Aventures au Ruwenzori


Publiziert von Bertrand , 24. Oktober 2019 um 14:35.

Region: Welt » Uganda
Tour Datum: 1 Januar 2004
Wandern Schwierigkeit: T5 - anspruchsvolles Alpinwandern
Hochtouren Schwierigkeit: WS
Wegpunkte:
Geo-Tags: EAU   CGO 
Zeitbedarf: 8 Tage
Aufstieg: 8000 m
Abstieg: 8000 m
Strecke:Ibanda - Nyabitaba Hut - John Matte Hut - Bujuku Hut - Elena Hut - tentative Margarita --> 5000m - Elena Hut - Scott Eliott pass - Kitandara Hut - Freshfield Pass - Guy Yeoman Hut - Ibanda.

Récit plus tout jeune d'une épopée qui restera l'un de nos souvenirs les plus marquants dans le domaine des voyages exotiques...la météo ne nous a pas permis de réussir le sommet mais en y repensant 15 ans après c'était vraiment secondaire ! Le Ruwenzori, dont les glaciers alimentent les sources du Nil,  est sans nul doute l'un des massifs montagneux les plus impressionnants de la planète.

PS les images (dias scannées) ne sont hélas pas dans l'ordre :-(

28/12, Kampala (Ouganda)
 

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« J’irai brûler un cierge pour vous ».
Comme à chaque départ vers des montagnes ésotériques, mes bons parents ne sont qu’à moitié rassurés… C’est vrai que sur le papier la destination semble conjuguer un bon paquets d’éléments « peu recommandables », à fortiori pour de jeunes parents responsables : l’Ouganda et sa sulfureuse réputation, des trajets routiers destroy, une jungle escarpée et gluante couronnée par de la glace et du rocher exigeant même des rudiments d’alpinisme, un peu de malaria multirésistante pour faire bonne mesure… on est loin d’Ibiza. Dont on cessera sûrement de se moquer dans 40 ans, couverts d’arthrose après trop de Ruwenzoris, de cordillères et de bavantes alpines… enfin c’est sans doute ce que souhaitent certains plus ou moins consciemment…

Pourtant une fois encore la fascination est bien excusable : le Ruwenzori, à cheval sur Ouganda et Congo, 5109m d’une des jungles les plus humides de la terre couronnée par les plus grands glaciers d’Afrique Equatoriale d’où naît le Nil en personne… 360 jours de pluie par an comme contrepartie d’une biodiversité presque sans équivalent dans le reste du monde… les mythiques « Montagnes de la Lune » imaginées par Ptolémée, redécouvertes par Stanley & Livingstone et explorées par le légendaire Duc des Abruzzes au siècle passé… Les rebelles excités qui hantaient la région 3 ans plus tôt ont fini par être trucidés, le Parc National a rouvert ses portes et l’enthousiasme de notre ami Raphaël – parti en éclaireur un an plus tôt et revenu totalement subjugué – a achevé de nous convaincre.

Réveil à 5h, décollage de Cointrin à 7h, arrivée à Entebbe à 23h après 2 escales à Amsterdam et Nairobi. KLM s’était bien gardé de dire que le dernier tronçon s’effectuait sur Kenya Airways… c’est l’occasion d’entendre les instructions de sécurité en Swahili. Pas d’illusions : malgré 2 semaines d’étude intensive et 10 heures à m’abrutir les oreilles et l’esprit avec mes cassettes et mon bouquin pendant le vol, mon taux de compréhension ne dépasse guère les 5%. Et oui, tout le monde vieillit… enfin peu avant l’atterrissage je parviens quand même à commander dans cet idiome local un verre à l’hôtesse. Et c’est même ce que j’ai demandé qui est servi ! Avec les félicitations d’usage sur ma merveilleuse pratique, si rare chez les Wazungus (les Blancs). Ahsante sana…

Le contrôle des passeports est expédié en 5 minutes, les sacs sortent en dernier sur le tapis mais sont tous là, par contre il faut encore les passer aux Rayons X pour avoir le droit… de s’en aller ! Et c’est comme par hasard mon gros sac qui éveille les soupçons du préposé : « Ouvrez moi ça ! » Aïe, aïe, aïe, à presque minuit et au bout de 12h de vol, alors qu’on rêvait déjà d’un bon lit… Le coupable est vite trouvé : le piolet. « What is that for ? »… 10 secondes de silence, une mûre réflexion et ma parade fuse… [i]« kupanda barafu Ruwenzorini » (*)[/i] ! Echec et mat : un sourire illumine son visage , ce « Mzungu » vient faire de la montagne et en plus baragouine Swahili, la fouille s’achève séance tenante et je rejoins le reste du groupe gratifié d’un sonore « Karibu » (Bienvenue !).

« Hujambo, Semelet » : un bonheur n’arrive jamais seul, Chris Murithi, notre guide kenyan est bien au RV ; son visage rieur et sa petite bedaine le font plus ressembler à un bon vivant qu’à un montagnard pur et dur ; et pourtant avec 9 mois par ans sur les hauts massifs de Tanzanie, du Kenya et d’Ouganda, il ne doit pas manquer d’exercice ! L’abus d’Ugali peut-être, cet équivalent africain du Daalbat népalais ?

Pour ce qui est de faire de l’exercice, notre Hôtel Fairway semble le lieu choisi par le tout Kampala ce soir : nous sommes accueillis par une soirée dansante endiablée rythmée par une disco suffisamment glapissante pour ne pas épargner la moindre chambre. Le tout s’arrête heureusement vers 1h du matin ; « c’est vrai qu’ils sont sur la brèche depuis le début d’après-midi » selon François, arrivé 1 jour plus tôt et déjà familier des usages locaux. Ah oui, détail important : le groupe des 7, arrivés en 3 paquets et par des compagnies différentes depuis Noël, est réuni maintenant au grand complet, armes et bagages compris. L’aventure équatoriale version « boue et glace » peut maintenant commencer…


29/12, Margarita Lodge, Kasese

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Dixit Chris notre « Tour Leader » la veille au soir :

« Demain vous pouvez rester dormir, vous en avez bien besoin, on ne part qu’à 11 h ». Puis 5 minutes plus tard : «Ah oui, je passerai à 8h récupérer vos dollars et les mettre en sécurité ». Tout le monde semble avoir compris… pourtant le matin à 8h, Bertrand est bien tout seul à la réception de l’hôtel. Pas de Corinne, pas de François, pas de Philippe, pas de Thibaud, pas de Jérôme… et bien sûr pas de Chris. A 8h30 non plus d’ailleurs. A 9h le groupe est finalement réuni devant le petit-déjeuner, arrivée de Chris vers 9h30… « Ah oui, finalement j’ai eu pitié, je me suis dit que vous préfèreriez dormir plus ! »

Dixit Chris le matin :

« Kasese, c’est 5h, 6h de route grand maximum,, en partant 11h on y sera dans l’après-midi, même pas 500 km… ». Les vétérans de l’Afrique secouent la tête. 3 heures après le départ : « Pas trop faim ? Alors on va déjeuner à Mbara, c’est à 1h30 d’ici, un vrai restaurant, pas un de ces bouibouis de bord de route. De là il ne restera plus que 3h30 maximum pour Kasese »… Le ragoût de chèvre ( de peau et d’os plus précisément) tiède du « restaurant » est vite avalé et on arrive finalement avant la tombée de la nuit.

C’était mon chapitre « l’Afrique et la Notion du Temps ».

Le trajet du matin est vite répétitif au milieu de collines déboisés et de hameaux de cahutes cradingues, mais celui de l’après-midi nous fait rêver à la suite : les crêtes accidentées du Ruwenzori qui émergent au loin dans la brume, la vaste plaine du « Parc National de la Reine Elizabeth », ses grands lacs et ses animaux sauvages broutant au bord de la route…

Les instructions pour la suite du voyage rythment le bruit des fourchettes tout au long du dîner : nos interrogations donnent en général lieu à des « Hakuna matata » (« no problem » en Swahili, aussi classique en Afrique qu’en Inde ou au Pérou... ). Le programme final dans le Parc National et son luxueux Lodge est prolongé d’un jour au détriment du raft sur le Nil, le budget prend 100 $ au passage, Jérôme et Thibaud négocient leur aventureuse traversée solitaire vers l’ « Impénétrable Forest » de Bwindi et ses légendaires gorilles de montagne… et le serveur me rassure pour me permettre une nuit apaisée : « Comment ? Mais si, bien sûr que tout le monde parle Swahili ici » ; et ce misérable Paul, l’adjoint ougandais de Chris, qui m’affirmait un peu plus tôt que mes maigres rudiments si péniblement acquis ne m’aideraient guère au-delà de la banlieue de Kampala…


30/12, Nyabitaba Hut (2650m)
 

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Notre « Margarita Lodge » a beau être la référence luxe de la région, il s’agit bien de luxe au standard africain : ampoule claquée, tuyau de douche percé, climatiseur recyclant tout juste l’air moite de la pièce… du coup bien sûr impossible (pour moi) de ne garder ne serait-ce qu’un drap. Pas grave en soi. Mais comme la moustiquaire est évidemment trouée, le seul moustique du coin vient consciencieusement se remplir l’estomac sur moi : un coup sur l’épaule, un coup sur la fesse, un coup sur un mollet… Ai-je bien pris mon Lariam ? Ouf, oui ! Il parait que ça fait rêver… mais quand le réveil sonne je viens juste de m’endormir ! Voilà une journée qui s'annonce bien.

Premier souci du matin : faire un stock de cartes postales. Quelle chance, les bureaux du Parc National en ont. Un ou deux modèles sont corrects (neige et soleil, etc…), les autres pas terrible (sommet dans le brouillard, etc…, sûrement plus réaliste !). Mais même en se ruant sur les premiers il faut rapidement se rationner et chacun se voit obliger de panacher le bon grain et l’ivraie. Un peu déçus, nous négocions longuement le prix à la baisse pour nous consoler. De 1000 à 700 shillings après que l’employée ait fait venir son Big Boss pour décider. Pour des « bleus » de l’Ouganda, pas si mal.

Une heure de piste plus haut, au hameau d’Ibanda (déjà 1600m d’altitude !) les choses sérieuses commencent : d’abord pas moins de 2 briefings et 3 signatures dans 3 registres différents sont le prélude requis aux premiers pas en direction du Ruwenzori : auprès du bureau des guides, puis auprès du Parc National, et enfin… auprès des Rangers. La notre est d’ailleurs tout à fait charmantE. Mais ce n’est hélas pas elle qui nous accompagnera… Accompagnera ? Ah oui, chaque groupe se voit attribuer un ranger armé. Armé ? « Non, pas contre les bandits, plutôt contre les bêtes sauvages »…

Les conseils prodigués sont par contre de la plus haute importance : « Attention au Mal des Montagnes, il est sournois » , « marcher doucement », « boire beaucoup », « sur le glacier mettre des gants », « et des crampons », « et un baudrier », « se protéger du froid », « prendre un sac de couchage »… Au passage, les effectifs prennent l’ascenseur : aux 15 ( !) porteurs prévus initialement s’en rajoutent 10 ( !!) pour «excès de poids », plus un guide (prévu), plus 2 guides-adjoints (pas prévus), plus le Ranger armé dont on vient de parler…

Il s’appelle Wellington, a l’air doux comme un mouton malgré sa Kalachnikov et ne fera sans doute jamais de mal à une mouche. Il fuira sans doute devant le 1er bandit venu. Mais Jane (l’autre RangerE, la charmante, qui hélas ne nous accompagnera pas…) nous explique sérieusement que cette précaution est indispensable ; car nous risquons de rencontrer, durant la 1ère étape, des « bêtes sauvages », par exemple des éléphants de montagne, des babouins voire des chimpanzés… Tout émoustillé, notre petit (enfin façon de parler) groupe se met en route vers midi, horaire optimal pour transpirer un maximum sous le soleil vertical de l’équateur. Derrière, l’armée de guides et de porteurs s’explique bruyamment avec Chris, les fonctionnaires du parc National comptant les points : le jeu consiste à se répartir l’équivalent d’une camionnette de sacs à dos, vivres, tentes, sacs de charbon de bois et autres objets hétéroclites sans dépasser les 12 kg par tête de pipe. Comment des petits Népalais deux fois plus efflanqués parviennent à porter le double est une énigme à la limite du politiquement correct…

Ah oui, entre 2 briefings on découvre aussi un autre stock de cartes postales. A 700 shillings sans marchandage ! Heureusement qu’on a marchandé les premières à Kasese. Ce sont les mêmes mais avec un gros gisement intacts de belles… je ne sais plus qui mais l’un de nous a l’ingéniosité de proposer un troc à l’employée : une pas belle (celle dans le brouillard, par exemple) contre une belle au soleil. Et ça marche ! L’Afrique Noire est vraiment l’eldorado du business avec un peu de culot…

Les 4 heures de montée tranquille jusqu’au premier refuge (« 6 à 7 heures » selon Jane) se déroulent dans une somptueuse forêt équatoriale d’une exubérance absolue. Des sommets escarpés noyés dans la brume tapissent l’horizon. De là à imaginer là derrière, plus haut encore, de vrais glaciers il faut quand même avoir lu avec attention la littérature spécialisée et avoir la foi. Refuge plutôt accueillant aux standards locaux, que nous partageons avec deux couples : l’un flamand de retour du Refuge Guy Yeoman et aux pantalons couverts de boue jusqu’aux genoux (leurs guides leur avaient dit de laisser les bottes avec les porteurs) ; somme toute classique. L’autre « couple » (pacsés ou pas, difficile à dire…) sort par contre franchement de l’ordinaire : deux grands blonds Hollandais arrivés d’Entebbe à vélo ( !). Après un large crochet – toujours à vélo – vers le Rwanda pour gravir un premier volcan à 4000m. Et bien décidés à respecter sur le Ruwenzori leur stricte éthique d’autonomie complète. Et donc tout déçus de s’être fait « imposer » un guide et un porteur avec lequel partager leur charge. On se sent tout petits à coté, arrivés ici en bus 48h après avoir quitté l’Europe…

Les heures passent, la nuit tombe, et Chris n’est toujours pas là… Avant de s’inquiéter pour lui, chacun s’inquiète d’abord pour son petit estomac : il est non seulement notre guide, mais aussi notre cuistot officiel… et c’est qu’on a faim, maintenant ! Heureusement, un des guides « adjoints » (ceux que nous a refilé le Parc National et qui auront donc servi à quelque chose) finit par nous improviser un vague dîner de pâtes trop cuites, chou et morceaux de chèvre. Interrogé d’heure en heure sur le sort de Chris, sa réponse est immuable : « il est derrière nous, il arrive bientôt. A propos vous avez tous vos baudriers et une corde pour le sommet ? » « Euh, oui, pourquoi ? » « Pour rien, bonne nuit et hakuna matata… »


31/12, John Matte Hut (3350m)
 

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Notre regretté camarade Yves était coutumier de ce genre de disparition mais finissait toujours par arriver au milieu de la nuit et chacun le retrouvait, rassuré, au réveil. Mais au réveil toujours pas de Chris… l’affaire commence à prendre une sale tournure ? Disparu avec nos dollars ? Mangé par une bête sauvage ? Gisant au bord du sentier avec une jambe cassée ? Parti rejoindre d’avance son groupe suivant, une équipe d’ « Ambassadeurs et de diplomates que j’emmène en stage de cohésion d’équipe sur le Kili ». Le porridge à peine avalé, et le voilà qui déboule ruisselant de sueur…

Explication un peu confuse où il est question de tricherie, de non-respect par le Parc National de ses engagements, de disputes et de menaces avec le chef des rangers, de 350 $ supplémentaires facturés pour les guides et les porteurs non prévus au départ… Bon ce style d’arnaque à l’Africaine est finalement inévitable à un moment ou à un autre, 350 divisé par 7 ça ne fait toujours que 50 $ par tête, pas la mer à boire (pour un Blanc)… Par contre c’est l’étape du jour qui a de quoi inquiéter pour de bon : selon le topo, 7 heures de marche éprouvante démarrant par « une remontée très raide au dessus du torrent en escaladant des racines » et suivie d’une longue portion « escarpée à sauter précautionneusement d’un bloc rocheux gluant à l’autre ». Sur le terrain, comme prévu, pas plus terrible qu’un bon sentier tessinois ou valdotain, bien mieux que les chemins verticaux de la jungle de Rio…

Et surtout une journée somptueuse : la végétation équatoriale exubérante mais de facture « classique » de la veille cède le pas vers 3000m à une forêt enchantée d’arbres aux formes les plus incongrues, couverts de mousse ou ruisselants de barbes et lichens verdâtres, ambiance Seigneur des Anneaux, Brocéliande ou Jurassic Parc selon la sensibilité culturelle de chacun… Des fleurs magnifiques, des cris d’oiseaux exotiques, des tapis végétaux aux bizarres teintes blondes ou carrément fluo, des cascades partout… et tout au fond, pointant de temps en temps leur nez au milieu des nuages, les plus hauts sommets du massif. Avec de la neige ! Le Speke et ses parois déchiquetées, et bien sûr le Stanley et son glacier tout blanc. L’émerveillement est à son comble, cet endroit est encore bien plus fascinant que ce qu’on avait pensé…

Le refuge est une nouvelle fois tout simple mais très convenable, les porteurs sont tous arrivés et prennent le soleil en rigolant sur la pelouse voisine… mais le meilleur reste à venir : la toilette revigorante dans les eaux (fraîches !) du torrent Bujuku tout proche. La dernière avant longtemps, sans doute ! Mais on s’en souviendra, sous les lobélies géantes et les grands séneçons barbus, sur fond de Speke et Stanley saupoudrés de neige fraîche… Toilette suivie de thé au lait, pain beurré, ananas et fruits de la passion… tout le bonheur simple des vacances, somme toute. Les insensés, s’ils savaient la suite…

Et le Réveillon du Nouvel An dans tout ça ? Certes personne n’a le courage d’attendre jusqu’à minuit, mais Philippe et François sortent de leur besace (enfin de celle traînée sur le dos de leurs porteurs) un bloc de foie gras et une bouteille de Sauternes pour fêter dignement le 1er Janvier 2004 sur les coups de 20h. Chris fait la grimace en goûtant le foie gras mais s’extasie devant le vin (pourtant joyeusement secoué depuis 48h !). « Introuvable au Kenya, ça ! » Ou alors peut-être à la légendaire rôtisserie nairobienne du « Carnivore »… Mais alors « for the price of a house, Bertrand ! »


1/1/04, Bujuku Hut (3950m)

4h00 du matin : 2-3 gouttes sur le nez me tirent d’un profond sommeil. D’abord doucement, puis brutalement. « Hein, quoi, gouttes = pluie dehors… et dedans aussi !!! ». Les boules retirées des oreilles, c’est bien le son familier de la pluie tambourinant sur le toit qui couvre les ronflements puissants de Chris. Dans les Alpes, c’est – au-delà de la frustration passagère de rater la course du lendemain – le sentiment délicieux du nid douillet protégé de la tourmente. Ici c’est plutôt « où est-ce que le toit va fuir ? » , « faut-il protéger le duvet ? », « serons-nous tous trempés demain ?». En fait c’est simplement l’une des 3 gouttières intérieures qui déverse ses grosses larmes de manière millimétrée sur mon sac à dos. Chaque goutte en s’écrasant me projette ensuite des goutelettes sur le visage. Le sac à dos file aussitôt sous le bat-flanc, l’arrosage prend fin séance tenante, mais le vacarme de la pluie redouble, les ronflements de Chris aussi, et malgré les boules difficile de se rendormir.
 

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Au petit-déjeuner de 8h30 la pluie a baissé d’intensité mais la montagne a pris un aspect typiquement ruwenzorien, ruisselante de tous cotés et noyée dans la brume. Il faut se rendre à l’évidence, nous allons connaître enfin notre 1ère véritable journée humide au sens local du terme… L’ascension du Mont Speke, prévue l’après-midi même, est remise avec beaucoup d’optimisme au lendemain matin.

Pas de chance pour Chris : il cherche depuis 3 jours à compter nos porteurs (« ces voleurs du Parc National nous en ont facturés 26, je suis sûr qu’il y en a moins, mais impossible de les compter, ils se mélangent sans cesse avec ceux des autres groupes »). En fait d’autres groupes, il n’y a qu’un couple anglo-italien qui justement pensait filer à l’aube pour faire 2 étapes en une (et ne pas nous avoir notre armée sur le dos tous les soirs !). C’était l’occasion rêvée ! « Comme ça on restera seuls, je ferai une photo de groupe, tu verras qu’il n’y en a que 20, on aura une preuve pour qu’ils nous remboursent ! ». Mais avec la flotte nos 2 tourtereaux font comme nous, attendent que ça se calme, tout le monde part ensemble, c’est encore raté… Chris tente quand même un comptage, aboutit à 21… mais le leader des 26 porteurs lui raconte évidemment que les premiers « sont partis seuls en avance »…

En attendant, pour ceux qui craignaient que la sécheresse des semaines passées ne banalise trop l’étape aquatique du jour, plus de souci : avec le déluge de la nuit, les 3 immenses marais à traverser ont rechargé leurs accus ; dès les 1ers mètres, on plonge enfin dans l’ambiance décrite par toute la littérature de ces mythiques « Montagnes de la Lune » : forêt préhistorique de fougères barbues, lobélies géantes, séneçons moussus et quantité d’autres créatures végétales aux formes les plus délirantes sorties tout droit d’un conte de fée. Effectivement sans bottes on n’irait pas bien loin : à 200m du refuge, le rythme ralentit soudain, la progression s’accompagne de bruits de succion plus ou moins évocateurs et chaque pas s’enfonce profondément dans le sol…

Monotone ? Pas du tout, c’est à chaque fois la surprise : s’enfoncera jusqu’où ? Dans l’eau ou la boue ? Et l’ennemi n’est pas toujours là où on l’attend : la boue la plus profonde est souvent bien liquide et libère facilement sa proie. La boue qui s’arrête juste après la cheville, plus sournoise et plus collante, menace parfois de tout garder… l’herbe mouillée est parfois sans fond alors que les flaques d’eau ne cachent pas toujours les pièges qu’on imagine… la présence de troncs ou de bouts de branche pour marcher dessus est souvent le signe qu’ils ne sont pas là pour rien et que c’est très profond à coté… mais c’est aussi très glissant dessus… il faut arbitrer… Chacun réapprend à marcher comme un gamin, développe ses propres stratégies autour de ces quelques trucs et de bien d’autres !

5 heures, 3 marais et bien des moments d’émerveillement plus tard, le refuge apparaît juste après un joli lac aux eaux noires et aux rives particulièrement mouvantes. Le Bujuku Lake n’invite pas à la baignade, surtout sous un ciel toujours aussi plombé ; le refuge homonyme voisin, lui, n’invite pas à s’y attarder plus d’une nuit. Comme prévu, plus on monte et plus l’hébergement se précarise : 3 cabanes de tôle cradingues, dont deux sont déjà colonisées par les porteurs et la 3ème (celle des touristes) pue tellement le kérosène (le cuisinier s’y est installé avec son réchaud !) qu’il vaut mieux rester dehors sous les premières gouttes. Il est 15h, tout le monde a faim, le lunch a pris un peu de retard (« 3 heures de marche » nous disait Chris le matin « autant faire tout d’une traite et déjeuner là bas »…) mais tout finit par arriver : soupe en sachet vite tiède, pain industriel défraîchi, beurre fondu, mortadelle, biscuits kenyans (beurk !)… thé ou chocolat au lait (mais le chocolat est quasiment épuisé et le lait aussi). Et quelques fruits de la passion pour faire bonne mesure, mais je suis presque le seul à aimer ça. Bref ceux qui étaient venus pour éliminer les excès de Noël sentent qu’ils ont choisi la bonne destination. Et ce n’est que le début, attendez la suite…

En fin d’après-midi, 4 Anglais font leur apparition, tout juste revenus de l’ascension du Speke. 4900m, le 3ème sommet du massif, que nous avions naïvement imaginé gravir au passage. Ils sont aux mains d’ un guide écossais vivant à Chamonix et à l’allure particulièrement impressionnante. Equipés de pied en cape de baudriers, cordes, crampons et piolet… bizarre. Ceux (moi, en fait) qui pensaient à une ballade tranquille déchantent rapidement quand Jim, le guide, nous raconte leur épopée, 6 heures à grimper – en se perdant régulièrement dans le brouillard – sur des dalles rocheuses exposées et gluantes à souhait puis dans un couloir de 400m en neige à 40°. Même par grand beau temps (celui qui vient justement de nous quitter pour quelques jours), une entreprise sérieuse. Notre ami Raphaël, qui l’avait fait au pas de course l’année précédente, joue bien dans une autre division. Le Speke est remis au prochain voyage au Ruwenzori, par le versant congolais, dans 10 ou 20 ans.

Nous avons d’autres soucis pour le moment : il reflotte, Jérôme ne se sent pas très bien et se demande s’il pourra monter le lendemain au refuge Elena, dans lequel nous serons au minimum 11 avec nos 4 Anglais. 11 à Bujuku ça va à peu près en mangeant sur les bat-flanc, mais - au contraire de la végétation - les cabanes rapetissent avec l’altitude ici… Certes nous avons des tentes, mais là haut c’est du caillou et on ne peut pas camper. Ce soir par contre Chris en a monté une pour décongestionner le refuge. Question à 100 Shillings : qu’est ce qui prendra le plus d’eau cette nuit, la tente kenyane ou la cabane ougandaise ? Philippe a fait son choix passera une nuit exquise en solitaire et au sec dans la grande tente cabanon. Ce sera la seule du séjour.


2/1/04, Elena Hut (4540m)
 

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Le pire est toujours possible. Mais nous ne le savons pas, en partant ce matin. Sous la pluie. Qui a dit « comme toujours » ? Non, jusqu’à présent elle ne tombait que la nuit. Mais ça va bien changer… Jérôme va mieux ce matin. Rien de tel qu’une bonne douche pour remettre un bonhomme d’aplomb. On est à 4000m et la douche est fraîche. 1h plus tard à 4150m elle devient même franchement froide. A 4200m c’est de la neige fondue et à 4250m de la neige qui refuse de fondre. Les séneçons et la mousse tout blancs, c’est d’abord très photogénique. Mais il faut du courage pour sortir les mains des poches dans ce froid humide. Des gants ? Non, laissés avec les porteurs pour les garder secs jusqu’au lendemain. Le hic c’est que le terrain devient sournoisement de plus en plus raide et de plus en plus rocheux et qu’il faut bientôt s’accrocher… avec les mains. Ceux qui ont des gants n’ont gagné qu’un bref répit de confort, quand ils sont trempés c’est pareil que sans… même pour Corinne dont les mains semblent pourtant avoir été équipées de chaufferettes éternelles à sa naissance.

A l’inconfort s’ajoute vite l’appréhension, puis parfois la trouille : la dernière heure sous le refuge se passe à cheminer sur de grandes dalles rocheuses peu inclinées mais totalement lisses et coupées de petites barres. Sec, sans trop de problème. Mouillé, le topo avertit déjà que cela peut devenir délicat. Couvert de neige et en bottes (eh oui, obligatoires pour le bourbier de départ), c’est franchement dangereux, en tous cas par endroits. Pas de falaise à sauter si on part sur les fesses mais une cheville cassée aurait déjà des conséquences très fâcheuses ici ! Nous croisons quelques petits groupes redescendent du refuge après avoir du faire ½ tour sous le sommet – ils sont en crampons ! Ca racle et c’est pénible, ça fait même parfois des étincelles, mais c’est souvent une stratégie plus sûre. Récapitulons : en bottes de pécheur sur des dalles rocheuses lisses et gluantes de neige fraîche, transis pas le grésil qui fouette le visage, les mains totalement insensibles qui cherchent vainement les prises, le refuge bien sûr invisible dans le brouillard… Qu’est ce qu’on f…ici ? Oui, c’est ça, c’est bien la question que chacun se pose longuement et de nombreuses fois…

Mais le groupe est composé de montagnards, ils ont l’habitude de serrer les dents… dans les Alpes, avec la perspective d’un bon refuge ou d’un petit hôtel de montagne douillet à la fin de la journée. Ici la perspective c’est Elena Hut, 4540m. Qui finit par émerger du brouillard. C’est vite résumé : 1 toit et 4 murs de planches disjointes, un sol de planches humides, 4 mètres sur 4, une porte et pas de fenêtre, et c’est tout. Ni table, ni bat-flanc, ni rien d’autre. Juste les 4 Anglais qui, avec leurs bagages, occupent déjà la totalité de la surface. Avec nous 7 en plus, il va falloir gérer l’espace subtilement…

Les porteurs sont tous arrivés, sans se plaindre, eux, pourtant ils sont aussi mains nues et trempés, se sont farcis les même dalles rocheuses zippantes… par contre ils ne sont pas fâchés de déguerpir pour retourner dans le confort relatif de Bujuku dès leur tache accomplie ! On finit par s’entasser à 11 en essayant vainement de se sécher. Et de rigoler de notre situation, histoire de couvrir le bruit de la grêle qui tambourine sur le toit. Chris met des heures à cuisiner dans la cahute voisine mais le repas du soir assis en rond est revigorant, le temps s’est calmé et les alentours sèchent vite avec le vent. Nous avons même le temps avec Agnès de repérer l’accès au glacier, toujours le même labyrinthe de dalles rocheuses couchées mais lisses pimenté de quelques petits pas d’escalade amusants… quand ils sont secs…

C’est au moment de se coucher que le pire, toujours possible (cf. plus haut) est découvert, en tous cas pour Agnès et moi : le tiers inférieur de nos 2 sacs de couchage est totalement trempé, à tordre. Le moral prend un coup terrible. Le coupable est vite trouvé, non pas le toit qui fuirait (pas encore), non pas la condensation (elle ne fait que goutter) mais la vache à eau et sa pipette (la version moderne de la gourde pour les montagnards high-tech) : l’écrou s’est dévissé, les 2 litres se sont répandus dans le sac à dos puis sur les duvets. Il est clair qu’ils ne sècheront ni ce soir, ni demain, ni peut-être même jusqu’au retour en plaine. Entassés par terre dans des duvets mouillés, une nuit difficile s’annonce. Jérôme ne se sent à nouveau pas très bien…


03/01/04, Deuxième nuit à Elena Hut (4540m)
 

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Pointe Margarita (5109m) – Expédition franco-suisse (7 personnes) : 1 – 0

On y a quand même brièvement cru, la nuit était vaguement dégagée et le ciel vaguement bleu au petit matin. Le temps de crapahuter sur les dalles jusqu’au pied du glacier et tout est couvert. Evidemment, à 8000 km de chez soi, on insiste. Il faut 45mn pour établir les cordées : on n’a que 2 cordes pour nous 6 (Jérôme a sagement préféré décliner), plus Chris, plus 2 des guides locaux qui tiennent à nous accompagner. : Joël, qui a un baudrier mais n’a qu’un crampon qui fonctionne... et Daniel, qui a des crampons mais pas de baudrier ! La raison prend le pied sur la pitié : décordés de force, ils sont libres de nous suivre seuls s’ils le veulent. Joël part avec nous, l’air tranquille, c’est vrai qu’il a déjà du faire le sommet 50 fois, « no problem »...

Au moins aurons-nous marché 1 heure sur ce légendaire glacier des sources du Nil, pas si petit que ça d’ailleurs, pour un glacier africain. 1 heure plus tard nous sommes en plein blizzard, le neige souffle à l’horizontale dans la figure, la visibilité est quasi nulle, du blanc de tous les cotés, l’ambiance n’a plus rien d’africaine. Nous sommes peut-être à 1 h du col et à 1h30 du sommet, mais dans ces conditions l’ascension devient aléatoire et surtout sans aucun intérêt. Les 5109m de Margarita dans la tourmente ressemblent sans doute à n’importe quel sommet alpin anonyme dans les mêmes conditions. Et puis nous avons un jour de réserve...

Tour stratégique, arrivée au bout du glacier, décordement... et le même feuilleton que la veille, les dalles rocheuses sèches du matin sont couvertes de neige mouillée ultra-glissante…au moins n’est on pas en bottes. Les crampons restent au pied, ça racle et ça fait des étincelles, les petits pas d’escalade sont bien plus pimentés qu’à l’aller, Joël se rachète en coinçant son piolet dans les fissures pour nous rajouter des prises artificielles, Bertrand filme consciencieusement tout ça…mais finalement on arrive sans encombre à Elena Hut pour un déjeuner qui n’aura jamais lieu. Eh oui, comme nous l’explique Chris, « j’avais étiqueté une caisse de nourriture pour Elena mais les porteurs se sont gourrés et l’ont directement expédiée à Kitandara », le refuge suivant… « Enfin ne vous inquiétez pas, j’ai encore de quoi faire un dîner ! ».

Les Anglais sont revenus de Margarita, ils ont forcé le sommet dans le mauvais temps comme au Speke l’avant-veille, mais ne sont pas encore lassés et choisissent de passer une 2ème nuit pour se mettre aussi Alexandra, le 2ème sommet du massif, dans la poche. On s’apprête donc à passer notre 2ème nuit à 11 dans 16 mètres carrés dans l’espoir du sommet le lendemain. A 11 ? Non, le pire est toujours possible, je l’ai déjà dit…En milieu d’après-midi, alors que la neige n’a pas cessé, ce sont 5 Autrichiens supplémentaires qui débarquent, trempés et hagards, comme nous la veille. L’un d’eux a la tête bandée. Il a testé le dévissage sur les dalles, vite enrayé heureusement, avec juste de petits dégâts. On passerait donc à 16 sur 16 mètres carrés, nouveau record...

La coupe est pleine. Philippe veut bien serrer les dents dans le blizzard mais la promiscuité a ses limites. 3 heures plus bas, c’est le refuge de Kitandara, en principe désert, un cadre paraît-il superbe, de l’herbe à la place du rocher…la tentation est trop forte. Accompagné de Jérôme et Thibaud, la petite caravane des dissidents hédonistes abandonne les plus enragés à leur triste sort ; RV demain après-midi, les 4 puristes sont chargés de mater Margarita pour le compte de tout le groupe. Le ciel se dégage complètement pour la 1ère fois depuis 3 jours, une extraordinaire lumière baigne maintenant toute la montagne et la lointaine savane. La confiance revient au galop. Le réveil est mis à 5h30. « Dans la poche ce sommet » sont-ils nombreux à penser. Même entassés à 12 dans des duvets humides, la nuit est quasiment euphorique…


04/01/04, Kitandara Hut (4027m)
 

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Plus dure est la frustration au réveil. De façon totalement inexplicable, le ciel s’est recouvert avant l’aube. Ceux qui pensaient résumer le climat des montagnes équatoriales par « beau la nuit et à l’aube, couvert à midi, pluvieux jusqu’au soir » ne sont jamais venus ici. Ca marche sur le Kili et au Kenya, mais le Ruwenzori fait sa propre météo et se fout bien des alpinistes. Sans trop y croire, nous remontons jusqu’au pied du glacier, on commence à bien connaître le coin... ce coup-ci Joël a même des crampons et Daniel a même un baudrier. Mais ce n’est même pas la peine de s’encorder : il recommence à neiger, et les Anglais, partis avant nous, reviennent eux aussi du plateau glaciaire déjà pris dans la tourmente. Tiens, ils ramollissent, nos amis ! En attendant c’est la course sur les dalles pour arriver au refuge avant qu’elles ne se recouvrent de neige suivant un scénario bien rodé. Les Autrichiens n’ont pas renoncé, nous ne les reverrons jamais.

La déception est immense. On noie d’abord notre cafard dans un copieux brunch préparé gentiment par Chris. Puis les préoccupations immédiates nous rappellent à la réalité : les porteurs sont revenus et les sacs sont vite bouclés mais la neige tombe dru et les dalles sous le refuge nous rejouent la même pièce que l’avant-veille. En chaussures de montagne, ça va mieux qu’en bottes mais l’ensemble reste assez scabreux et Jim, le guide écossais, encorde même ses 3 clients. Même avec sa carrure de déménageur, je doute fort qu’il les retienne tous ensemble si une glissade de l’un met les autres sur les fesses, mais c’est son problème…Sous le col Scott Eliott, le rocher se retransforme en herbe, puis c’est la neige qui se retransforme en pluie, les séneçons reviennent, les bourbiers aussi, la haute montagne a disparu comme si elle n’avait jamais existé…Le Lac Kitandara apparaît au loin, noir comme l’ébène, la cabane homonyme est nichée au bord dans un cadre somptueux, sans doute un des plus beaux du circuit. Les porteurs jouent aux cartes dans l’herbe sous le soleil revenu. Nous cassons la croûte dehors en papotant avec nos amis redescendus la veille. Non, nous n’avons pas réussi à sauver l’honneur du groupe, Margarita 2 / Expé franco-suisse 0, score final, il n’y aura ni prolongations ni penaltys ; évidemment à cette heure-ci il fait sûrement beau là haut, Margarita scintille dans le ciel bleu et se fout bien de nous, mais qui a envie d’y retourner ?

Le soleil décline, la lumière est de plus ne plus belle, et l’orgie de photos et de film dans un environnement d’une beauté végétale et minérale exceptionnelle, commence déjà à adoucir la frustration. Kitandara, c’était aussi la place forte des guérilleros du Ruwenzori il y a seulement 5 ans, l’armée ougandaise les a paraît-il délogés à coup de bombes aériennes dont les résidus ont sans doute rapidement été digérés par les bourbiers…en tous cas on imagine mal des gens se battre ici. Même pour dormir, on ne se bat plus : 15 vraies places pour nous 11, ce soir, le luxe ! Et nos duvets qui ont commencé à sécher avec le soleil, c’est le bonheur ! Pour un peu on deviendrait presque copains avec les Anglais. Qui ne doutent de rien et entendent bien venger dès le lendemain l’affront que leur a fait Alexandra : en gravissant le Mont Baker, 4880m, 4ème sommet du massif...


05/01/04, Guy Yeoman Hut (3500m)
 

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Toujours pas de lait, plus de café et plus de chocolat ce matin. En fait il reste du thé, du thé et du thé. Bizarre, l’avant veille à Elena, en pleine crise de pénurie, Chris nous avait parlé d’une caisse de vivres dirigée par erreur directement sur Kitandara…Mystère. Comme un malheur n’arrive jamais seul, une autre caisse de vivres – supposée, elle, arriver depuis le bas jusqu’ici en venant à notre rencontre sur le dos d’un porteur – est également portée disparue. A 2 jours du retour dans la luxure des Lodges, rien de trop grave. Il reste toujours du riz et des patates, et les étapes sont en descente (bien qu’une descente dans un marais ruwenzorien soit parfois plus éprouvante qu’une montée abrupte sur un sentier alpin, mais cela est une autre histoire…).

La descente du jour commence d’ailleurs par une montée prodigieusement raide, souvent à 4 pattes dans la boue et les racines, jusqu’au col Freshfield à 4270m. Le ciel est un peu couvert, nos Anglais de plus en plus ramollis, cette fois-ci ils ont renoncé au Baker sans même essayer…enfin c’est ce qu’on croit, la réalité est bien plus terrible que ça, mais chaque chose en son temps…Le temps : et bien sitôt arrivés au col il se dégage totalement. Les Anglais ont molli à tort. Nous avions sans doute molli à raison lors des 2 tentatives des jours passés, mais c’est quand même un regain de frustration de contempler Margarita étincelante au loin dans le ciel bleu. Cela dit, avec une merveilleuse plaine de mousse orange presque fluorescente et piquetée de séneçons au 1er plan, ce sont peut-être les plus belles images du voyage que chacun mitraille compulsivement depuis sa petite caméra. On se console comme on peut.

La suite est plus classique, une raide descente sur des dalles rocheuses (encore !) sèches (pour une fois !) mais quand même glissantes (ah bon ?) me voit jurer une paire de fois après les semelles de caoutchouc de mes bottes ; 3 fois sur les fesses en 1/2h, même sans conséquence, ça ne peut être que de leur faute. Saleté de bottes belges. Les autres qui ont tous des « Aigle » restent bien debout, eux, hein ! Le refuge ne semble plus très loin mais la dernière vaste plaine qui nous en sépare, d’allure inoffensive vu du haut, s’avère être un des marais les plus « ruwenzoriens » du circuit (ou alors c’est la pluie des derniers jours) et la progression y est particulièrement laborieuse. Malgré toute la pratique acquise dans ce style de terrain depuis une semaine. Enfin tout est relatif, les porteurs nous doublent quand même régulièrement en courant…

Arrivée au refuge vers 15hs. Le bonheur ! La corrélation altitude / confort des cabanes (plus c’est haut, plus c’est pourri et vice-versa) est maintenant orientée dans le bon sens : celui de la descente. Chaque abri est plus confortable que le précédent, sans parler de l’herbe plus moelleuse et de l’air plus oxygéné. A propos d’oxygène, revenons en à nos Anglais. Ils sont arrivés avant nous comme toujours, car ils étaient partis à l’aube pour tenter le Baker. Nous avons bien sympathisé depuis quelques jours avec leur guide anglo-chamoniard Jim, qui nous expliquait la veille encore, avec une sincérité désarmante, son dilemme permanent entre sa petite famille à Servoz et l’appel inextinguible des montagnes lointaines…C’est lui qui nous raconte leur vilaine mésaventure : l’un des trois clients a déclenché un rapide œdème cérébral en quittant Kitandara le matin. A peine croyable, un œdème à 4000m après 2 nuits à 4500 et 2 sommets à 5000m. Au pire endroit possible : on ne peut quitter Kitandara qu’en franchissant des cols escarpés à 4300m (sauf à forcer un passage à la machette vers le Congo, mais c’est une autre histoire). Diamox à haute dose, injection de cortisone, aide massive des collègues et des porteurs... il a quand même pu se traîner jusqu’au col et la descente jusqu’au refuge suivant a fini par le requinquer.

Tout est bien qui finit bien…et bien hélas non. Le dîner est avalé, les estomacs repus, les notres aussi... il est vrai que Chris nous a quitté comme prévu pour rejoindre son groupe suivant, nous confiant aux bon services d’Eddy, le cuisinier…des Anglais, aussi serviable que productif ! Donc tout le monde est heureux, la soirée est douce, le soleil de l’après-midi a continué à sécher nos duvets, les porteurs jouent aux cartes dans la lumière du crépuscule…quand Jim fait irruption sur la terrasse du refuge. « We have got bad news...»; Raphaël – le malade œdémateux du matin – remet ça, tête gonflée, maux de crâne insupportables, vertiges... Il lui faut fuir, continuer à descendre, foutre le camp sans attendre. Plus facile à dire qu’à faire, de nuit, à travers une série de bourbiers entrecoupées de passages parait-il exposés sur des rochers gluants dominant des cascades. Le début de la dernière étape est décrite par le topo comme une des plus délicates du circuit (« infranchissable si le torrent est en crue » « dangereux si c’est mouillé » « une glissade pourrait vous emmener très loin », etc...).

Chimie lourde médicamenteuse, armée de porteurs devant et derrière pour éclairer le chemin et aider le patient, Jim organise tout ça avec une impressionnante efficacité. On leur souhaite bonne chance avec quand même beaucoup d’inquiétude. J’espère qu’on ne croisera pas un macchabée le lendemain sur le sentier…Qu’on est bien en bonne santé dans un bon refuge !


06/01/04, Margarita Lodge, Kasese
 

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  • Les chevaux sentent l’écurie…nos guides et porteurs aussi. L’écurie ce sont pour eux leurs villages, leurs familles et des conditions de vie précaires. Pour nous une vie de luxure de lodge en lodge avec confort croissant. Deux poids deux mesures...
  • Eddy, le cuisinier des Anglais a déserté lui aussi, pour la bonne cause certes, le sauvetage d’un malade, mais le fait est que pour ce qui est de la pitance de ce dernier jour, nous nous retrouvons directement face aux guides et porteurs.
Quel est le lien entre les 2, me direz-vous ? Il est simple : guides et porteurs sont désormais les seuls à connaître nos stocks de vivres. Ils savent aussi que le soir même nous pourrons nous empiffrer à l’hôtel. Et ils savent enfin que les restes desdits vivres ramenés à Ibanda atterriront directement dans leur village et sur la table familiale. Faut-il donc s’étonner de voir Joël poser le matin à l’entrée de la cabane 2 misérables tas de chapatis et quelques vieilles saucisses avant d’affirmer avec aplomb : « c’est tout ce qui reste. Le tas de gauche c’est le petit déjeuner, le tas de droite c’est le repas de midi à emporter ». Hum…Il y a des moments ou la morale s’efface devant l’estomac. Corinne, en baroudeuse expérimentée, sonne la révolte. «Ca ne suffit pas ! Amenez le reste. On ne marchera jamais 8 heures comme ça ».

Quelques minutes plus tard un bon stock de fruits de la passion a fait une miraculeuse apparition depuis le fond des sacs vides. La gueulante suivante a encore même plus d’effet : c’est carrément un déjeuner chaud qui nous est promis à mi-chemin à Nyabitaba... avec riz, haricots et même ketchup ! Nous en resterons là et les stocks d’ « immangés » finiront charitablement dans les villages alentours.

Mais il faut encore les marcher, ces 8 heures, même en descente. Le démarrage est classique à travers un marais, mais les coins scabreux promis par les topos sont vite là. Le cheminement se fait pendant près d’une heure sur le bord d’un torrent escarpé interrompu de fréquentes cascades, avec plusieurs traversées sur des dalles rocheuses bien gluantes positionnées stratégiquement au dessus des cascades. Effectivement les conséquences d’une glissade seraient des plus fâcheuses, on ne nous avait pas menti. Chacun frémit d’abord (un peu, n’exagérons rien…) pour sa petite personne avant de frémir ensuite pour de bon en imaginant ici l’Anglais moribond, en pleine nuit, soutenu tant bien que mal par Jim et les porteurs. Pas de cadavre oedémisé, pas même une trace de sang sur les rochers, on en déduit donc qu’ils sont arrivés à bon port. La partie exposée s’achève au voisinage d’une immense grotte qui a servi paraît-il de camp de base à Luigi Amadeo di Savoia, Duc des Abruzzes, le légendaire explorateur italien qui a ratissé tous les sommets du Ruwenzori…en 1906 !

La suite de la journée est une série d’adieux successifs. Le dernier bourbier d’abord. On peut ranger définitivement les bottes de caoutchouc. Sniff, on s’y était presque habitués…Les derniers séneçons, la dernière forêt de bambous... Puis le dernier repas sur la montagne : le fameux riz-haricots-ketchup négocié au forceps le matin. On a faim et on mange, mais on ne sera pas fâchés de manger autre chose les jours suivants. On est loin des treks au Népal. Par contre ceux qui souhaitaient maigrir durant ces 8 jours n’ont pas trop au à se forcer pour résister aux tentations. Arrivés en cours d’après-midi à Ibanda, les derniers mètres à pied. Chez nous on dirait « tiens, c’est la fête au village... » : il y a de la musique, tout le monde est dehors à chanter (quelques uns), à papoter (nombreux), ou à rester assis sans rien faire (la plupart). Mais comme c’est partout pareil à peu près à n’importe quel moment (bon, j’exagère à peine...), on finit par se dire que non, ce n’est pas la fête, c’est la vie quotidienne en Afrique Noire. Ou alors qu’il font tout le temps la fête, c’est comme on veut.

Le dernier adieu (dans les locaux du Parc National) est plus musclé : bien sûr qu’on a aucune chance de récupérer les dollars supplémentaires qu’ils nous ont soutirés pour des porteurs en partie fantômes (fictifs, au sens Corse). Mais on passe quand même nos nerfs sur eux pour le principe ; et par solidarité avec les groupes de blancs suivants qui se feront peut-être (un peu) moins entuber. Philippe, en ex-businessman averti, manage avec efficacité la toujours délicate séance des pourboires (combien pour les guides, le cuisinier, l’aide de cuisine, les porteurs, à qui remettre le tout en expliquant qui touche quoi…sans froisser personne mais en s’assurant quand même que chacun recevra bien ce que nous avons budgété pour lui…). Paul, l’adjoint ougandais de Chris, est bien au RV avec 2 matatu (les taxi-brousse version minibus), un pour nous un pour les bagages ; comme la confiance règne nous exigeons de faire rouler le minibus des bagages DEVANT nous et pas derrière…

Réinstallation au Margarita Lodge : les femmes de chambre, gentilles mais habituellement timides, ne peuvent cette fois-ci contenir leur curiosité : « So you climbed the mountain ? » « Hum, yes, more or less...» « ooohhh... it was surely very cold up there ! ». Plus que dans les chambres, c’est sûr. En fait, celle avec la clim en panne du début du séjour était la seule équipée ainsi. Inutile d’insister, les autres ont juste de gros ventilateurs. Mais on est suffisamment crevés pour dormir quand même, la panse bien plombée d’un vrai dîner. Celui qui a dû passer une sale nuit, par contre, c’est Paul. Le pauvre bougre sait à peine compter et nous l’avons lesté de près de 1000 $ à nous tous, qui plus est pour plein de choses différentes : les porteurs de trop (c’est Chris qui avait été forcé d’avancer la somme au départ, sous peine d’emprisonnement ou presque), les extras du Safari-Lodge à venir, une nuit de plus à Kampala que Philippe et François devaient encore à Chris, etc…La séance dure bien ½ h, de grosses gouttes commencent à perler sur son front à chaque fois qu’il recompte, il a beau essayer de faire des petits tas de billets avec des petits papiers gribouillés, il roule des yeux effarés et, sans doute au bord de l’infarctus, finit par murmurer en nous disant bonsoir un inquiétant « Now we will see how far we will go...».


07/01/04, Mweya Lodge, Queen Elizabeth National Park

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L’austérité budgétaire est au RV ce matin : ce n’est plus le grand bus de 20 places qui nous avait accueilli à Entebbe il y a 10 jours, ce ne sont même plus les 2 matatus de la veille, mais un seul pour entasser hommes et bagages. Nous quittons tranquillement le Margarita Lodge en milieu de matinée pour mettre le cap sur le safari-lodge de Mweya, décrit par la littérature bien-pensante style LP comme un des « nec plus ultra » de la région, accueil de classe dans un site somptueux et bien sûr tout le confort exigible par une clientèle exigeante comme nous. Dans l’état de saleté où nous étions encore la veille, sûr qu’on nous refuserait. Mais l’eau a coulé suffisamment noire et suffisamment longtemps dans les douches du Margarita pour nous rendre presque présentables.

Première escale à la poste de Kasese pour acheter des timbres. Chic, pas de queue, on va être vite servis ! J’entame les hostilités : « 35 timbres pour l’Europe » « … 35 ? You mean THIRTY FIVE !!! ». Ben ouais, et ce n’est que pour nous deux, derrière y’en a encore 5 autres ! Le guichetier blanchit (enfin presque…) et part chercher son collègue de la comptabilité. Car pour un tel montant, il faut ouvrir la caisse…et puis c’est compliqué, il n’y a pas de timbre à 900 Schillings, il en faut à 500 et à 400…et en mettre un de chaque…Enfin 10 minutes plus tard je ressors soulagé avec mon trésor philatélique (c’est vrai qu’ils sont très beaux) et ½ heure plus tard le reste du groupe est également servi.

C’est reparti. Le goudron s’arrête avant même l’entré officielle du Parc National. Signalé par un gros panneau en forme d’hippopotame, le symbole du Parc. Il se met à pleuvoir de plus en plus fort alors que Paul passe 20 minutes dans la guérite en discutant énergiquement avec le planton. Tout se passe en dialecte Lukonjo, mais il est manifestement question d’argent. Plus exactement d’argent imprévu réclamé pour l’entrée. Chacun s’attend à voir ressortir Paul, dépité. Qui viendrait ensuite nous expliquer que « ces voleurs » réclament « plus que prévu » et que « le budget que lui a laissé Chris ne suffit plus » et qu’il faut « partager le surcoût ». Quelle bande de mauvaises langues ! En fait tout se finit bien et 30 minutes de tape-cul plus loin nous entrons dans le « Mweya Safari Lodge ».

Lâchons les superlatifs dès le départ et une fois pour toutes : l’endroit est exceptionnel à tous points de vue. Le site est posé sur une péninsule entourée d’eau et surplombe l’immense Lac Edwards. Les bords du lac et les alentours grouillent de gros animaux sauvages, de même que l’intérieur du lodge (moins gros et moins sauvages, heureusement : oiseaux multicolores, phaccochères, mangoustes et lézards…). Bungalows, restaurant, bars, terrasses, salles communes, bord de piscine : tout est en magnifique bois de bambou verni décoré de tissus africains, tout est spacieux, confortable et fonctionnel, le personnel est pléthorique, serviable et parfois même efficace... il faut aller chercher les corbeilles à papier en plastique pour trouver une faute de goût. Le jardin, une oasis d’arbres aux fleurs odorantes, voit son herbe tondue à l’anglaise par une armée de phaccochères en liberté. Fermons la parenthèse.

Ah oui rouvrons la brièvement pour le restaurant : ça tombe bien, nous somme juste arrivés à 13h00 après un jeûne prolongé de plus de 3h30 depuis la sortie du petit-déjeuner à Margarita. Nous sommes en pension complète et le buffet est à la hauteur du Lodge. Les globe-trotters caviar diront que ça ne vaut pas le Carnivore de Nairobi ou le Porcão de Rio... mais il y a de quoi se défouler. Et faire une longue sieste digestive derrière. Le reste du groupe charte un 4*4 dans l’après-midi pour une première sortie-bestioles, Agnès et moi nous contentons de lecture-courrier-piscine. Pas chaude, quand même, la piscine, 25° au max. Les lacs alentours seraient sûrement plus chauds mais infestés de parasites (sans parler des hippos). Enfin ça permet au moins de se rouvrir l’appétit. Pour le buffet du soir, plantureux. Une fois de plus c’est la même triste constatation : une semaine d’effort annihilée en 2 jours de confort...


08/01/04, Mweya Lodge, Queen Elizabeth National Park
 

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En apparence la journée est vite résumée : 3 heures à zyeuter les animaux depuis le 4*4 le matin, 3 heures à zyeuter les animaux (pas les mêmes !) depuis le bateau l’après-midi. Activité physique : 10 minutes pour remonter du débarcadère au lodge, suivi de 10 minutes à barboter dans la piscine. L’essentiel de l’énergie dépensée l’est en fait à manier en alternance le déclencheur de l’appareil photo et celui du caméscope. Les espaces vacants sont occupés par les buffets. Sauf le soir où il faut commander (le lodge s’est curieusement vidé, du coup plus de buffet !). Sûr qu’on n’arriverait pas à passer toutes nos vacances comme ça ; sûr qu’on apprécie ce style de vie au décuple de retour de la rude épopée du Ruwenzori. Mais force est de constater que toute la journée nous fait passer d’un émerveillement naturel à l’autre et qu’il faudrait être bien étroit d’esprit pour gravir Margarita sans contempler l’extraordinaire sanctuaire naturel de ce Parc National.

Reprenons dans l’ordre : lever à 5h30 (quand même), plus facile qu’à Elena Hut. Café – muffins – départ : c’est bien sûr à l’aube que certains animaux bougent le plus. Vu le soleil vertical écrasant de midi, on les comprend. Ceux qui ont tout compris, ce sont les hippos : ils se goinfrent d’herbe à la fraîche toute la nuit et filent dormir dans l’eau tiède pendant que la chaleur cogne. Par contre un peu trop tôt pour filmer ceux qu’on voit passer dans la pénombre de l’aube. Du mieux avec les antilopes, gazelles & co : bel éclairage du matin, et puis elles ne fuient pas. Mais au bout de la 500ème, on se lasse un peu. Pareil pour les buffles. Le chauffeur quitte alors la piste (ce qui est pourtant formellement interdit sur tous les panneaux !), une courte approche discrète et hop : 2 familles de lions à 30 mètres. Enfin les lionnes et leurs petits, plus précisément : les mâles eux passent leur journée à dormir planqués entre les buissons, se font amener à manger et ne sortent que pour ***er de temps à autre. Qui a dit « la belle vie » ?

Le meilleur est pour la fin : un groupe d’éléphants, tous les ages. Pacifiques au premier abord. Qui finissent quand même par se répartir plus ou moins autour de la voiture. Jusqu’au moment où le Schtroumpf grognon du groupe se met en tête de traverser la piste précisément là où nous nous trouvons. Non, pas 5 mètres devant ou derrière, là exactement. Et manifestement ça l’énerve de voir le passage encombré, les signaux sont sans équivoque…Notre chauffeur, expérimenté, entame une stratégique et lente marche arrière… « ah oui, si ils s’énervent ils renversent facilement le 4*4 ». Le grognon traverse et nous fiche la paix. L’attention se reporte alors sur un curieux éléphant à 5 pattes…5 ? Non, sans compter la trompe. La 5ème c’est tout simplement son impressionnante virilité en rut, qui traîne largement par terre... « Look at that happy man » nous lance notre chauffeur dans un grand éclat de rire. Difficile de savoir laquelle du groupe va y passer, mais elle s’en souviendra ! Et chacun de nous se souviendra de ce qu’est un « happy man » pour un Africain…

L’après-midi en bateau est un peu moins aventureuse, mais pas moins belle : nous longeons lentement les rives du Lake Edwards. Pour ce qui est des hippos, le symbole du Parc, pas de publicité mensongère : même si on n’en voit souvent qu’une grosse bosse noire flottant paresseusement dans l’eau, ils se comptent bien par centaines. Mais l’essentiel est ailleurs : la guide de l’excursion, un véritable puits de science ornithologique, nous affirme en préambule que le Parc compte plus de 600 espèces d’oiseaux (!), soit plus encore que le légendaire Pantanal brésilien. Avant de passer les 3 heures de la visite à nous les désigner quasiment tous (j’exagère à peine) par leur nom, l’un après l’autre, dans les arbres au bord de l’eau, sur le dos des buffles ou sur celui des hippopotames. Elle semble avoir muté : de jumelles ont du lui remplacer les yeux... Même avec les notres (de jumelles, pas d’yeux !), on a de la peine à suivre et on en rate sans doute les ¾ (les 9/10 pour moi). Mais ces myriades d’oiseaux tous différents sont une véritable féérie animale. Et pour qu’un montagnard dise ça…


09/01/04, Aéroport d’Entebbe
 

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Les adieux auraient dû être déchirants. En fait pas tant que ça. Quels adieux ? Ah oui, ce sont Jérôme et Thibaud, en globe-trotters avisés, qui avaient bien compris au départ que nos 2 petites semaines ne leur suffiraient pas…et qui continuent leurs périple par un autre Parc national mythique, celui de Bwindi avec ses fameux gorilles de montagne. Les autres, on regrette d’avoir mégoté sur nos vacances et nos deniers (275 $ par personne le permis, quand même, sans aucune certitude de voir vraiment les grosses bestioles qui sont en fait assez peureuses…). On les débarque dans le chaos folklorique de la gare routière de Mbarara ; ils parviennent même à monter dans le bon bus, le premier d’une longue série pour s’enfoncer dans l’Ouganda profond. Alors pourquoi pas déchirants, les adieux ? Simplement parce qu’avant on était entassés à 10 avec les bagages dans un matatu taillé pour des Pygmées, les genoux collés au menton et les fesses ankylosées ; et qu’après leur départ, à 8 pour 10 places, c’est d’un seul coup le bonheur ! Comme quoi il ne suffit parfois pas de grand-chose…

On se console avec une pause déjeuner enfin à la mode locale : un bord de route poussiéreux dans un village anonyme, les mêmes cahutes cradingues que partout ailleurs, des petits stands ambulants qui vendent du mais grillé et des brochettes de chèvre don


Tourengänger: Bertrand


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