Cyclotourisme à travers la douce France profonde : grand tour du Nord-Morvan

Un beau circuit à vélo à la découverte de la Bourgogne secrète aux confins de la Cote d'Or, de l'Yonne et de la Nièvre...les cyclotouristes amoureux des petites routes bucoliques et allergiques aux voitures seront comblés, 4 jours durant on ne croise quasiment personne en dehors des  quelques agglomérations...Pour le reste toutes les cartes postales de la douce France profonde sont aux rendez-vous, villages endormis autour de leur vieille églises, fermes perdues, paturages verdoyants piquetés de vaches charolaises toute blanches, petites villes magnifiques  - et bien sûr la fameuse Basilique de Vézelay, le seul endroit ou il faudra accepter d'affronter la foule et les gros cons à motos.

J0 : mercredi 25/05, en voiture de Berne à Beaune

Pas de transport public digne de ce nom, nous affrontons donc les bouchons (45mn pour passer la frontière à Vallorbe à 18h30...et moi qui croyait que tout le monde partait vers le sud !)...bon rien à râler on en fait partie...nuit à l'excellent Hotel ibis de Beaune Centre, idéalement placé à l'entrée de la vieille ville. Littéralement prise d'assaut par les touristes en cette veille d'Ascension, malgré la profusion de brasseries aguicheuses on a presque eu du mal à trouver de la place pour manger ! Et ne pas compter faire des économies en se rabattant sur une pizzeria, l'endroit est rupin à souhait et on y entend autant d'anglais que de français !


J1 : jeudi 26/05, Pouilly - Avallon, 77km, +650m

1/2h de voiture suffisent pour se rendre à Pouilly où il est aisé de laisser un véhicule garé gratuitement plusieurs jours devant l'Hotel de la Poste ou au départ de la Voie Verte. Le ciel est un peu gris mais cela est vite oublié en retrouvant mes bons parents qui - pourtant plus tout jeunes - nous accompagneront les 4 jours sur ce grand circuit : mon père la plupart du temps sur son vélo électrique, et ma mère dans le rôle ingrat de la voiture balai...sachant qu'elle n'a pas encore percé tous les mystères du GPS de bord, certains rendez-vous donneront lieu à des conversations cocasses par téléphone interposé (scénario de base : "le GPS s'est arrêté, je suis sur un parking inconnu, qu'est-ce que je dois faire ?"...mais il a connu de multiples déclinaisons !).


Epoisses, l'odeur en moins

D'emblée le parcours tracé (cf GPX annexé) avec l'aide de l'excellent site geovelo.fr s'avère des plus judicieux : à de rares exceptions près nous pédalerons 4 jours durant sur des petites routes résolument désertes telles qu'on les connait de moins en moins en Suisse, fièrement autoproclamée "pays du vélo" mais où on rencontre surtout de plus en plus de voitures en dépit de tous les discours écologiques. Pour le reste le parcours de cette 1ère matinée n'est pas toujours bien spectaculaire, avec quand même une mention spéciale pour la pause de midi à Epoisses : village célèbre pour son fromage odorant (pour rester poli...) mais où l'on trouve aussi un magnifique manoir en plein centre - ainsi qu'une aire de pique-nique arborée juste à l'entrée SE de ce gros hameau.


Entre Epoisses et Avallon

L'arrivée sur Avallon est par contre de toute beauté par la splendide Vallée du Cousin, un petit torrent romantique encerclant la ville d'Avallon par un méandre encaissé évoquant un peu Berne ou Fribourg (enfin toutes proportions gardées, hein !). Le soleil de retour, la route minuscule longeant le cours d'eau est un pur bonheur de cyclotouriste. Et la cote brutale pour s'en extraire et gagner la citadelle permet de s'ouvrir l'appétit. Avallon n'est pas bien grande mais a bien du charme - et uen tranquillité étonnante en ce Pont de l'Ascension.


Avallon, la belle endormie

Nuit au délicieux Cité Hotel Vauban sis au milieu d'un parc à 2 pas de la vieille ville. Toute petite mais pleine de charme, y compris gastronomique (excellent diner dehors à l'Auberge de l'horloge). Ce qui est à vrai dire plutôt usuel en Bourgogne, région qu'on placera aisément dans le top 3 français aux coté de l'Alsace et du Sud-Ouest...


Vallée du Cousin


J2 : vendredi 27/05, Avallon-Vézelay-Clamecy, 52km, +580m

J'attaque la journée à l'aube en mode trailrunning par une découverte des alentours , en particulier de la vallée inférieure du Cousin au delà de la route de la veille. On est en en Bourgogne et je n'attend pas de difficulté particulière mais il me faudra au final plus d'1h15 pour un malheureux parcours de 10km, le sentier des bords du torrent ayant presque de petits airs tessinois avec sa végétation luxuriante, ses sentiers étroits et défoncés, ses cailloux et ses racines...il y a même quelques passages chainés !

Le RV de midi est donné dans la somptueuse citadelle de Vézelay inscrite au Patrimoine de l'Unesco à l'époque ou cette appellation avait encore un sens. Pas de bol le ciel est gris toute la journée malgré les 5h de soleil encore promis la veille par MétéoBlue. Ce sera le seul endroit de 4 jours ou il faudra affronter la foule, des bagnoles partout se battant pour happer les dernières places, des hordes de gros cons faisant rugir leurs motos, des restaus pleins dès midi...même les boulangeries sont dévalisées dès 14h...La basilique est il est vrai de toute beauté, on reviendra la voir plus tranquillement un autre jour que le WE de l'Ascension !


Vézelay, la basilique

L'après-midi commence par un vrai sketch de Pieds Nickelés : à peine le GPS réglé sur l'étape suivante que ma mère prend le large en voiture avec ma bénédiction ("démarre vite avant qu'il ne s'éteigne")...sauf que la batterie du vélo de mon père est resté dans le coffre ! Bien sûr le portable ne répond pas même au bout de 10 messages, ce serait trop simple. On hésite à repartir sans batterie mais mon vénérable père, certes valeureux, a quand-même bientôt 83 ans et la Bourgogne est vallonée...On avertira finalement ma cousine Pascale, chez qui on dinait le soir-même non loin de là, pour qu'elle ramène sa mamie à Vézelay ! Pour les cyclistes du groupe, le trajet Vézelay - Clamecy est une pure merveille à travers les paysages riants des confins de l'Yonne et de la Nièvre, c'est la France profonde des cartes postales qu'on arpenterait à vélo à l'infini sans jamais se lasser.

Retrouvailles familiales pour diner tous ensemble dans le beau village de Brèves, patrie de Romain Rolland; c'est aussi pour moi l'occasion de revoir ma vieille marraine qui se remet courageusement de deux (!) fractures aux fémurs, le droit et le gauche. Comme les genoux d'Agnès, si on veut...Pas d'hotel au voisinage et la maison est trop petite pour y camper tous, nous rejoignons donc Clamecy à la nuit tombante par la très belle voie verte du Canal du Nivernais, encore plus romantique au crépuscule. Nuit à l'Hotel de la Poste, charmant excepté son patron qui ne manque pas de nous faire remarquer que "22h30 ce n'est pas une heure pour arriver à vélo". En voilà un qui a du apprendre son métier en Suisse allemande !


Canal du Nivernais au crépuscule


J3 : samedi 28/05, Clamecy - Lac de St Agnan, 70km, +1300m

C'est la grande étape de montagne (sic) à travers le nord du Morvan, où nous dépasserons même les 600m d'altitude (!). Le charme est cette fois-ci plus paysager que culturel, c'est donc une chance d'avoir la plus belle des 4 journées aujourd'hui : pas un nuage et une lumière magnifique apportée par la bise de nord-est...par contre on continue du coup à avoir le vent de face puisque celui-ci a tourné en même temps que nous (grrr...). Tout le début de l'étape est commune avec la veille, mais c'est bien connu qu'en sens inverse tout change, à fortiori quand une soleil étincelant a remplacé un ciel tout gris...


Canal du Nivernais


Canal du Nivernais

Comme le point de RV de midi (une aire de pique-nique perdue dont on espère qu'elle n'existe pas seulement sur la carte...) est un peu compliqué à atteindre, mon père se sacrifie pour accompagner  maman en voiture sitôt quitté la Voie Verte du Canal du Nivernais. Faut dire qu'entre les aventures du GPS et la batterie embarquée la veille par mégarde notre mamie est un peu stressée. Même sans pédaler, pas sûr que toutes les grand-mères de 80 ans feraient ce qu'elle fait pour nous ! Refaire cette belle voie verte tous ensemble jusqu'à Brèves est un pur bonheur - ne manque que Cécile retenue par ses révisions d'examen. La suite est bien plus musclée sur des petites routes toujours aussi désertes et pittoresques mais parfois bien raides - mention spéciale à la remontée finale à Chastellux sur Cure qui prend parfois des petits airs d'Alpe d'Huez la foule en moins...Le célèbre chateau n'ouvre que l'été mais l'aire de repos existe bien, une belle table sous les arbres à l'abri du vent - merci l'IGN dont les cartes n'ont finalement pas grand chose à envier à Swisstopo.


Charolaises, l'animal emblèmatique du Morvan

Changement d'équipe pour l'après-midi, Agnès remonte dans la voiture, son genou fraichement opéré ayant commencé à montrer des signes de fatigue. Et mon valeureux père reprend du service jusqu'au Lac de St Agnan qui n'est désormais plus bien loin. Le cadre est enchanteur avec une alternance de forêts et de prairies fleuries entourant un grand plan d'eau tout bleu. Nuit dans la chambre familiale de la délicieuse Vieille Auberge du Lac dans le petit hameau paisible de St Agnan. Rien à voir avec la veille, l'établissement a été repris par une bande de jeunes adorables, et pour une fois on est presque heureux de voir que c'est plein - même s'il faut du coup rester plus de 2h à table pour savourer un excellent diner pas vegan pour un sou...


Lac de St Agnan


La Vieille Auberge du Lac. Tout est clair ?


J4 : dimanche 29/05, Lac de St Agnan - Pouilly en auxois, 78km, +700m


Lac de St Agnan

C'est déjà le dernier jour avec son cortège de mélancolie et de regrets, mais pas d'illusion ce serait la même chose au bout de 4 semaines, 4 mois ou pire si affinités. Il faut donc relire Epicure et accepter qu'on ne peut jamais être toujours heureux sans l'être parfois beaucoup moins voire pas du tout...Je pars méditer là-dessus en courant autour du lac de bon matin, seul en compagnie des quelques pécheurs qui partagent avec les montagnards l'amour des réveils précoces. Le sentier est parfaitement aménagé, la distance est idéale (9km), bref un incontournable de la région  - et on n'est pas obligé de courir !

Pour le reste peu de changements par rapport aux jours précédents, les petites routes dénichées grâce à l'excellent site geovelo.fr sont toujours aussi tranquilles, villages, paturages et charolaises se succèdent sans fin à travers les douces collines, la France profonde a de la ressource...nous avons le plaisir de découvrir Saulieu où mon grand-père paternel avait occupé son 1er poste d'enseignant pendant l'entre deux-guerres. Vu la profusion de distractions (sic), on peut imaginer qu'il avait du temps pour préparer ses cours !


Saulieu

Pause de midi à Mont St Jean qui vaut le détour pour son joli chateau perché - ce qui permet aussi de remettre une pièce dans le compteur de dénivelé. Le ciel est presque dégagé mais la journée est frisquette, on apprécie donc de s'asseoir protégés de la bise sur les marches de la mairie dont la pierre blanche reflète le soleil et réchauffe l'atmosphère. L'endroit a bien du charme et pourtant nous n'y croiserons quasiment personne 1 heure durant un dimanche de l'Ascension...mais ou sont les autres vacanciers ? Tous massés dans le sud ? Ou déjà repartis en Thailande ?


Un grand-père encore sacrément fringant !


Lapinou le sera t'il autant dans 60 ans ? 

On retrouve sur la fin du parcours la Voie Verte par laquelle on avait entamé le circuit 3 jours plus tôt, avec comme toujours ce sentiment étrange d'être parti la veille tout en ayant vécu une éternité depuis. Le patron de l'auberge où nous boirons un pot d'adieu nous ramène à la dure réalité économique de la restauration aujourd'hui - il est obligé de fermer le soir faute de personnel (!) alors que l'autre restaurant du village doit du coup refuser du monde...il est aussi patron du vélo-club local et on a donc de quoi bavarder histoire de retarder le moment de la séparation. Pour lui il n'y a pas photo, Pouilly en Auxois est presque le centre du monde au même titre que la gare de Perpignan pour Dali : "on est proche de tout et la région est LE paradis du vélo" - proche de tout c'est assez relatif quand on vient de Berne mais pour ce qui est du cyclotourisme nous sommes désormais convaincus !


C'est quand qu'on remet ça ?