Picos de Europa, 2ème épisode : traversée du Torrecerredo de Vega Uriellu a Bulnes

Après l'entrée en matière flamboyante de la veille sur le Naranjo de Bulnes, poursuite de la traversée du Macizo Central par l'ascension incontournable du Torre Cerredo, point culminant des Picos de Europa. Malgré des distances apparemment modestes (sur la carte) et de bon sentiers en pointillés rouges (toujours sur la carte...), il nous faudra près de 11h pour rejoindre notre pension de Bulnes. "Orientation délicate par mauvais temps" est-il écrit sur tous les topos...on veut bien le croire ! Même par beau temps pas toujours facile de trouver son chemin dans ce relief disloqué d'aiguilles dolomitiques, de grandes dalles couchées parsemées de vagues cairns, et de "Jou" (dolines"), la spécialité locale de grandes dépressions au fond rempli de trous, dont on ne sait jamais trop s'il faut descendre au fond ou essayer de les contourner en faisant confiance à l'adhérence desdites dalles...les traces de sentiers dans la caillasse partent un peu dans toutes les directions et le dessin approximatif des cartes espagnoles n'aide pas toujours à y voir clair.

Bref on ne saura quel est le sommet à gravir qu'en arrivant vraiment au pied, là les choses se simplifient un peu, et les 200 derniers mètres en II sont faciles à suivre (partout ailleurs c'est vertical - penser juste à ne pas s'engager trop dans le profond couloir à la base de la pente terminal, il faut en fait en sortir tout de suite à D par un petit mur en II+/II- sans danger). Les topos espagnols cotent la course F voire PD-, cela dit la corde est inutile car ce genre de terrain à chamois un peu exposé par endroits est improtégeable. Le rocher y est cela dit très franc et l'ensemble passe bien même en trailrunners.

Du sommet, vue imprenable sur les Monts Cantabriques, la Cote Atlantique (souvent sous la brume il est vrai) et le Massif Occidental des Picos (zone des Lacs de Covadonga bien connus des cyclistes de la Vuelta), avec en particulier l'impressionnante Peña Santa de Castilla (2596m) que beaucoup d'alpinistes ibériques considèrent comme la plus belle montagne d'Espagne (c'est en tous cas l'une des plus isolées et des plus délicates par sa VN). Ce sera notre objectif des jours suivant, en mode "bike&hike&climb" évidemment.

La suite de la traversée est de toute beauté, 2 petits cols permettent de regagner la conque spectaculaire du Refugio Jou de Cabrones, le plus isolé du massif (et même d'Espagne dixit les topos locaux...), entouré d'une forêt de "picos", "torres" et "agujas" n'ayant rien envier aux Dolomites (et surtout pas la fréquentation !). Les 1400m de descente à Bulnes par le bel alpage d'Almuesa ne sont courts que sur la carte : les 4h donnés dans les topos n'ont en fait rien de fantaisiste, le cheminement de départ passe son temps à remonter des systèmes de dalles pour franchir plusieurs brèches (chaines) évitant de s'enferrer au fond des "Jous". A partir d'Almuesa, c'est bien plus tranquille, un sentier escarpé mais bien marqué facilite la descente dans le raide "Canal de Almuesa" jusqu'à Bulnes Castillo (le village historique) puis Bulnes Villa (le chef lieu !).

Comme partout dans les Picos attention à l'eau, en 10-11h de marche on n'en trouve qu'au Refuge Cabrones. L'intégralité du parcours est de toute beauté, compter quand même 10h à 11h. Inutile de dire que nous avons beaucoup baffré (chorizo, frites huileuses, huevos fritos et fromage Cabrales, le grand chelem du canon diététique) et bien dormi dans l'ambiance magique et le silence absolu du Hameau de Bulnes dont nous étions les seuls touristes ce soir là. Je recommande vraiment à tous ceux qui visitent les Picos d'y passer une nuit. Le hameau n'était accessible qu'à pied jusqu'à la construction du funiculaire en 2001, il comptait pourtant 40 familles au milieu du XXème siècle...

Météo et conditions : Grand beau doux, comme sur l'Europe entière... 100% sec, rocher solide même dans le très facile.

Participants : Agnès et moi. 5 autres personnes sur l'itinéraire

Commentaire sur les refuges : Pour les non-habitués des massifs ibériques, l'arrivée dans les refuges fait un petit choc la 1ère fois. D'abord les horaires : la "cena" est à 20 heures, le "silencio" à 23h ou 23h30, le petit-déjeuner à 7h...et la 1/2 pension pour les membres d'un Club Alpin à 22,5 Euros ! Malgré tout la moitié des gens préfèrent cuisiner eux-même (ce qui est tout à fait accepté) voire même camper à coté (idem)...

Refugio Uriellu assez fréquenté (25 personnes sur 95 places), on y mange bien et beaucoup. Nous y avons même gouté notre 1ère "fabada", le roboratif plat "national" asturien à base d'haricots secs, de pois chiches, de chorizo et de lard. Jou de los Cabrones gardé aussi (et par contre désert : 3-4 personnes par soir en moyenne...le gardien est il est vrai assez introverti...une riche vie intérieure semble préférable pour passer une saison ici !). 2 hébergements à Bulnes : Casa del Chiflon (chambres doubles à 30 EUR p/p pd inclus, mais le proprio exige un paiement d'avance pour toute résa...). Ou en plus authentique, plus rustique mais bien plus sympa : les dortoirs de Peña Main (et le restaurant attenant, le proprio élève poules et cochons et tout ce qui vous sera servi sera garanti "maison", du Chorizo au Queso Cabrales), 30 EUR p/p mais en 1/2 pension.

Itinéraire détaillé du Torrecerredo ici.