerciant Zeus. Mais comme dans tout bon récit mythologique, un but suprême impose aux héros une suite d’épreuves : nous sommes accueillis sur le plateau sommital par un vent hurlant et la traversée des grands dômes cornichés garnissant ledit plateau évoque davantage les images télévisées d’une quelconque ascension himalayenne que le ski en Méditerranée. Et moi qui avait promis à Agnès qu’on aurait “ beaucoup plus chaud ” que dans l’Altaï sibérien…



Les dernières pentes séparant l’antécime du sommet principal paraissent toutefois un peu trop suspectes à la majorité du groupe lequel se contente du Pt 2370 qu’il faut finir à pied et qui se montre déjà bien assez revêche à notre goût. On arriverait presque à se geler le visage, un comble aux portes de la Mer Ionienne. Les 2 plus enragés poursuivent jusqu’au sommet principal sûrs de leur fait. L’analyse du danger en montagne restera toujours empreint d’une grande subjectivité…Enfin tout le monde se retrouve sain et sauf au village après une fantastique descente en poudreuse sous un ciel ayant tourné au vinaigre aussi rapidement que le mouvement inverse quelques heures plus tôt.



Retour agrémenté par un crochet au spectaculaire ermitage troglodyte d’Agio Kirinas où un pope des plus accueillants ne nous laisse pas repartir sans une bouteille de vin de messe. Il serait même possible de dormir dans cet endroit magique “ par relations interposées ” (le grand-père de Yorgos est pope lui aussi) et en restant discrets (les hôteliers du coin luttent férocement contre cette forme de concurrence déloyale !). A retenir pour notre prochain passage à vélo dans la région…

La neige commence à tenir sur la route et François se fait quelques chaleurs au volant de notre veau sur patins mais tout le monde s’installe finalement dés 19h00 au sinistre hôtel de banlieue de Bizantio, le moins cher du coin (eh oui, les bourses sont vides) sous une pluie de style “ tropical froid ”. Soirée d’adieu à Yorgos et à Kostas à l’ “ Ithaque ”, un excellent restaurant au bord du lac, l’orgie de calamars et de tzatziki fait heureusement un peu oublier l’ambiance de ruche bruyante et enfumée caractéristique des établissements helléniques. Les zones non-fumeurs ont encore du chemin à faire pour s’imposer ici !
 
 
Dimanche 20/02, Berne
 
Eh oui, un retour glauque de plus…le retard du vol domestique sur Athènes nous fait un peu trembler pour la correspondance mais nous permet - involontairement - de rentrer à la maison les mains dans les poches, Swissair se chargeant de nous acheminer les bagages à Berne le lendemain soir. Mais nous rentrons finalement plus riches que nous étions partis, selon le merveilleux principe de l’automultiplication des rêves : 1 de réalisé, 2 de générés…Yorgos est prévenu : mars 200 ? : Olympe à skis/escalade aux Météores ; septembre 200 ? : Pinde à vélo/grandes parois de Grèce Centrale. Et un autre raid à skis serait même possible au sud du Péloponnèse, mais si, mais si…
 


Tourengänger: Bertrand


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