Tour du Luberon : vélo-camping familial dans les Préalpes provençales

Le Tour du Luberon est une semi-classique du cyclotourisme itinérant en Provence, qui allie paysages bucoliques, villages magnifiques et soleil quasi garanti, le tout sur un mix de pistes cyclables et de petites routes ou le trafic automobile n'est que rarement pénible. Il faut par contre apprécier le relief car même si on évolue jamais au delà de 550m, les montées et descentes se succèdent à un rythme incessant et le parcours totalise pas loin de 3000m de D+ en 235km : bref en famille cela s'adresse quand même à des enfants un peu motivés !

L'itinéraire est fléché dans les 2 sens, avec un balisage quasi irréprochable, le sens à l'envers des aiguilles d'une montre est conseillé malgré quelques cotes bien raides car il maximise les longues descentes en pente douce qui permettent d'avaler les kms sans freiner. Il est d'usage de démarrer à Cavaillon (à coté d'Avignon, donc sur la bordure occidentale du massif), mais partir de Manosque (de l'autre coté) évite de devoir emprunter la Vallée du Rhône en voiture pour se rendre au départ - elle est souvent aussi chroniquement bouchonnée que le Col du Gotthard...Il est par ailleurs très bien décrit ici.

Le massif du Luberon est situé un cran au sud du Mont Ventoux (lequel est souvent visible), il est de forme allongée et douce, souvent boisé, et culmine à 1125m au Mourre Nègre. L'itinéraire vélo en fait astucieusement le tour à l'écart des grands axes, on y trouve en gros 20% de pistes cyclables & routes fermées aux voitures, 60% de petites routes désertes et 20% de routes un peu plus fréquentées, mais jamais au point de devenir dangereuses même lors d'une période aussi fréquentée que le Pont de l'Ascension.

Le découpage des étapes ci-dessous permet de faire la boucle en 5 jours avec des campings tous les soirs et des kilométrages encore adaptés à des cyclotouristes épicuriens ou des enfants sportifs (en moyenne 55km / +600m par jour). Mais il est bien sûr possible de dormir à peu-près partout, le Luberon est l'une des régions les plus touristiques de Provence.

Sur le plan pratique, nous avons effectué le voyage en mode "3 générations" avec répartition des handicaps pour harmoniser l'allure : ma maman en voiture-balai, mon papa en E-bike, Cécile (16ans) et Arnaud (12 ans) sans bagages, Agnès avec 2 grosses sacoches et moi même avec 25kg de carriole à trainer...le défi logistique a consisté d'une part à retrouver ma mère pour les pauses de midi, d'autre part de se retrouver le matin sachant que nous étions 4 en mode camping et 2 en mode hotel - avec parfois plus de kms que prévus entre les deux (merci aux arnaques de booking.com !)


J1 : Manosque - Forcalquier (29k / +300m)

Les abords de Manosque, dans la plaine agricole de la Durance, n'ont pas un grand charme mais cela devient sympa à partir de Volx, la montée finale à Forcalquier par l'ancienne route est magnifique et très solitaire. Forcalquier a beaucoup de cachet, un centre piétonnier et plein de restos et glaciers sympas...Nuit à l'excellent camping Indigo à 10mn de marche du centre.


J2 : Forcalquier - Apt (54k / +550m)

Pour ceux qui n'en ont jamais assez comme moi, on peut commencer la journée par une jolie boucle en footing par le hameau de Truques avant de se mettre en selle. La suite commence en douceur par une longue descente avant une longue remontée un peu pénible (trafic modéré) jusqu'à St Michel l'Observatoire, situé juste en dessous du fameux Observatoire de Provence, l'un des plus grands d'Europe (se visite mais avec qques km de montée supplémentaire...). Il est ensuite conseillé de shunter la montée balisée par Aubenas pour retrouver l'itinéraire à Reillanne via le hameau de Lincel (juste 1km de grosse route mais en descente).

Pause de midi à l'idyllique Prieuré de Carluc, avec torrent et tables de pique-nique...la plus belle du séjour. On remonte ensuite sur les hauts de Cereste avant d'onduler pour retrouver la piste cyclable menant à Apt (en cas de mauvais temps, on peut d'ailleurs la suivre jusqu'à Cavaillon mais on se prive des plus beaux villages comme Bonnieux ou Oppède)

A Apt, dormi au camping des Cèdres, petit (réservation indispensable, même à vélo !) mais adorable et tout proche du centre. Il y a même un petit pan d'escalade (le coin est très fréquenté par les grimpeurs, la légendaire falaise de Buoux est juste au dessus). Ne pas manquer le célèbre marché provençal du samedi matin, connu loin à la ronde.


J3 : Apt - Cavaillon (52k / +620m)

Le conseil du jour en termes de footing matinal : le circuit du château de Tourettes qui permet de ramener les croissants à la famille sur le chemin du retour.

C'est l'étape "caviar" du circuit à travers certains des villages les plus chics du Luberon que les riches Parisiens ont le bon goût d'avoir élu comme lieu de résidence secondaire : rien à jeter, tout est beau, les vieilles pierres ont juste la bonne patine, les maisons sont retapées sans ostentation, les églises romanes ont la sobriété qui sied à l'endroit...Bonnieux est (avec Lourmarin coté sud) le St Paul de Vence du Luberon, Oppède a un charme fou (qui se mérite : c'est l'une des 2 cotes les plus terribles du circuit avec celle de Pierrevert juste avant la fin !), Lacoste et Ménerbe aussi...

L'arrivée à Cavaillon est moins sexy à travers un paysage périurbain d'exploitations agricoles (eh oui, les fameux melons...) sur des routes plus fréquentées. Le camping de la Durance est un peu excentré à 2k du centre, pas facile à trouver, on a pas mal tourné en rond...au contraire de la veille il était quasiment désert. Soirée endiablée dans les rues du centre à l'occasion du Corso (défilé de chars fleuris) après un diner roboratif dans l'excellent resto marocain "Oazar" face à la gare.


J4 : Cavaillon - Cucuron (49k / +700m)

Le réveil musculaire du matin (avec Agnès, pour une fois !) : un circuit exploratoire sur le Mont St Jacques, la petite colline juste au dessus de Cavaillon, dont certains recoins sont d'une étonnante tranquillité (on n'osera quand même pas parler de sauvagerie...).

Le RV du matin avec mon père sera la principale difficulté de la journée : l'itinéraire commun identifié sur Google Maps pour se retrouver passe en fait par une rue barrée d'un grand grillage, style "gated community" à l'américaine. Une occasion suppémentaire d'insulter Trump (qui là pourtant n'y est pour rien...). La suite  - sitôt sortis des même faubourgs sans intérêt que la veille - nous consolera rapidement avec une très belle petite route interdite aux voitures au pied des falaises dominant  la commune de Cheval  Blanc.

Pour le reste étape un peu en retrait par rapport à la veille, le soleil tape dur sur ce versant sud souvent dépourvu d'ombre à travers des patelins agricoles pas toujours très typés. La longue portion montante précédant Lourmarin est à nouveau plus accueillante avant de retrouver ce magnifique village évidemment envahi de touristes en ce dimanche. Les vélos permettent de s'approcher du vieux centre, dont les dernières voitures ont dû se garer à plus d'1 km...les ruelles sont équitablement partagées entre galeries d'art, échoppes d'artisananat et cafés aguicheurs.

Les derniers kms jusqu'à Cucuron empruntent à nouveau une route plus fréquentée, en montée qui plus est, mais là encore les petites râleries sont vite oubliées  : le village est un petit bijou, moins à la mode que son célèbre voisin, mais terriblement attachant. Les abords du grand bassin occupant le centre sont occupés ce soir là par une petite fête foraine bon enfant ou Arnaud fera évite la preuve de son adresse au tir pour gagner une petite toupie très en vogue chez les enfants aujourd'hui.

Le petit camping du soir, 1 km sous le village, n'est pas en reste, bucolique et familial avec un accueil adorable. Il est de surcroît déserté puisque le grand WE est achevé (nos enfants ont comme par hasard dû rater l'école du lundi pour cause de maladie, mais chuut).. Par contre la plupart des restos est du coup aussi fermée, le seul ouvert est plutôt du genre raffiné mais aux portions maigrelettes. Je ne sais pas ce qu'ils ont pensé quand on a ramené les restes du picnic de midi pour achever de se rassasier !


J5 : Cucuron - Manosque (53k / +800m)

Il est évidemment toujours tentant, quand on fait le tour d'un massif, d'en gravir aussi au passage le point culminant : ça tombe bien, Cucuron est juste au pied du Mourre Nègre (1125m), le plus haut sommet du Luberon. L'AR exige quand même près de 20km de distance et 800m de D+ et de D-, le réveil est donc mis à 5h pour un départ à la frontale. Bon évidemment je ferai moins le malin en manquant de m'endormir au volant le soir à 23h, mais c'est une autre histoire. C'est une belle ascension sur des pistes souvent roulantes qui se prête idéalement à la rando-trail. La vue porte de la vallée du Rhône aux Alpes en passant évidemment par le grand frère tout proche le Mont Ventoux.

De retour sur le vélo, ce sera au final l'étape la plus exigeante malgré le raccourci emprunté pour éviter le détour par Vitrolles .Cécile nous avouera être heureuse d'arriver (alors que moi je serai évidemment aussi triste que les pierres, mais j'ai l'habitude...) : il n'y a quasiment pas un mètre de plat, il faut encore plus chaud que la veille, le paysage n'est pas très marquant, moins de beaux villages que les jours passés - celui-que nous avions choisi pour la pause de midi (Beaumont de Pertuis) était de surcroît en travaux d'ou un X-ième rodéo d'appels croisés pour retrouver ma mère en voiture.

La partie Beaumont - Pierrevert est la partie la plus tranquille avant de retrouver l'agitation et le trafic des abords de Manosque. Comme toujours on a gardé le meilleur pour la fin : la montée de Pierrevert est la plus terrible des 230km, avec les 25kg de carriole aux fesses et les 20km du matin dans les jambes ce fut pour moi un beau combat de rue pour rester sur le vélo. Bravo à notre lapinou de 12 ans qui aura lui aussi fait 100% du circuit sans mettre pied à terre - ce qu'il faisait encore dès la moindre adversité l'an passé en Bavière. "Tricheur, grand-père" aura-t-il de temps à autre lancé à mon valeureux papa lorsque celui-ci augmentait d'un cran l'assistance électrique de son E-bike. Ben moi j'étais quand même fier aussi de mon papa, à voir si on fera la même chose dans 25 ans...

Météo : beau et de plus en plus chaud  durant tout le séjour, avec heureusement quelques nuages les 1ers jours

Participants : Agnès, Cécile, Arnaud et moi, mes parents

Accès : mission quasi impossible en TP avec vélos et carriole...6h de route de Berne à Manosque...quand tout va bien ! Nous avions fractionné le trajet en partant mercredi soir pour dormir à Grenoble - très laborieux jusqu'à la sortie de Genève (il faudrait en fait partir au plus tôt à 19h30), relativement tranquille ensuite. A nouveau 1/2h de perdue dans l'inévitable bouchon de Laragne le jeudi matin, la suite était à nouveau tranquille.