Traversée de la chaine du Simien et ascension du Ras Dashan (4620m) - 2ème partie


Publiziert von Bertrand , 4. März 2009 um 09:33.

Region: Welt » Äthiopien
Tour Datum: 1 Januar 2009
Wegpunkte:
Geo-Tags: ETH 

Suite et fin du récit de voyage entamé dans la 1ère partie (www.hikr.org/tour/post11969.html)

 
Mekarebya (1900m), 29/12                                                                     13km / +170m
 
Gorge en feu, mauvaise nuit malgré le Temesta, peut-être le stress inconscient du précipice voisin de la tente, de surcroît en légère pente comme chaque soir (et bien sur en direction de la falaise…). Les petits-déj se suivent et se ressemblent aussi, toujours nourrissants (pain perdu & porridge cette fois-ci), toujours tièdes comme le reste, toujours en retard (enfin c’est nous qui arrivons en retard !). La menace d’un nouveau sandwich rance et huileux dans le pack-lunch de midi fait que chacun mange désormais de bon appétit.
 
La matinée est occupée par la descente la plus longue et la plus terrible du circuit : 1200m de dénivelé sur un sentier escarpé et caillouteux avec toujours cette terre dure recouverte de poussière où même nos semelles hi-tech dérapent avec une consternante régularité. Là encore nos guides ont sûrement vu des farandjs plus dégourdis, l’ensemble nous prend plus de 3h30…Cécile fait bravement la 1ère moitié à pied, puis décide de remonter sur Boullah…avant de passer rapidement sur Melese qui se révèle bien plus performant qu’une mule pour porter une charge dans ce style de terrain. 27 kg, rappelons-le. D’un seul bras, bien sûr. En petites foulées de préférence. Et sans la moindre glissade évidemment. Sous le regard ébahis de ces « montagnards suisses » qui même arque boutés sur leur bâtons pour descendre pas à pas se retrouvent régulièrement les fesses dans la poussière.
 
La récompense est à la hauteur de la purge : pause de midi mémorable au bord d’un beau torrent dans un cadre magnifiquement encaissé, végétation presque luxuriante et grandes parois, vasques arrondies et petites cascades. Nous sommes à 1800m, autrement dit presque aussi bas qu’il est possible de descendre en Ethiopie centrale, et l’eau est donc presque tiède (selon mon père…disons un peu moins glaciale !). C’est le 1er décrassage généralisé depuis le départ 1 semaine plus tôt (enfin le 1er pour les irréductibles ayant refusé les ruisseaux glacés à 3500m) ; décrassage est bien le mot, la couche de saleté agglomérée sur nos jambes est vraiment impressionnante. Le pire c’est que nous ferons la même constatation à l’hôtel d’Axum à peine 2 jours plus tard. Le Simien n’est vraiment pas recommandé aux obsédés de l’hygiène.
 
Notre présence n’a pas échappé aux résidents du voisinage, et sitôt le pique-nique avalé nous avons devant nous une exposition d’artisanat local en libre-service et une cérémonie du café. Ce rituel est un incontournable du pays, le café vert est successivement torréfié sur les braises, moulu au pilon, servi brûlant en décoction sucrée, puis resservi encore une 2ème et une 3ème fois. Comme pour le thé berbère ou touareg, il est bien sûr d’une grossièreté sans nom de prendre congé avant la 3ème tasse. Nous nous léchons les babines pendant que Cécile achève ses emplettes, 3 colifichets ensuite durement marchandés par Melese (plus efficace que mes tentatives en amharique, je dois hélas le reconnaître…).
 
2 petites heures de marche relax entre champs de tef - la céréale de l’Indjerah, plus belle en épis dorés qu’en crêpes marron, il faut bien l’avouer - et de sorgho nous amènent finalement au milieu de la place principale de Mekarebya. Enfin plus précisément d’un hameau voisin dont j’ai oublié le nom. Les tentes sont installées pour l’avant dernière fois…en pente évidemment. Les seuls coins plats sont comme toujours trustés par le petit groupe d’Anglais qui voyage au même rythme que nous. Ils ne sont que 4, mais leurs muletiers sont toujours d’une diabolique efficacité pour arriver les 1ers et squatter les rares belles places. Les autres farandj ont fait ½ tour à Ambiko et l’ambiance est quand même désormais assez tranquille. Et puis il suffit de mettre la tête en haut pour mieux dormir quand on est enrhumé, c’est bien connu !
 
Le crépuscule venu, la plongée dans la culture locale s’intensifie : Cécile est invitée par une petite fille dans la maison de ses parents, nous la découvrons assise dans une pièce sombre avec une belle assiette d’Indjerah sur les genoux et une moue dubitative. Le reste de la famille Semelet est aussitôt convié à se joindre aux festivités. Nous échappons à l’Indjerah prétextant le dîner imminent, mais pas moyen de se soustraire à la « talla », une sorte de moût fermenté à base de céréales au goût très prononcé…cette bière artisanale constitue une boisson classique dans un pays où l’eau potable est rare et où les indigènes ne connaissent guère le Micropur. Mon bon père qui fut aussi brasseur n’est pourtant pas convaincu de l’innocuité du bouillon sur les fragiles tubes digestifs des Européens et prédit au minimum un fort effet déconstipant…enfin impossible de faire marche arrière, les verres sont donc vidés à petites doses avec force grimaces suivies de sourires compulsifs. Je m’apprête à rassembler mes rudiments d’amharique pour témoigner de notre satisfaction avant de me raviser devant la perspective de se faire resservir. La talla est suivie de l’incontournable cérémonie du café, 3 tasses ou rien, au moins ça rince la bouche…je ne sais pas si on sera malades ou insomniaques cette nuit, peut-être les 2…
 
Nous remercions par un petit pull rouge offert par Cécile à sa copine du jour, la petite Magadesh, qui l’enfile aussitôt avec délectation pour ne plus le quitter. Son père est instituteur ici, son anglais basique et mon amharique encore plus basique permettent une ébauche de dialogue, c’est ainsi que nous apprenons - entres autres - qu’ils sont lui et ses collègues à 8 pour enseigner à 600 enfants. Une intense phase de préparation de mon vocabulaire local me permet de tous les remercier de leur accueil en leur souhaitant une bonne nuit, nous quittons la maison pour rejoindre le dîner sous une salve d’applaudissements. Ce petit moment de bonheur a justifié pour moi à lui seul les dizaines d’heures passées avant le départ à essayer d’ingurgiter les bases de cette langue compliquée. Pour ceux qui seraient tentés de faire pareil, passé la principale difficulté qui est celle de trouver une méthode, il s’agit d’une langue sémitique aux conjugaisons particulièrement revêches. Sémitique certes, mais que les arabophones ne se réjouissent pas trop vite, la proximité avec l’arabe est à peu près la même qu’entre le Français et le Russe (qui sont toutes deux des langues indo-européennes après tout…). « La t’iru migib igzer yistllin, ahun dahna idarun… » a en tous cas suffi à sceller la sympathie naturelle de la famille à notre égard.
 
On a échappé à l’Indjerah chez les parents de Magadesh, mais ce n’était que partie remise, c’est le menu du soir dans la tente mess. Bon c’est vrai qu’on les avait tannés pour en avoir histoire de goûter aux spécialités locales et de ne pas toujours manger idiot. Le cuisinier nous en a préparé de la « spéciale gringos » à la saveur la plus neutre possible, par contre il a pimenté à fond la sauce au poulet qui va avec, sans doute afin de rééquilibrer les arômes… « de quoi tuer les parasites de la talla » dira mon père pour se consoler ! Pendant que chacun tente d’apaiser l’incendie dans sa bouche, Cécile et sa petite copine dansent une sarabande endiablée autour du camp, chacune une frontale en main dans une nuit d’une noirceur absolue comme on n’en fait plus qu’en Afrique. Elle lui fait même visiter notre tente. Notre poussinette est inconsolable quand les parents de Magadesh viennent récupérer leur petite pour la mettre au lit. Pour un peu, elle lui offrirait tout notre stock résiduel de vêtements, peluches et chocolats !
 
Après avoir programmé le GPS en cas de sortie nocturne aux toilettes (qui sont à près de 100 mètres du camp…), nous filons dormir sur le coups de 21h. Encore une nuit agitée avec cette grosse crêve qui s’aggrave malgré une dose massive de chimie médicamenteuse.
 
 
Mullit (1975m), 30/12                                                                                13km / +800m
 
Toujours un mal de gorge carabiné doublé d’un nez bouché et d’un ventre un peu chahuté par les piments (ou la talla…) de la veille. Le parcours n’est de surcroît pas des plus excitants - mais c’est vrai qu’on est devenus exigeants : descente poussiéreuse le long du torrent, dont on suit ensuite le lit en marchant à travers de gros galets tort-pattes, puis remontée sous une chaleur de plomb au dernier col du séjour. La montagne a été presque intégralement déboisée pour tenter de faire pousser quelques céréales au milieu d’une terre désormais desséchée et érodée. Seuls quelques rares figuiers géants, perdus au milieu d’une steppe de buissons épineux, témoignent encore de ce que devait être une large partie de cette vallée il n’y a pas si longtemps. Melese nous explique qu’à l’époque de Mengistu couper un seul arbre était aussitôt puni d’une exécution en place publique pour l’exemple. La mesure était apparemment d’une extraordinaire efficacité et les forêts d’une rare beauté. Au vu de la tristesse du paysage aujourd’hui, nous commençons a reconsidérer notre opinion du Negus Rouge que l’Histoire a peut-être jugé un peu rapidement…
 
Le seul grand moment de l’étape sera un nouveau bain au milieu d’une vasque naturelle formé par un petit torrent. L’eau est presque baignable, même pour moi, c’est tout dire. Le camp du soir sera le dernier spectacle du circuit, un village de paille aux habitants discrets au pied de grandes tours rocheuses dont un monolithe parfait dressé vers le ciel, à la forme éminemment suggestive. Une sorte de fuseau, en quelque sorte. Vous pensiez à autre chose ? Jamais gravi en tous cas, semble-t-il…Les gens du coin ont vraiment d’autres chats à fouetter il est vrai.
 
Cécile a bien marché mais trouve encore l’énergie pour gérer la distribution finale des derniers jouets et chocolats aux enfants du voisinage, en nombre restreint pour une fois (juste une grosse vingtaine), ce qui évite les habituels débuts d’émeute. Les grands, pendant ce temps, se sont réunis en grand concile autour de la table du goûter pour attaquer l’épineux problème des pourboires : la hiérarchie est toujours complexe et amène à se poser des questions aussi existentielles que de savoir si un aide cuisinier doit toucher plus ou moins qu’un ranger, si un muletier gagne 2 fois ou 5 fois moins que le chef cuisinier, etc…Sans parler de l’inextricable problème de répartir le tout en petites coupures…ou de refiler le bébé au guide en chef en lui demandant de faire la répartition…et en pariant sur son honnêteté…bref le dîner est déjà servi quand nos 13 petites enveloppes sont enfin posées sur la table. Melese a refusé de nous donner le moindre tuyau en expliquant que « ce n’est pas obligatoire », que « ça change beaucoup d’un groupe à l’autre » et qu’il n’y a donc « aucune règle établie ». Il reviendra à la charge un peu tard en nous expliquant que pour finir ce qu’on a préparé est insuffisant…car largement inférieur au groupe d’Anglais d’à coté ! Ce sera la seule fausse note du séjour. Inutile de dire qu’il était exclu de repasser ½ journée pour refaire les enveloppes !
 
C’est ensuite l’incontournable soirée d’adieu avec l’incontournable feu de camp et les incontournables danses indigènes. Les hommes du groupe montrent vigueur et souplesse pour sauter au dessus du feu avec presque le même entrain que nos amis éthiopiens. Sauf moi, bien sûr. Peut-être suis-je un peu trop blasé au bout du Xième trek, peut-être est-ce la mélancolie de la fin prochaine…ou peut-être tout simplement que je n’aime toujours pas danser !
 
Ah oui, j’allais oublier : nos portables refonctionnent à nouveau timidement après 1 semaine de silence radio, et on réussit enfin à donner de nos nouvelles. Non, nous n’avons pas été enlevés par des autochtones affamés. Oui, Cécile est en pleine forme. L’hiver est rude en Suisse et même à Paris, paraît-il. Nous à 2000m on ne réussit même pas à garder nos sacs de couchage !
 
 
Axum (2130m), 31/12                                                                               6km / -450m
 
Réveil de nuit ce matin, le 1er des vacances si on excepte la journée au Ras Dashan qui ne concernait que les 3 plus enragés. « Quelles vacances ? » penseront certains tout bas…on ne s’est jamais levés après 7h du matin ! L’objectif est simplement de ne pas démarrer trop tard les 6 heures de piste qui nous mèneront à Axum dès la fin de la randonnée. Il faut en particulier passer au fond de la célèbre gorge de Takazze à moins de 900m où nous est promis une terrible fournaise si nous y arrivons trop tard…
 
Dernière distribution d’habits aux porteurs, 2h30 de marche tranquille avec dans le dos les reliefs grandioses du Simien qui s’éloignent, puis c’est le brutal choc du retour à la civilisation en retrouvant la piste à Adi Arkay. C’est cradingue, poussiéreux et surpeuplé comme prévu, mais on y trouve quelques échoppes et un vrai bar servant de vraies boissons presque fraîches, ce qui adoucit un peu la nostalgie. Le véhicule promis est bien là. Avec un chauffeur et son assistant vire baptisé « graisseur ». Le 1er charge les bagages sur le toit pendant que le second trifouille de façon inquiétante sous le moteur avec quelques outils rudimentaires. La discussion est vive entre les 2, mais c’est du Tigrinya et plus de l’Amharique, du coup impossible de savoir ce qui se trame. Je rigole, bien sûr. Le débat porte sans doute sur le nombre de kilomètres estimés avant que le minibus ne rende l’âme définitivement. Si les pneus lisses n’ont pas explosé avant…
 
2 constats dès le départ : même en cas d’implosion de la mécanique on devrait s’en tirer sans trop de dégâts car on ne dépasse quasiment jamais le 30 km/h. On comprend du coup comment il sera effectivement possible de mettre près de 7h pour parcourir les 180 km qui nous séparent d’Axum, alors que la piste n’est en fait pas plus défoncée que la moyenne. Le relief est il est vrai incroyablement torturé. Les pointes à plus de 40 km/h en descente sont rapidement compensées par des remontées en lacets où un cycliste entraîné nous suivrait sans trop de peine. Je rassemble toute ma science d’amharique pour expliquer au chauffeur (qui ne parle évidemment pas un traître mot d’anglais) que Haile Gebrselassié, le dieu vivant du marathon éthiopien, nous dépasserait lui aussi sans mal. Pas sûr qu’il apprécie mon humour. Ou alors j’ai raté une conjugaison et il n’a rien compris…
 
Pour tout arranger, son bonus est sûrement lié à un budget gasoil limité car il conduit systématiquement en sous-régime, toujours à la limite de caler. A défaut de cycliste (rare ici) ou de Haile Gebrselassié (qui s’entraine sagement sur les belles pistes en tartan européennes), nous sommes doublés régulièrement par des bus locaux surchargés dans un nuage de poussière et un concert de klaxon…Sinon les Gorges de Takazze sont vraiment spectaculaires, la route plonge en lacets serrés sur plus de 800m au fond d’une vallée suffocante et desséchée pour remonter à l’identique en face. Chapeau aux troupes de Mussolini pour cet extraordinaire ouvrage d’art. Comme pour Mengistu, nous allons commencer à réviser notre jugement…
 
4 heures de cahots et de poussière plus loin, nous sommes déposés devant ce qui est sans doute le meilleur restaurant du bourg de Shire. Poussiéreux et cradingue, lui aussi. Indjerah bien acide, mouton (ou chèvre) bien pimenté(e) et salade de fruit liliputienne, personne n’est tenté d’abuser ce qui évitera d’être malade pendant les 2 heures restantes de secousses. Le goudron n’apparaît en effet qu’à l’entrée d’Axum, juste à la hauteur du panneau « Historical City - Unesco World Heritage ». Par contre la fin du trajet apporte son lot de nouveautés : des chameaux apparaissent de temps à autre au bord des champs ; encore plus exotique, des chars en ruine décorent régulièrement les bas-cotés. Les débats vont bon train dans le minibus, car l’énigme est assez complexe. Ceux qui portent des inscriptions cyrilliques sont faciles à dater de la guerre civile ayant abouti à chasser Mengistu, grand copain de Brejnev. Les autres semblent dater du retrait italien de 1941…mais la dernière guerre contre l’Erythrée toute proche a aussi ses partisans. Notre graisseur n’a pas l’air beaucoup plus au courant que nous. Ou alors j’ai encore raté une conjugaison en posant la question…
 
A peine résolue la question des chars qu’une nouvelle énigme se présente. La piste fait soudainement l’objet de grands travaux d’infrastructure : construction de ponts, élargissement et ballastage de la chaussée, des pelleteuses partout, des équipes de géomètres…qui peut bien souhaiter aménager une autoroute entre Shire et Axum ? En y regardant de plus près, on aperçoit quelques idéogrammes sur les bulldozers. Et en y regardant d’encore plus près, la plupart des contremaîtres ont la peau claire et les yeux bridés (ceux qui triment sont évidemment noirs). Ne cherchez plus : il s’agit simplement d’un exemple supplémentaire de la colonisation économique en cours du continent africain par les Chinois. N’importe quelle revue économique un peu sérieuse vous aura expliqué ça. Les accords sont passés dans les hautes sphères du pouvoir, mais le troc est en général assez basique : « je te prends tes matières premières autant que j’en veux et je te construis des routes. Enfin les routes d’accès à mes mines, dans un 1er temps. Pour l’école ou l’hôpital on verra plus tard, Coco, si tu es sage…». Quoiqu’il en soit, nos 2 acolytes à bord ne peuvent se retenir de pouffer de rire devant chaque équipe au travail : « Ces faces de citron ne parlent ni amharique ni même anglais. Tu imagines le bordel… ». Enfin je caricature un peu, c’est peut-être le chauffeur qui a raté une conjugaison, après tout traduire de son Tigrinya natal en Amharique n’est pas non plus si facile…
 
8 heures après le départ d’Adi Arkay, nous prenons enfin nos quartiers à l’Hôtel Exodus d’Axum. Nomen est omen, une nouvelle fois…Allure récente, façade clinquante, accueil sympa, popcorn, encens et café dans le hall, chambres spacieuses…le bonheur ! Mais c’est une fois de plus lorsque l’on couche avec la mariée qu’on découvre ses dessous malpropres, comme dit le proverbe. La chasse d’eau ne fonctionne évidemment pas…un seau est vite apporté, mais le débit d’eau est tellement homéopathique qu’il faut 10 minutes pour le remplir. Donc pour une douche, autant s’armer de patience : avec notre état de saleté, c’est une soirée entière qui serait nécessaire. Il n’y a de toutes façons pas d’eau chaude. En fait nous découvrons vite pourquoi alors que la nuit tombe : il n’y a pas non plus de courant. Après le seau, le même employé remonte donc avec une bougie. La panne de courant est en fait générale sur toute la ville. « Mais le courant reviendra à 19h » nous affirme-t-il avec aplomb. A 19h pas de lumière bien sûr. La perspective d’une douche froide avec un filet d’eau éclairé à la frontale ne nous motive guère et le décrassage est remis au lendemain.
 
Nous descendons donc dîner aux chandelles encore couverts de la poussière du Simien. Beidassa joint au téléphone nous explique que le courant est en fait coupé depuis 48 heures ( !) jusqu’à Gondar ( !!) sans aucun délai de rétablissement. Encore un coup des Erythréens qui ont sûrement bloqué au port de Massawa - l’Ethiopie n’a aujourd’hui plus aucun débouché maritime - les livraisons de charbon pour les centrales…non là c’est moi qui invente ! Le dîner met 2 heures à arriver tiède, mais ils ont une excuse en or et personne n’ose râler. En plus c’est presque bon et le pain blanc a remplacé l’Indjerah. Notre guide touristique vient se présenter après le repas, il porte le nom du Négus (Haile Selassié) ce qui augure bien de la suite. Le RV est pris le lendemain à 8h du matin pour découvrir les légendaires stèles d’Axum. Au moins quelque chose qui fonctionne ! Inutile de dire qu’on se souhaitera la bonne année au petit déjeuner…
 
 
Axum (2130m), 01/01/2009                                                                               
 
La lumière revient brutalement dans la chambre un peu avant minuit. La magie du Nouvel An sans doute…même pas puisque le calendrier copte orthodoxe a 2 semaines de retard (ou c’est le nôtre qui a 2 semaines d’avance, c’est comme on veut). 1er petit déjeuner 2009 au rythme africain (1ère commande à 7h15, dernier café servi à 8h45). C’est ensuite la visite au pas de charge de tous les sites historiques d’Axum sous un soleil de plus en plus cognant. Notre guide – ancien archéologue et l’un des rares Ethiopiens à arborer une petite bedaine – possède un anglais à peu près intelligible, une connaissance encyclopédique des lieux mais pas beaucoup de hauteur de vue. Au 4ème site, on commence sérieusement à bailler comme Cécile en essayant de reconstituer la chronologie embrouillée de la Reine de Saba, du Roi Menelik, des dynasties diverses, des anachronismes permanents entre l’âge établi des monuments et l’époque des souverains légendaires supposés y avoir vécu. 15 siècles d’écart, par exemple, entre la vie de cette mythique reine et l’impitoyable datation au Carbone 14 de son palais. Un mystérieux tunnel de 220 km reliant Axum à la Mer Rouge à l’époque glorieuse du Royaume nous est également vanté avec aplomb par Haile mais reste tristement absent de tous nos guides. Enfin il est doux de rêver.
 
Ce qui est tout de même établi, c’est que la grande stèle d’Axum (34 mètres et 250 tonnes) est apparemment la plus lourde statue en un seul bloc que l’humanité n’ait jamais cherchée à ériger. Seulement « cherché » car elle s’est écroulée en cours de manoeuvre et gît aujourd’hui par terre pour l’éternité cassée en 3 morceaux…la 2ème plus grande stèle avait été volée par les Italiens en 1941 mais vient enfin de faire le voyage de retour de Rome et se dresse à nouveau fièrement près de sa grande sœur – dûment haubanée quand même ! Le voyage lui-même a d’ailleurs été une belle prouesse technique car elle fait quand même 200 tonnes. Le gouvernement italien a même cotisé à l’agrandissement de la piste d’atterrissage d’Axum pour permettre à un avion-cargo géant de s’y poser. Les rares touristes que nous croiserons ici seront d’ailleurs en quasi-totalité italiens. « Vous êtes supposé avoir déménagé il y presque 70 ans » a-t-on parfois failli leur dire…
 
Dans tous les cas, le contraste est étonnant entre ce ramassis de cahutes poussiéreuses qu’est Axum aujourd’hui et les traces de sa splendeur passée, durant les 5 ou 10 siècles ou elle était l’une des villes phares du commerce eurasien. Les archéologues amateurs et autres chasseurs de trésor peuvent se frotter les mains : on n’a excavé semble-t-il que 10% de l’ensemble…Nous finissons la partie culturelle au Monastère de Ste Marie de Sion qui renferme comme chaque Ethiopien vous le dira sans l’ombre d’une incertitude les Tables de la Loi de Moïse, autrement dit l’Arche d’Alliance du peuple juif arrivée ici au terme de péripéties dont la saga remplirait un livre entier. Ce qui semble établi, c’est que c’est le fils de la Reine de Saba et du Roi Salomon qui aurait commis le larcin initial (passons sur les 3 siècles d’écart entre leurs époques relatives), mais la suite est beaucoup plus confuse. On ne peut bien sûr en voir qu’une copie, l’original est gardé par un moine nommé dès sa naissance, affecté à cette tâche jusqu’à sa mort et qui ne quitte jamais son poste de vigile. Vigile enfermé et invisible, bien sûr.
 
Dernière tentative d’Indjerah à midi, encore plus aigre que la précédente, « never again » résume bien l’avis de la majorité. Puis après-midi de shopping, non il n’y a rien à acheter mais chercher des trucs introuvables occupe aussi facilement quelques heures…seule Cécile trouve son bonheur avec un foulard à paillettes. Pas de cartes postales dignes de ce nom, ce sera donc une année blanche, la 1ère depuis bien longtemps pour moi, j’entends déjà les commentaires…j’espère que ce petit récit me fera pardonner. Papa accepte quand même d’acheter quelques clichés flous et surexposés d’indigènes du sud éthiopien à la poitrine avantageuse et aux oreilles distendues par les boucles d’oreille. Mais le crux ce sont bien sûr les timbres…il faut d’abord trouver la poste…ensuite se faire comprendre…puis faire ½ h de queue…mais il ressort finalement triomphant avec une vingtaine de véritables spécimens en amharique.
 
Nous entamons la soirée chez Haile par l’incontournable cérémonie du café…notre guide est également un commerçant avisé et sitôt la 3ème tasse avalée c’est tout une exposition d’art religieux (à vendre, bien sûr !) qui fait son apparition devant nous : retables en bois peints (« peints par les moines, les revenus aident directement le clergé »), fragments de bas-relief avec comme par miracle juste le buste de la Reine de Saba qui a survécu (« au moins millénaire, découvert par des paysans faméliques en labourant leur champ, vous allez vraiment les aider… »), etc…Papa et Gérard font la BA au nom de la collectivité en ouvrant leur bourse malgré le risque de se faire arrêter à la douane pour trafic d’antiquités ! De retour à l’hôtel, le dîner est déjà prêt…terrifié par nos plaintes et craignant pour la réputation de son établissement, le manager a tout commandé d’avance et le personnel est à nos petits soins. Du coup c’est rapide et chaud mais pas cuit. On ne peut pas tout avoir. Un digestif « home made » à l’hydromel local nous est ensuite servi dans la véranda. Ça grimace autant qu’avec la talla. Est-ce le poulet cru ou ce breuvage frelaté, mais ce sera le lendemain au tour de mon père de rejoindre la longue liste des malades du groupe. Il se consolera en pensant que les autres ont toujours vite guéri…
 
Nouvelle nuit semi blanche, certes on dort bien à plat comme prévu mais c’est compter sans la redoutable acclimatation à l’altitude. Je veux parler de celle des moustiques éthiopiens. Pour tout arranger, j’ai toujours une crêve carabinée. J’ingurgite à haute dose l’aspirine achetée à la pharmacie locale, mais sans grand effet. Ils m’ont sûrement refilé un truc périmé en sachant bien que ne lirais pas l’amharique…ah oui, j’ai oublié de préciser que cette langue diabolique a sa propre écriture composée de 250 signes plus ou moins cabalistiques évoquant de loin les hiéroglyphes égyptiens.
 
 
Lalibela (2400m), 02/01
 
Les velléités de footing matinal au monastère perché de St Jean sont vite annihilées par la 14ème mauvaise nuit du séjour en ce qui me concerne. Comme si la chaleur et les moustiques ne suffisaient pas, le jour envahit la chambre dès 6h du matin à l’heure ou les 1ers bus et camions commencent à vrombir sous notre fenêtre. S’ensuit un transfert vers l’aéroport avec comme toujours une énorme avance. Bon il est vrai qu’en l’absence d’ordinateur, les listes de passagers sont juste écrites au papier carbone et l’enregistrement manuel prend un peu de temps. Et puis dès fois qu’un de nos noms soit mal recopié…En fait pas de souci, le vol est plutôt en retard, il n’y a pas plus de passagers que de places disponibles sur la copie au papier carbone, et les noms correspondent même à 100%. Mais il y a quand même un mais…
 
Un charmant employé d’Ethiopian Airlines vient me trouver en tant que « Group Leader » pour m’expliquer que suite au retard, la chaleur est maintenant problématique sur le tarmac – en combinaison avec l’altitude de plus de 2000m, la portance de l’air devient un peu faible et le capitaine souhaiterait limiter la charge à bord. « Les Italiens sont plus gros que nous » suis-je sur le point de lui dire, mais il ne s’agit en fait que des bagages…sommes nous d’accord pour les retrouver 24h plus tard ? C’est le cri du cœur collectif « non, dans à peine plus de 24h on a déjà le vol suivant pour Addis et dans la foulée le vol de retour, pitié pas nous… ». Ouf il lâche prise et s’attaque aux Italiens. Qui ont le temps et qui acceptent. Jusqu’à ce que le capitaine change d’avis. « Bon allez, on tente de tout prendre, inch’Allah ». Enfin je veux dire allelouïa, nous volons vers la ville la plus sainte de l’orthodoxie copte éthiopienne…Inutile de dire que chacun serre les fesses au décollage. Hou là, il a vraiment décollé en bout de piste. Bon Dieu, c’est vrai qu’il a du mal à prendre de l’altitude. Et la piste est entourée de montagnes. Satané pays, jamais un coin plat. On aurait du accepter de laisser les bagages. Et puis ces Italiens, ils ne pourraient pas être un peu plus minces ? Un trek dans le Simien leur ferait du bien, tiens…
 
Bon le vol est finalement sans souci, les bagages sont au complet, nous sommes attendus comme prévu, et moins d’1 heure plus tard nous sommes installés à l’élégant « Lal Lodge », un des plus chics de la ville semble-t-il. Un cap a été franchi dans le luxe : petits bungalows disséminés dans un jardin presque fleuri, plomberie en quasi état de marche, personnel attentif et presque efficace, calme et volupté…et pour finir un déjeuner délicieusement occidental servi chaud et accompagné d’un buffet de salade sûrement idéal pour combattre la paresse intestinale née de l’abus d’Indjerah.
 
L’après-midi est consacré à visiter quelques unes des célèbres églises creusées qui ont fait de Lalibela l’attraction touristique majeure du pays. Après Gondar, le Simien et Axum, ce sera le 4ème site au Patrimoine de l’Unesco du voyage. Les amateurs de croix (celles qu’on appose pour cocher un coin « déjà vu ») pourront me remercier, la pêche est bonne en seulement 2 semaines…Trêve de plaisanterie, ces églises seront l’un des moments les plus forts de notre séjour. Il faut imaginer leur construction avec les moyens du XIIème siècle : creuser dans un sol de rocher un profond fossé en quadrilatère tel une douve, puis s’attaquer au bloc ainsi mis à nu pour l’évider depuis l’extérieur jusqu’à ce que ne restent plus que l’édifice lui-même, ses murs et son plafond. Certes c’est du grès rose et pas du granit, certes c’est plus petit que Notre Dame, certes les esclaves étaient nombreux, mais les églises sont finement ciselées, joliment décorées et tout à fait impressionnantes. Surtout qu’il n’y en a pas qu’une…nous en visiterons 6 durant l’après-midi (et autant le lendemain), reliées entre elle par un incroyable réseau de tunnels et de galeries ouvertes. La raison de ce travail dantesque réside apparemment dans l’expansion musulmane (en particulier ottomane) de l’époque…pour prier heureux prions cachés !
 
Au moins aussi marquant que les églises est la foule de pèlerins qui gravite autour – nous approchons du Noël Orthodoxe du 7 janvier. Pour les fidèles de l’église copte éthiopienne, Lalibela est un peu la Mecque des musulmans ou le St Pierre des catholiques, de nombreux pèlerins ont fait le voyage à pied depuis le fin fond du pays, ce qui n’est pas peu dire quand on connaît le relief local. Une couverture autour de leurs épaules amaigries, appuyés sur un grand bâton muni de sa croix, une bible amharique en main pour ceux qui savent lire, le visage parcheminé et le regard illuminé, ils déambulent par centaines ou par milliers, indifférents aux rares touristes qui les photographient comme des bêtes de cirque. Font la queue pour aller se prosterner devant le moindre tombeau. Vont embrasser religieusement les pieds de chaque prêtre debout devant son autel dans une pose hiératique. Des bribes de musique lancinante et des effluves d’encens complètent l’ambiance. Nous ressortons au grand air quelques heures plus tard complètement envoûtés, en se demandant presque si tout cela n’était pas un rêve.
 
C’est Cécile qui nous fait atterrir à nouveau en nous rappelant qu’on n’a toujours pas mis la main sur sa robe de princesse. La visite de la partie laïque de la ville est l’occasion d’une petite séance de shopping et la perle rare finit par être dénichée au fond d’une échoppe. Le prix semble bien peu raisonnable, le marchandage semble voué à l’échec (ce n’est pas le souk de Marrakech ici), mais le regard implorant de notre poussinette finit par faire craquer la boutiquière et Cécile ressort vêtue d’une magnifique tenue de Noël orthodoxe pour une bouchée de pain. Enfin c’est qu’on nous a dit…
 
La santé des troupes n’est pas au mieux ce soir, 2 semaines d’Ethiopie c’est apparemment beaucoup pour nos petites natures…Sandra a sauté tous les repas et, après avoir résisté pour ne pas souiller les églises, finit par vomir son petit-déjeuner à l’heure du coucher, Cécile en fait de même, Papa continue a être bien barbouillé et accuse toujours l’hydromel de la veille, ma crêve refuse de diminuer et j’ai en plus une lèvre gercée qui commence à se remplir de pus. Autant dire que tout compte fait personne ne sera fâché de retrouver son petit confort domestique le surlendemain.
 
 
Addis Abeba (2350m), 03/01
 
Nous étions quelques uns à rêver d’une messe orthodoxe pour finir le séjour en apothéose, mais les conditions indiquées par notre guide finissent par refroidir même mon digne père : l’office commence à 5h du matin (et on ne peut plus entrer après), dure 2 heures, on est debout tout le temps, pas question de s’appuyer contre un mur ou tout autre forme de tricherie de ce style, et il est interdit de partir avant la fin…bref ce sera pour une autre fois. RV est finalement donné à 7h30 pour aller cocher les églises pas encore visitées la veille. Enfin celles de la ville, car il en existe aussi en pleine montagne à 3700m, dont l’accès exige plusieurs heures de marche. Nous les regrouperons donc avec la messe lors du prochain voyage. D’ici là, le touriste étant roi, ils auront sûrement construit une route. Et aménagé les horaires et le confort des offices…
 
L’apothéose est aujourd’hui ailleurs : le nombre de pèlerins à doublé par rapport à la veille en ce dernier dimanche avant Noël et l’ambiance est à son comble. Nous enfilons les églises comme des perles sur un collier, à vrai dire on les confond rapidement toutes en oubliant leur nom sitôt appris, l’essentiel n’est pas là. Le rituel de la visite est par contre immuable : notre guide nous a adjoint les services d’un « gardien de chaussures » dont le rôle se révèle rapidement déterminant : il faut en effet se déchausser avant de rentrer dans chaque église. A nous 8 pas de souci, mais en rajoutant les autres touristes et la foule des croyants, il est clair que dans ce grand mélange nous finirions par retourner tous pieds nus à l’hôtel. Notre « shoe-keeper » est d’une redoutable efficacité, transporte nos 8 paires pour nous, nous retrouve sans coup férir à la porte de sortie (qui n’est que rarement celle où on est rentrés), redistribue à chacun ses bonnes baskets, avant de nous frayer un passage à travers la foule pour gagner l’église suivante par un labyrinthe de galeries. Pas facile avec un groupe aussi indiscipliné ou il y en a toujours un pour perdre les autres en restant faire des photos !
 
Nous achevons la matinée au marché, haut en couleurs évidemment, avec ses zones réservées au troc de bétail, aux grains, aux légumes, aux vêtements. Inutile d’y chercher le moindre objet d’artisanat, les farandjs ne s’y hasardent apparemment pas encore. Notre shoe-keeper, qui ne nous quitte pas des yeux, nous a d’ailleurs conseillé de bien serrer nos sacs devant la menace des voleurs à la tire…je crois qu’il pensait surtout à son pourboire : l’endroit est bon enfant à souhait et nous filmons et photographions sans la moindre inquiétude.
 
Dernier déjeuner « de luxe » à l’hôtel, on s’apprête à faire tranquillement un sort au buffet quand notre chauffeur fait irruption au milieu du repas. « Didn’t they tell you ?” Ben quoi, le vol pour Addis est dans 3 heures, pour une fois qu’on peut enfin se goinfrer en paix… « Non, il est avancé d’une heure, il faut filer tout de suite ! » Sniff, pour accélérer on avale tous ensemble chaque plat dès qu’il arrive, mais il faut se résigner à renoncer aux pancakes flambées promises au dessert.
 
Gros blues de fin de vacances en observant sous le hublot ces hauts plateaux et ces montagnes ocres à l’infini…reviendrons-nous un jour, quand et avec qui, la magie opèrera-t-elle toujours, le feu sacré du voyage brûlera-t-il encore en nous ou la réalité nous aura-t-elle enfin rattrapés, saurons-nous être aussi vaillants dans 20 ans que mon courageux père l’a été ici…nous avons la nuit blanche à venir (départ de l’hôtel à 1h40 pour un vol à 4h10…) pour y réfléchir. Je vais quand même garder bien au chaud ma méthode d’amharique au cas où ! Je ne crois pas qu’ils auront tous eu le temps d’apprendre l’anglais d’ici là…

Tourengänger: Bertrand


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